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La minute légale avec… Aurélien Oudin, juriste

L'injonction en Cour suprême à Maurice : comprendre, demander et obtenir une protection urgente

18 décembre 2025

Quand l’attente d’un jugement risque de causer un dommage irréversible, la justice doit pouvoir agir vite. En droit mauricien, l’injonction permet à la Cour suprême d’ordonner, en urgence, de faire ou de ne pas faire un acte afin de protéger un droit ou de préserver le statu quo. Outil clé d’équité, elle intervient avant que le fond du litige ne soit tranché. Le juriste Aurelien Joseph Raoul Oudin (BSc (Hons), LL.B, MBA) en parle.

En droit mauricien, l'injonction est une ordonnance rendue par la Cour suprême, le plus souvent par un Judge in Chambers, qui ordonne à une personne de faire ou de ne pas faire un acte. Son objectif est de protéger un droit, de prévenir un préjudice grave ou de maintenir la situation en l'état pendant qu'un litige est examiné sur le fond. C'est un remède d'urgence et d'équité, accordé avec prudence.

Qu'est-ce qu'une injonction

Une injonction peut être prohibitive (interdire un acte) ou mandatory (ordonner une action). Elle peut être interim ou interlocutory, donc temporaire, le temps que la Cour entende les parties et/ou statue. Dans certains dossiers, la Cour peut émettre des ordonnances de type freezing order (Mareva) pour éviter la dissipation d'avoirs, ou des ordres de préservation lorsque des preuves ou des biens risquent de disparaitre.

Pourquoi demander une injonction

On sollicite une injonction lorsque l'attente du jugement final risque de rendre le droit théorique. Exemples : travaux imminents, destruction d'un bien, atteinte à la vie privée, risque de transfert d'actifs, ou besoin de maintenir le statu quo. L'injonction n'est pas une sanction : elle sert à prévenir un dommage injuste avant la décision finale.

Les critères appliques par la Cour suprême

Les juridictions mauriciennes suivent largement les principes inspirés du droit anglais, notamment l'approche dite American Cyanamid. En pratique, la Cour vérifie s'il existe une question sérieuse à juger sur le fond fond, si des dommages et intérêts seraient une réparation adéquate, et se demande où se situe la balance of convenience. Le statu quo est souvent privilégie quand l'équité le justifie. Le demandeur doit en principe offrir un undertaking as to damages, c'est-a-dire l’engagement d'indemniser le défendeur si l'injonction est finalement jugée injustifiée.

Comment faire une demande

La demande se fait en général devant un Judge in Chambers par voie d'application appuyée d'un affidavit. Le dossier doit être solide : faits, dates, pièces, explication de l'urgence, et projet d'ordre précis. En urgence extrême, une injonction peut être demandée ex parte, mais la Cour exige une transparence totale et fixe habituellement une audience rapide pour entendre la partie adverse. Après l'ordre : contestation et respect

Une interim injonction est souvent suivie d'une audience contradictoire. La partie adverse peut demander la discharge, la variation ou la mise de côté de l'ordre. Le cadre mauricien prévoit des mécanismes de contestation, notamment par motion (par exemple sous la section 73 du Courts Act) et, selon les cas, par voie d'appel. Le respect strict de l'ordonnance est indispensable : sa violation peut entrainer des conséquences sérieuses, y compris des procédures pour contempt of court.

Exemples precedents

  1. Cowalparsad D and Others v Ministry of Housing and Lands and Others (2007 SCJ 25) : demande d'injonction interlocutoire pour empêcher l'octroi d'un bail sur un terrain de l'Etat et des travaux, le temps que la Cour tranche.

  2. Entresol and Others v Saltlake Resorts Ltd (2004 SCJ 305) : injonction recherchée dans un contexte de contestation liée à un projet et à ses autorisations.

  3. Fun World Co Ltd v The Municipal Council of Quatre Bornes (UKPC 2009) : une injonction peut être accordée en urgence puis réexaminée et éventuellement retirée.

  4. Cheekhooree S and Others v Cheekhooree D and Another (2025 SCJ 283) : discussion sur les freezing type orders et rappel de l'analyse de la balance of convenience. Conclusion

L'injonction en Cour suprême est un outil essentiel pour protéger des droits a l'ile Maurice. Elle doit être utilisée avec sérieux, preuves à l'appui, et modération. Une demande bien préparée, fondée sur des faits solides et une urgence réelle, augmente les chances d'obtenir une protection rapide et équitable.

Références utiles

Courts Act (Mauritius), notamment section 73.

Cowalparsad D and Others v Ministry of Housing and Lands and Others, 2007 SCJ 25.

Entresol and Others v Saltlake Resorts Ltd, 2004 SCJ 305.

Fun World Co Ltd v The Municipal Council of Quatre Bornes, UKPC 2009.

Cheekhooree S and Others v Cheekhooree D and Another, 2025 SCJ 283.

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