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Journée de la meuf : je ne suis pas… femme !

7 mars 2025

L’auteur porte une réflexion profonde et émouvante sur le fait d’être femme. Un texte qui parle et qui interpelle.

Je me suis fait une réflexion dérangeante l’autre jour. Ça m’a un peu chamboulée. J’ai eu l’impression d’être une hypocrite. Je me disais que j’étais heureuse de ne pas avoir de fille. C’est dur à lire, non ? J’ai toujours rêvé d’être une maman à filles. Mais au bout de deux grossesses, deux accouchements, je me suis retrouvé avec des tizom. Je me suis dit qu’au moins je n’aurais pas besoin d’accompagner ma fille dans l’accouchement, d’abord. Dans cette douleur intense qui vrille tout, qui vous détruit. Une horreur qu’il est impossible d’oublier, même si d’autres souffrances viennent balayer ce moment cauchemardesque.

Parce qu’à la suite, c’est une vie volée que nous vivons, nous les femmes. La gestion de la vie de notre famille sur nos seules épaules. Se rappeler de la dose du paracétamol, se battre pour que les sachets de chips ne soient pas le seul aliment qu’ingèrent vos enfants. L’allaitement. Les douleurs post-accouchements. L’esprit qui explose. Le manque de sommeil. La perte d’identité. Tout cela saupoudré de fatigue. Une immense, incommensurable, indescriptible fatigue.

Et quand, finalement, vous allez mieux avec la gestion de vos enfants et que vous voulez vous recentrer sur vous, ahhhhhh, c’est la catastrophe. L’équilibre de la famille vacille. Votre conjoint vous parle d’égoïsme, de manque de considération et d’absence de volonté. Alors que pendant des années, vous avez donné TOUT. Même ce que vous n’aviez pas ! Même si ces reproches défient toute logique, vous les prenez en vous et dans votre cœur, les nuages s’amoncellent. La tristesse, la culpabilité, le dégoût de vous. Vient cette sourde dépression, cette ineffaçable angoisse. Voilà, je vous parlais d’autres douleurs. Elles sont nombreuses. Tellement nombreuses qu’il est impossible de parler de toutes ces souffrances qui jalonnent la vie de femme.

C’est pour cela que je suis heureuse de ne pas avoir de fille.

Je n’aurais pas besoin d’être là pour l’accompagner dans un monde qui veut tout d’elle, sans vouloir lui apporter un soutien, un cadre pour qu’elle s’évanouisse.

Je n’aurais pas besoin de lui expliquer de faire attention aux hommes, à leur esprit dérangé. Aux mains baladeuses. Aux regards qui font peur. Je n’aurais pas besoin d’aller lui conter les règles pour se protéger d’eux. Ne marche pas seule la nuit, n’enfile pas une jupe trop courte. Ne parle pas aux étrangers. Méfie-toi de ton ombre, même elle peut être traîtresse. Car les élans de ce qui se meut en toi peuvent t’emmener sur des routes de la perdition. Un conjoint violent, un mari pervers. Un homme qui te manipule, un homme qui te spolie. Un homme qui t’éloigne de ton essence. Je n’aurais pas besoin de lui expliquer que l’amour, il ne faut pas le vivre avec insouciance. Mais avec calcul presque. Qu’il faut chercher les green flags. Et fuir les red flags. Mais faire, aussi, attention à ces signes positifs qui peuvent être joués pour mieux t’attraper, te lier, t’emprisonner. Oui ma fille, les monstres prennent, souvent, du temps avant de dévoiler leurs ailes de méchanceté. Quand tu es solidement prise dans des filets, c’est là que la vague de désespoir déferle sur toi.

Je n’aurais pas besoin de lui dire : ne fais pas confiance, ne te donne pas. Même si je sais qu’elle ne m’écouterait pas de toute façon. Que l’impulsion de son être la mènerait sur des chemins qui lui seront propres. Comme moi, comme d’autres femmes. Heureuses de découvrir l’autre, heureuses d’aimer et de tout donner. En confiance, en amour. Puis, très vite, avoir les ailes coupées. Le souffle aussi. Avoir du mal à respirer. Avoir du mal à vivre. Se dire que la vie n’est pas faite pour nous. Broyer du noir, n’être que du sombre.

Je n’aurais pas besoin de lui dire, également, la merveille que c'est d'être femme. Parce que c’est un cadeau de l’univers, une bénédiction. Parce que nous portons en nous tout un monde de patience, de bienveillance et d’amour. Nous avons en nous les solutions à tout. Nos voix ont la puissance du monde en elles. Je n’aurais pas cette chance de l’accompagner sur son parcours de femme, essayant de la guider sur le bon chemin, lui apprenant que l’amour a des limites, qu’il ne faut pas simplement être belle et se taire. Qu’il faut être féroce, qu’il faut se défendre. Qu’il faut avoir des boundaries. Qu’il faut se battre pour soi avant tout. Que la vie peut être belle même sans homme. Que son identité ne s’accroche pas à celle d’un mari. Je lui expliquerais qu’il ne faut pas tout accepter. J’essaierais de lui apprendre à être ELLE ! Même si je ne le suis pas toujours moi-même. Mais elle trouvera en moi les graines d’une rébellion qui l’aideront à pousser, à grandir. À trouver sa voie. Pour aller toujours vers sa lumière. Pour que personne ne la ternisse. Oui, je sais que c’est une utopie, non ? Mais je n’ai pas de fille, donc, je peux toujours rêver. Et avoir des conversations avec elle.

Avec elle, la fille que je n’ai jamais eue. Ou plutôt, avec la petite fille que j’étais. Celle qui a été brimée, celle qui a connu la violence, celle qui a connu les abus. Celle qui, malgré tout, a tenu le coup, a avancé et a marché vers une autre vie. Meilleure ? Parfois oui, parfois non. Car il y a des souffrances qui ne s’effacent pas. Elles sont indélébiles, insolubles. Elles vivent en moi et s’éveillent à chaque accroc, à chaque nouvelle souffrance.

«You can leave a broken home,

but a broken home never leaves you.

You can leave a toxic mom,

but you will still search for her love,

and feel guilty when you find it.

You can leave an angry father,

but you will carry his anger in your heart forever.

You can leave a broken home,

but a broken home never leaves you.»

De Divi Maggo

Comme je n’ai pas de fille, j’essaierai, quand même, de mener mes fils vers une voie qui parle de respect des femmes et de leur féminité. D’empathie, d’encouragement, d’accompagnement.

J’essaierai d’en faire des hommes dont on n’a pas peur, à qui on peut faire confiance.

J’essaierai.

PAR AMÉLIE

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