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La minute légale avec… Aurélien J.R. Oudin, juriste

La grâce présidentielle à Maurice : cadre légal, cas marquants et procédure

14 août 2025

Qui peut en bénéficier ? Quelles sont les procédures ? Pour tout savoir sur la grâce présidentielle, suivez les explications du juriste, Aurélien J.R Oudin (BSc, MBA, LLB).

1. Un pouvoir constitutionnel exceptionnel

La Constitution mauricienne confère au Président de la République le pouvoir, sur avis de la Commission de la prérogative de miséricorde (Prerogative of Mercy Commission), d’.de :

  • Accorder une grâce totale ou conditionnelle ;

  • Reporter ou suspendre l’exécution d’une peine ;

  • Substituer une peine plus clémente ;

  • Remettre tout ou partie d’une peine ou amende.

Cette Commission, composée d’un président et d’au moins deux membres, instruit les demandes, mène les enquêtes nécessaires et rend un avis. Le Président, après examen, prend la décision finale, qui est ensuite notifiée au demandeur.

2. Des affaires qui font débat

Ce pouvoir, s’il vise à corriger des injustices ou répondre à des situations humanitaires, a parfois suscité la controverse. L’exemple le plus cité reste celui dit «Dip Kid». Condamné pour escroquerie à une peine d’emprisonnement, l’intéressé a vu sa peine remplacée par une amende de Rs 100 000 après intervention présidentielle.

La décision a été contestée par le Directeur des Poursuites Publiques (DPP) devant la Cour suprême, soulevant la question du contrôle judiciaire de ce pouvoir.

Des critiques récurrentes portent sur :

  • Le manque de transparence des critères utilisés par la Commission.

  • Le risque de politisation de la décision.

  • L’absence de recours direct contre un refus.

3. Procédure officielle de demande de grâce

Qui peut demander ?

Le condamné lui-même ;

Un proche parent (époux, parent, enfant majeur) ;

Un représentant légal ou avocat ;

Une personne ayant un intérêt légitime.

Où adresser la demande ?

Secrétariat de la Commission sur la prérogative de miséricorde

State House, Le Réduit, Maurice

Documents à fournir :

1. Lettre exposant :

Identité complète et référence judiciaire ;

Date et nature de la condamnation ;

Peine prononcée ;

Motifs précis de la demande (humanitaires, réhabilitation, élément nouveau, erreur judiciaire…).

2. Pièces justificatives :

Copie certifiée conforme du jugement ;

Certificat de bonne conduite ou preuves de réhabilitation ;

Rapports médicaux le cas échéant ;

Lettres de soutien (famille, employeur, ONG…).

Déroulement :

  1. Réception et enregistrement de la demande ;

  2. Vérification de la recevabilité ;

  3. Enquête complémentaire (police, prison, DPP…) ;

  4. Délibération de la Commission et avis rendu au Président ;

  5. Décision présidentielle (grâce totale, partielle, ou refus) ;

  6. Notification au demandeur et aux autorités concernées.

Délais :

Aucun délai légal strict — traitement de quelques semaines à plusieurs mois selon la complexité du dossier.

Recours :

La décision présidentielle n’est pas un jugement et ne s’attaque pas comme tel, sauf abus manifeste de pouvoir via une Judicial Review.

Conseils pratiques pour un dossier solide

Rédiger un argumentaire clair et factuel ;

Joindre des preuves concrètes de bonne conduite et d’intégration sociale ;

Éviter les demandes vagues ou purement émotionnelles ;

Faire relire par un avocat ou un juriste avant dépôt.

En conclusion

La grâce présidentielle est un instrument précieux de justice et d’humanité, mais son usage doit rester exceptionnel et transparent pour ne pas ébranler la confiance dans l’État de droit.

Connaître la procédure et présenter un dossier solide augmente les chances de succès, tout en contribuant à la crédibilité de ce mécanisme.

L’auteur évoque l’affaire «Dip Kid», de quoi parle-t-il ?

Chandra Prakashsing Dip, fils du commissaire de police, a été condamné en 2018 à 12 mois de prison pour fraude et détournement de fonds. En décembre 2022, une grâce présidentielle — validée par la Commission de pourvoi en grâce — a transformé cette peine en une amende de Rs 100 000. L’affaire a été vivement critiquée pour sa rapidité, le manque de clarté procédurale et des possibles interférences exécutives. Malgré les contestations judiciaires, la Cour suprême a finalement rejeté la demande de révision, validant la décision de grâce.

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