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5 avril 2025 18:45
Pour le mieux-vivre et le mieux-être. Alain Jeannot fait un plaidoyer pour que ses notions soient prises avec tout le sérieux qu’elles méritent.
L’île Maurice se mérite ! Elle a une réputation d’une île-paradis où le bonheur est à fleur de peau, ce qui excuse la distance qui sépare ses rivages de ses réservoirs touristiques. Toutefois, son drapeau ne flotte pas très haut à l’échelle du bonheur mondial. On dirait même qu’il est en berne tant le classement devient de plus en plus terne depuis les six dernières années.
En 2020, l’île Maurice avait décroché une médiocre 49e place pour sombrer légèrement à la 50e en 2021. Poursuivant sa dégringolade, elle se retrouvait au 52e, 59e puis, au 70e rang en 2022, 2023 et 2024 respectivement ! Pour rester dans la tendance, elle perd encore huit places cette année. Le récent rapport sur le bonheur dans le monde lui décernant, en effet, la 78e place parmi les 145 pays évalués.
Pourtant, le visiteur s’y sent heureux, du moins pour le moment. Pendant son séjour chez nous, il est accueilli, pouponné. Il peut circuler où il veut. S’il tombe malade, en général, il a les moyens pour s’offrir les soins nécessaires. Il se sent en sécurité dans l’enceinte de son hôtel et il profite de ce qu’il n’a pas chez lui, à savoir : le soleil, le ciel bleu, les plages blondes et les lagons bleus aux températures fort agréables.
Pour la population, c’est une autre paire de manches. D’abord, elle n’est pas en vacances ; son état d’esprit est différent. Faut-il, pour autant, qu’elle soit presque malheureuse ? Car, soyons honnêtes, le bonheur est un état d’esprit, et, si cet état d’esprit est classé 78e sur une échelle de 1 à 145, c’est qu’il se porte mal !
L’île Maurice n’est pas le seul pays avec un classement au bonheur mondial qui soit à l’opposé de celui de sa fréquentation touristique. La Turquie est le 6e pays le plus visité du monde mais il est à la 94e place à l’échelle du bonheur planétaire. La France est la première destination touristique mondiale mais elle occupe la 27e place au classement des pays les plus heureux. Pouvons-nous, pour autant, nous permettre de penser que notre industrie touristique sera éternellement épargnée par ce déclin de notre niveau de bonheur ?
Nous n’avons ni l’économie, ni la géographie, encore moins la taille, l’histoire et les attractions touristiques de la Turquie et la France. Dans une petite nation insulaire sans autres ressources naturelles que son capital humain, les conséquences pourraient être très sérieuses, voire même irréversibles si cette même nation devenait résolument mélancolique, mal dans sa peau.
C’est pour cela que ce classement au bonheur mondial est aussi important que les autres voyants sur le tableau de bord de notre pays et pas que dans le domaine touristique.
Nous verrons une augmentation de l’usage des paradis artificiels faisant la part belle à la progression du nombre de criminels et de trafiquants de tout poil. Les jeunes seront moins intéressés avec l’éducation. Ils passeront leur temps sur les réseaux sociaux et se satisferont des petits plaisirs éphémères. Lorsque tomberont les résultats, ce sont les autres qui porteront le blâme. Pour faire plaisir, on rabaissera la franchise pour passer à l’étape supérieure. Un jour, nous pourrons faire la HSC avec deux credits.
Sur les lieux de travail, dans l’espace public, nous serons de plus en plus enclins à l’incivisme. Le sourire disparaîtra avec les bonnes manières : merci, bonjour et au revoir. Quand on n’est pas bien dans sa peau, on a l’œil rivé sur son nombril, les autres, cela ne nous intéresse pas.
Nos échanges deviendront de plus en plus marqués par le manque de confiance. Car, si je me fais continuellement duper, pourquoi devrais-je être «réglo» ? Or, ce déficit de la confiance corrompt et est cause de beaucoup de frustration, de détresse, de recul dans l’entreprise quelle qu’elle soit.
Le bonheur, c'est le juste milieu entre les moyens, à savoir la richesse, la sécurité sociale, la liberté de nos choix de vie, l’espérance de vie en bonne santé, la perception de la corruption (la confiance), la bienveillance, la générosité. Ce sont ces critères qui sont évalués pour calculer le niveau de bonheur de chaque pays.
Ne serait-il pas urgent de revoir l’état de ces piliers, alors que nous sommes dans la dynamique du changement, pour freiner cette descente à grande vitesse vers une île Maurice qui n’inspire que le mal de vivre ? Cela peut arriver plus tôt que prévu si nous ne prenons pas garde. Le bonheur ne tombe pas du ciel, il s’entretient, se cultive, se construit.
Relevons le défi de remettre le pays dans la vitrine qui lui convient, celle d’une île-paradis figurant en bonne place au classement du bonheur. Parce qu’au paradis tout le monde est heureux, qu’il soit étranger ou résident !
PAR ALAIN JEANNOT
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