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La plus jeune décorée de la République cette année

Lumineuse Ameegah Paul

16 mars 2025

Une vie de combat et de belles réussites, avec le sourire.

Elle brille ! Depuis le 12 mars, elle a un MSK ! La jeune femme atteinte de paralysie cérébrale et d’autres afflictions œuvre sur le plan local et international dans le combat pour les personnes en situation de handicap. Elle évoque sa vie, son parcours. Ses blessures et ses victoires.

Il y a, d’abord, ce rire. Lumineux, chaleureux. Une explosion de bonheur sonore qui s’insinue vers le cœur de celui.celle qui l’entend. Oui, il est spécial cet éclat de joie d’Ameegah Paul, 26 ans. Tout comme elle. Il masque les blessures et les douleurs. Arme les combats, exsude une féminité exacerbée. Parle de toutes ces émotions qu’elle revendique. Évoque les sujets qui lui tiennent à cœur : le handicap, l’inclusivité, la femme et ses droits. Toute son humanité au creux d’une mélodie joyeuse. Qu’elle offre, comme un cadeau d’amour. Voici toute la simplicité (et toute la complexité, d’ailleurs !) de la plus jeune décorée de la République de 2025. La jeune femme est, depuis le 12 mars, Membre de l’Ordre de l’Étoile et de la Clé de l’océan Indien (MSK). Son nom s’est affiché auprès de ceux.celles qui ont contribué au parcours de notre île de façon plus sonore, de ces personnes dont l’engagement parle aux dirigeants du jour. Alors elle, comme une pépite venue au-delà de toute considération partisane, apporte cette bouffée d’espoir et d’énergie qui fait renaître les plus belles couleurs.

Secrétaire, Event Coordinator et National Empowerment Coordinator de l’Association pour la protection des droits des handicapés (APDH), celle qui est atteinte de paralysie cérébrale et de maladies incurables (parkinson, fibromyalgie), avec de lourdes implications médicales, est une force de la nature. Ameegah Paul brille de toute sa lumière depuis qu’elle a décidé de le faire. Ses engagements au niveau local et à l’international ont alimenté son aura. Ses études poussées (diplôme en informatique et en beaux-arts, doctorat en sciences politiques) sont une histoire de courage, d’espoir et de résilience. Sa fraîcheur sur les réseaux sociaux (elle danse, chante), malgré ces nombreuses hospitalisations et la douleur qui ne la quitte pas, nous rappelle que la légèreté a un pouvoir de guérison de l’âme, pour soi, pour les autres. Alors, cette reconnaissance nationale la touche, l’émeut : «C’est bien plus qu’une reconnaissance personnelle. Elle brille non seulement pour moi, mais pour nous tous, pour chaque combat mené et pour chaque espoir que nous faisons naître ensemble.» Elle parle d’honneur et de responsabilités. (voir hors-texte)

Et c’est sa merveilleuse et douloureuse vie – jalonnée d’épreuves, mais aussi remplie d’amour et de force – qui fait qu’Ameegah Paul inspire. Que ses paroles éclairent, illuminent. Aujourd’hui, elle vit une vie remplie : «Chaque jour est une course», dit-elle. Entre les traitements, l’accompagnement, le coaching, elle enchaîne. (voir ci-contre) Une envie d’exister, de s’épanouir qui est venue avec les sons des vagues. Et la brise d’amour de ses parents, Rajinee et Sylvio, qui ne lui ont jamais lâché la main et lui ont permis de rêver d’une existence où ses rêves et ses capacités n’avaient pas de limite : «Le soutien indéfectible de mes parents a été ma bouée de sauvetage.»

Son enfance à Surinam, tout près de la mer, a bercé ses rêves et nourrit ses aspirations aux embruns du monde. Elle porte, encore, en elle la profondeur de l’océan qui nourrit ses toiles (elle est aussi artiste). Le bleu-vert teinte, toujours, ses émotions : «Cette couleur me connecte à des souvenirs d’enfance passés près de l’eau et aux mystères qu’elle recèle.» De ses jeunes années, elle retient la douceur de la mer, la douceur d’une mère : *«Jusqu’à mes cinq ans, je ne pouvais pas marcher. Ma mère, avec une patience infinie et une détermination sans faille, s’est engagée à m’apprendre. Je me souviens de ses encouragements constants, de sa présence rassurante et de l’amour inconditionnel qu’elle me témoignait. Chaque petit progrès était célébré, chaque chute était suivie de mots doux et de gestes tendres pour me relever. Cette expérience a non seulement renforcé notre lien, mais elle a également été le fondement de ma résilience et de ma confiance en moi. Elle m’a appris que, malgré les défis, avec amour et persévérance, tout est possible.» *

