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Il a participé au High-Level Political Forum (HLPF), à New York

Krishna Pentayah : «Ce forum a été un moment de vérité intérieure...»

21 août 2025

«J’ai compris que la diplomatie de demain sera menée par des jeunes pluriels, qui sont à la fois artistes, scientifiques, activistes et poètes», confie Krishna Pentayah.

«We are not against foreign collaboration; we are against exclusion, what we are against is building Africa without Africans. We are against deciding for us without having us fully at the table...» C’est un extrait du discours du diplomate-scientifique, fondateur de Sov Lanatir et représentant du Bureau de la jeunesse de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui revient sur son expérience du High-Level Political Forum (HLPF).

C’était un rendez-vous clé pour le développement durable. Le High-Level Political Forum (HLPF), événement annuel organisé par les Nations unies pour évaluer les progrès dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et des Objectifs de développement durable (ODD), s’est tenu du 14 au 23 juillet à New York sous les auspices du Conseil économique et social des Nations unies. Le thème de cette édition était «Faire progresser des solutions durables, inclusives, fondées sur la science et les preuves pour l’Agenda 2030 et ses Objectifs de développement durable pour ne laisser personne de côté». Le forum a rassemblé des représentants de gouvernements, des organisations internationales, des organisations de la société civile et des entreprises pour discuter des défis et des opportunités liés au développement durable. Trente-sept pays ont présenté leurs examens nationaux volontaires, montrant les actions prises pour mettre en œuvre l’Agenda 2030. Maurice était également de la partie et Krishna Pentayah, diplomate-scientifique, fondateur de Sov Lanatir, représentant du Bureau de la jeunesse de l’ONU et visage connu pour son engagement pour les causes environnementales, faisait partie de cette aventure qu’il décrit comme riche en enseignements.

«C’était un rendez-vous à haute intensité diplomatique, mais aussi un espace de vérité. J’y ai vu l’importance de confronter les ambitions affichées aux réalités vécues, en croisant les données scientifiques, les engagements diplomatiques et les voix citoyennes», nous confie Krishna Pentayah en revenant sur son expérience. C’est avec passion qu’il parle de cet événement qui a été pour lui très enrichissant : «En tant que représentant du Bureau de la jeunesse des Nations unies et fondateur de Sov Lanatir, j’y ai porté les préoccupations des jeunes des îles, souvent oubliés dans les grandes discussions géopolitiques, alors qu’ils sont en première ligne face aux dérèglements climatiques. Le HLPF est une boussole collective : il permet de voir si nous avançons ensemble, de manière équitable et soutenable. Et la réponse est claire : le monde est en retard. Et notre pays, ou plutôt les leaders de notre pays, aussi.»

Et quel était l’enjeu de l’initiative qui a été un rendez-vous essentiel pour les acteurs du développement durable ? «L’enjeu était de taille. Il ne s’agit plus simplement de ‘faire des progrès’, mais d’éviter l’échec collectif de l’Agenda 2030. Pour Maurice, cet enjeu est double. D’un côté, le pays a soumis en 2024 son deuxième Rapport national volontaire (VNR), réaffirmant une vision louable d’une économie verte, inclusive, à revenu élevé. Mais de l’autre côté, les indicateurs clés montrent des reculs ou des stagnations alarmants», poursuit le fondateur de Sov Lanatir en prenant l’exemple de l’énergie renouvelable. «Entre 2022 et 2024, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique mauricien est passée de 19,2 % à 18,2 %, soit une régression, alors que la feuille de route vers 2030 exige un bond vers 60 %. Autre donnée majeure : selon un rapport récent des Nations unies, environ 180 000 Mauriciens n’ont pas accès à une alimentation saine et équilibrée. Par ailleurs, moins de 2 % des financements climatiques mondiaux atteignent directement les organisations de jeunes ou de base, comme Sov Lanatir. Ces chiffres révèlent une urgence : revoir nos modèles de développement, investir dans les capacités locales, et bâtir une résilience fondée sur l’inclusion, la transparence et la justice écologique. L’HLPF, c’est aussi un miroir. Et ce miroir nous dit clairement : il faut accélérer.»

Un honneur

Assister à ce forum était pour lui très important et un des moments phares du rassemblement, c’est quand il a eu l’occasion de prendre la parole : «Ma présence au HLPF n’était pas simplement symbolique. En tant que scientifique en formation et fondateur d’ONG de terrain, je porte une vision intégrée : la connaissance scientifique doit dialoguer avec les savoirs communautaires et, ensemble, ils doivent éclairer les décisions politiques. Pour la première fois, j’ai pris la parole lors d’un événement parallèle de la FAO pour parler en tant qu’enfant issu d’un village rural, un ti zanfan vilaz, comme on dirait chez nous à Écroignard. J’ai évoqué ce que cela signifie de grandir entre rivières, forêts et montagnes, loin des grands centres urbains, mais au plus près de la nature. Et ce que cela signifie aussi d’observer, depuis ces territoires, les promesses globales non tenues.»

