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Le message silencieux des citadins

11 mai 2025

Le scrutin de l’indifférence ! La parole du tandem Ramgoolam-Bérenger n’a pas eu l’effet escompté. Leur mise en garde contre le danger de l’abstention a été largement ignorée par une majorité de citadins, qui ont choisi de s’exprimer non pas par leur vote, mais en boudant massivement les urnes municipales. Ces élections, bien plus qu’un simple exercice électoral, incarnaient le retour d’un droit confisqué depuis plus de dix ans par l’ancien régime. Alors qu’elles auraient dû être perçues comme un rétablissement de notre démocratie locale, elles ont été marquées par une indifférence frappante, avec plus de 73 % d’abstention.

On retiendra donc que les «60-0» de novembre dernier n’ont pas conduit à un plébiscite du nouveau gouvernement, même si le Premier ministre y a vu un «raz-de-marée». L’on retient aussi que trois candidats opposés à l’Alliance du Changement – Belcourt, Teerbhoohan et Dookun – ont réussi l’exploit de déjouer le mot d’ordre «bizin balye karo» lancé par Bérenger et que les «120 zéros» prédits par Bhagwan ne se sont pas matérialisés.

S'il y a une tentative de relativiser ce faible pourcentage de votants en le comparant à d’autres scrutins municipaux antérieurs qui avaient également récolté un taux de participation médiocre, si l'absence du MSM et du PMSD a privé ces élections d’un affrontement entre partis traditionnels, le gouvernement ne devrait pas négliger la grogne qui gagne progressivement les Mauriciens et qui s’est aussi traduite par ce désintérêt lors des municipales du 4 mai. C’est un signal envoyé à la classe politique exprimant une désillusion, une perte de confiance pouvoir-citoyens et une déception post-électorale de la part d’une population impatiente.

Six mois après l’installation de l’équipe du Changement, beaucoup concluent déjà que tous les politiciens sont les mêmes, ayant une lecture qu’une fois au pouvoir, les promesses s’évaporent. Et ce n’est pas la déclaration du Premier ministre qui apaisera les esprits : «Kouma pou ranbours det ki ansien rezim finn fer? Nou pena baton mazik», a-t-il lancé à la presse lors d’une réception organisée pour les lauréats, alors qu’il était interrogé sur la cherté de la vie.

Certes, le Premier ministre n’a pas tort de rappeler le bilan catastrophique laissé par le précédent gouvernement. Certes, le gouvernement pourra toujours se vanter d’avoir pris, pendant ces six premiers mois, plusieurs mesures qui redonnent confiance à notre démocratie : la dignité retrouvée du Parlement, la réclamation des comptes (à travers la FCC) à ceux qui ont confondu leur bourse personnelle avec celle de l’argent public, la (trop faible) baisse du prix de l’essence ! Mais ces avancées sont loin d’être suffisantes pour faire une différence dans les porte-monnaies et la vie des Mauriciens.

À part ça ? Pas de grands changements sur des sujets essentiels ! Le cafouillage survenu le 30 avril, à la suite de l’avis des pluies torrentielles, la perception de deux catégories de travailleurs entre ceux des secteurs public et privé, la décision prise ensuite par le bureau du Premier ministre pour rétablir un équilibre au moment même où le temps s’améliorait donnent une impression d’un scénario vécu ! Les hommes passent, les couleurs politiques changent, mais les dysfonctionnements restent les mêmes.

L’autre épisode qui renvoie à une image de déjà-vu est l’arrestation musclée du jeune Nygel, qui, après avoir volé la voiture de son grand-père, a été arrêté par des policiers qui n’ont pas hésité à le brutaliser violemment, comme en témoigne une vidéo insoutenable. Même si le jeune suspect a commis un délit et qu’il n’en est pas à son premier cas, semble-t-il, la façon de faire de la police nous rappelle tous ces cas de brutalités policières dénoncés sous l’ancien régime qui n’ont eu aucune suite. Le silence des autorités jusqu’à présent donne l’impression d’une carte blanche accordée à la police, avec la complicité passive du gouvernement.

Cette ambiance, plutôt morose, ce sentiment d’amertume se voit exacerbé par l’annonce d’un budget décrit comme responsable, que la population craint d'être sévère ! Imposera-t-il d’énormes sacrifices aux citoyens ?

Quant aux citadins, ils ont, déjà, fait montre de leur mood face aux politiques, le dimanche 4 mai, à travers le scrutin de l’indifférence…

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