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La minute légale avec… Aurélien Oudin, juriste

L’adoption à l’île Maurice : une procédure encadrée par la loi au service de la filiation

3 juillet 2025

Photo : Stephanie Domingue

Prendre un enfant par la main. Faire un acte d’amour et l’accueillir au sein de sa famille. C’est d’abord une aventure d’émotions et de liens. Mais c’est aussi un parcours légal avec des procédures strictes à respecter. Le juriste Aurélien Oudin (BSc, LL.B, MBA) en parle.

1.⁠ ⁠Bases légales de l’adoption

L’adoption est prévue par les articles 343 à 370 du Code civil mauricien, reprenant les grands principes napoléoniens tout en les adaptant au contexte local.

Elle peut être de deux types :

•⁠ ⁠Adoption simple, qui laisse subsister un lien avec la famille d’origine

•⁠ ⁠Adoption plénière, qui rompt totalement ce lien pour créer une nouvelle filiation

Cependant, à Maurice, l’adoption simple est la norme. L’adoption plénière est plus rare et encadrée de manière rigoureuse.

2.⁠ ⁠Qui peut adopter ?

Selon l’article 343 du Code civil, peuvent adopter :

•⁠ ⁠Toute personne majeure âgée de plus de 30 ans, célibataire ou mariée

•⁠ ⁠Les couples mariés, à condition d’avoir au moins 15 ans de plus que l’enfant à adopter ; exceptionnellement, la différence d’âge peut être réduite à 10 ans par décision de justice motivée

  • L’adoption par des personnes en couple et de même sexe n’est actuellement pas reconnue légalement

3.⁠ ⁠Qui peut être adopté ?

Peut faire l’objet d’une adoption :

•⁠ ⁠Tout mineur de moins de 18 ans résidant habituellement à Maurice

•⁠ ⁠Un enfant abandonné, orphelin ou confié à un orphelinat agréé

•⁠ ⁠Un enfant dont les parents biologiques consentent à l’adoption de manière libre et éclairée

•⁠ ⁠Un enfant sous ordre de placement de la Child Development Unit (CDU)

4.⁠ ⁠La procédure d’adoption (Code civil & Child Protection Act)

L’adoption se fait devant la Cour suprême. Elle comporte plusieurs étapes obligatoires :

a. Enquête sociale préalable

•⁠ ⁠Menée par un officier de la CDU ou un officier de probation.

b. Consentement obligatoire

•⁠ ⁠Les parents biologiques et l’enfant (à partir de 10 ans) doivent consentir.

c. Dépôt de la demande à la Cour suprême

•⁠ ⁠Cela se fait par l’intermédiaire d’un avocat et d’un avoué. Le rôle de l’avoué est essentiel : il est chargé du dépôt des actes, veille au respect des délais, à la régularité du dossier, et assure la transmission des documents à la cour. Il est le lien procédural entre les parties et le juge.

d. Jugement d’adoption

•⁠ ⁠Si toutes les conditions sont remplies, la cour rend un jugement d’adoption exécutoire.

5.⁠ ⁠Effets juridiques de l’adoption

•⁠ ⁠L’enfant prend le nom de famille de l’adoptant

•⁠ ⁠Il acquiert les droits successoraux et le statut d’enfant légitime

•⁠ ⁠Il cesse d’appartenir juridiquement à sa famille d’origine (dans le cas d’une adoption plénière)

•⁠ ⁠L’adoption est irrévocable, sauf exception grave

6.⁠ ⁠Adoption internationale

Possible sous conditions :

•⁠ ⁠Respect de la Convention de La Haye (encore non pleinement ratifiée par Maurice).

•⁠ ⁠Autorisation du ministère des Affaires étrangères.

•⁠ ⁠Double évaluation sociale (pays d’origine et d’accueil)

7.⁠ ⁠Infractions liées à l’adoption (Child Protection Act, art. 19 à 22)

La loi réprime sévèrement :

•⁠ ⁠La vente ou l’achat d’un enfant (jusqu’à Rs 500 000 et/ou 10 ans de prison)

•⁠ ⁠Les adoptions illégales sans jugement

•⁠ ⁠La falsification de consentement ou de documents officiels

Conclusion

L’adoption est un acte solennel et engageant. Le droit mauricien veille à ce que ce lien soit construit dans le respect de l’enfant et de l’ordre public. Le rôle de chaque intervenant – juge, avocat, avoué, travailleur social – est central pour garantir une décision juste, humaine et protectrice.

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