Il a aussi été marqué par les rencontres qu’il a faites. «J’ai eu l’honneur de rencontrer Felipe Paullier, le sous-secrétaire général de l’ONU pour la Jeunesse, une rencontre inspirante et humaine. Il a écouté, sincèrement, et a renforcé ma conviction qu’au sein de ces grandes institutions, il y a une réelle volonté de changement – si nous savons l’activer. À travers Sov Lanatir, j’ai plaidé pour une écologie décolonisée, qui reconnaît les liens profonds entre spiritualité, culture, océan et science. J’ai aussi dénoncé l’invisibilité des jeunes Africains dans la gouvernance environnementale mondiale, notamment lors de mon intervention au Bureau de liaison de l’Union africaine à l’ONU», souligne Krishna en partageant avec nous un extrait de son discours. «The GCF is there and mostly funded by the European Union, but many grassroots do not see where the money is. Evidence from the OECD and IIED report shows that less than 2% of climate finance currently reaches youth- or community-led organisations directly, and over 80% of conservation funding for Africa is still managed by institutions based outside the continent, mostly in Global North, coming with not-fully-suitable non-local methods. Local problems, foreign experts, foreign leadership, global profit.  We are not against foreign collaboration; we are against exclusion, what we are against is building Africa without Africans. We are against deciding for us without having us fully at the table. This reveals an opportunity: to move from participation to co-creation, where young people and local experts are meaningfully involved from the earliest stages of policy design and programme development. Talking about experts, it is essential to decolonise science as well and promoting Ancient/Indiginous Knowledge Systems as ecocentric sciences (rather than extractive anthropocentric sciences) the norms lead. J’ai dit clairement : Nous ne sommes pas contre la collaboration étrangère, mais nous sommes contre l’exclusion. Nous ne voulons plus d’une Afrique construite sans les Africains.»

«Ma vocation»

Le passionné de tout ce qui touche de près ou de loin à l’environnement ressort grandi de cette expérience : «Je retiens une chose essentielle : le Sud global se lève, non pas seulement pour revendiquer, mais pour proposer. Lors de mes échanges avec des parlementaires de l’Union européenne, j’ai apporté la perspective d’un jeune scientifique insulaire engagé. J’ai partagé notre travail à Sov Lanatir, où nous allons bien au-delà de la simple sensibilisation. Par exemple, nous utilisons des outils de cartographie par drone, de SIG (Système d’information géographique), et les combinons aux savoirs écologiques traditionnels pour restaurer les mangroves et protéger nos côtes. Ce genre de solution hybride est reproductible à grande échelle – mais encore faut-il que les financements arrivent jusqu’à nous. J’ai aussi compris que la diplomatie de demain sera menée par des jeunes pluriels, qui sont à la fois artistes, scientifiques, activistes et poètes. Ma participation a renforcé ma vocation à incarner ce pont entre mondes : entre l’académique et le communautaire, entre les institutions internationales et les luttes locales.»

Et quelles sont les possibles retombées de ce rendez-vous pour le pays ? «Le message est simple : la crédibilité de Maurice à l’international dépendra de sa capacité à aligner ses ambitions avec des actes concrets. Le forum m’a permis de tisser des alliances avec d’autres jeunes leaders, des organisations onusiennes et européennes, qui pourraient appuyer des initiatives locales innovantes, notamment dans le domaine de la transition énergétique, de l’agriculture régénérative et de la souveraineté alimentaire», nous répond le jeune homme tout en affirmant que notre île devra faire ses preuves. «Aujourd’hui, nous restons en retard sur plusieurs fronts, comme sur le climat avec peu d’adaptation au niveau communautaire, sur le transport durable, la protection de la biodiversité, autour des inégalités sociales croissantes et le manque de transparence dans l’accès aux financements internationaux. Une meilleure inclusion des jeunes, des scientifiques locaux et des gardiens du territoire pourrait changer la donne. Je suis prêt à contribuer à cette transformation.»

Ce grand rendez-vous lui a aussi confirmé, dit-il, que les batailles locales ont une résonance globale. «Il m’a rappelé que ma posture, à la fois enracinée dans mon île et connectée au monde, est précieuse. En tant que jeune Mauricien, j’ai compris que mon rôle est aussi de traduire la complexité du monde pour la rendre compréhensible à ceux qui veulent agir. Ce forum a aussi été un moment de vérité intérieure : une invitation à renforcer mes convictions, mais aussi à bâtir des ponts de confiance entre générations, entre savoirs, entre continents. Il m’a donné envie d’aller encore plus loin : de voir mon pays et mes îles s’affirmer non plus comme des petites nations vulnérables, mais comme de grands États océaniques porteurs de solutions – pour Maurice, pour l’Afrique et pour le monde. Nous pouvons inspirer le monde, de par nos valeurs zilwa...», conclut Krishna Pentayah, aujourd’hui un peu plus armé après sa participation au High-Level Political Forum, ce rendez-vous clé pour le développement durable.

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