Au gré de ses confidences, l’on découvre un monde riche en images et en émotions. Un monde où il n’a pas toujours fait bon être, néanmoins : «Mon parcours de vie est une épopée marquée par des épreuves, des luttes et, finalement, une résilience inébranlable.» Elle évoque les discriminations, la difficulté de poursuivre une scolarité mainstream : «Née avec un handicap, j’ai été confrontée dès mon plus jeune âge à une société qui n’était pas toujours accueillante envers ceux qui étaient différents. Cependant, grâce à l’amour indéfectible de mes parents, j’ai pu intégrer une école ordinaire, malgré les nombreux obstacles et préjugés auxquels nous avons dû faire face.» Les défis médicaux : «À l’âge de 11 ans, j’ai subi une intervention chirurgicale imprévue. Cette opération, réalisée deux semaines avant les examens de sixième, s’est avérée être une expérience pour le médecin ! Cette situation a mis en péril mon avenir académique et a également ébranlé ma confiance dans le système médical.»

Elle évoque le bullying : «J’ai dû faire face au harcèlement scolaire. En tant qu’enfant en situation de handicap, j’étais souvent la cible de moqueries et d’intimidation. Ce harcèlement a eu des répercussions profondes sur mon bien-être émotionnel, affectant mon estime de soi et ma santé mentale». Et parle avec pudeur de «harcèlement sexuel après les heures d’école» : «Cela a mis en lumière les vulnérabilités auxquelles nous sommes confrontés.» Après l’école, elle a tracé sa route, fait ses études et décidé qu’il n’y avait rien qui pouvait l’arrêter : «Après avoir surmonté ces défis, j’ai obtenu mon diplôme et me suis lancé dans une carrière dédiée à aider les autres. Mon expérience personnelle m’a donné une perspective unique sur les luttes que rencontrent les personnes en situation de handicap, renforçant mon engagement à plaider en leur faveur.»

Alors, aujourd’hui, sa vie de combats, elle la brandit avec fierté. Une façon de lancer un : mwa ki la! Qu’elle accompagne de son merveilleux rire.

Un honneur, une responsabilité

Avec ses parents, Rajinee et Sylvio, son ami et activiste au sein de l'APHD, Ashvin Gudday. Enfant, chez elle à Surinam.

Pour mes parents, mon phare. «Cette décoration est un honneur qui symbolise des années de lutte, d’engagement et de persévérance au service d’une cause qui me tient profondément à cœur : celle des droits des personnes en situation de handicap. Mais au-delà de moi, cette distinction est avant tout pour mes parents, qui ont été mon premier pilier, mon soutien infaillible, ceux qui m’ont donné la force de croire que tout est possible malgré les défis.»

Pour ceux.celles qui œuvrent. «C’est aussi pour ma grande famille de l’APDH, ces âmes courageuses et résilientes avec qui je partage chaque combat, chaque victoire et chaque espoir d’un monde plus inclusif. C’est également pour toutes les personnes qui me soutiennent et m’encouragent à continuer, jour après jour, à faire entendre notre voix, à briser les barrières et à repousser les limites que la société impose parfois aux personnes en situation de handicap.»

Une responsabilité. «Cette distinction, je la vois comme une responsabilité : celle de continuer, de ne jamais abandonner, d’inspirer et d’ouvrir la voie à un avenir plus juste et plus accessible pour tous.»

Et une journée dans sa vie ?

«Chaque journée est un défi, une mission et une opportunité d’inspirer le changement. Mon quotidien est rythmé par l’engagement, le travail sur le terrain et le dialogue avec ceux qui, trop souvent, n’ont pas de voix dans notre société. En tant que défenseur des droits des personnes en situation de handicap. À l’APDH, je passe une partie de mes journées à écouter, conseiller et plaider pour une société plus inclusive. Cela peut aller de la rencontre avec des familles concernées par le handicap à des discussions avec des décideurs politiques pour garantir l’application effective des lois et des politiques publiques en faveur des personnes vulnérables. Mais mon engagement ne s’arrête pas là. En plus d’aider directement ceux qui en ont besoin, j’interviens aussi en tant que coach et mentor. J’accompagne des individus à surmonter leurs propres obstacles, qu’ils soient personnels ou professionnels. Mon rôle est de les motiver, de leur fournir des outils concrets pour avancer et de leur montrer que chaque difficulté peut être transformée en opportunité de croissance. Chaque jour est une course contre la maladie, le temps, entre les réunions, les événements, les campagnes de sensibilisation et les émissions où je partage ma vision pour une société plus juste. Mais au cœur de tout cela, il y a toujours une priorité : l’humain. Parce qu’au-delà des discours et des actions, c’est la transformation de vies réelles qui donne tout son sens à mon engagement.»

En quelques émotions

Un moment qui vous a fait… éclater de rire : «L’humour, souvent une expression spontanée de l’âme, a éclairé mon chemin lors de moments difficiles. Un souvenir particulièrement marquant remonte à l’époque où un camarade de primaire, autrefois source de mes tourments, est venu me solliciter lors des élections villageoises. Non seulement il a demandé mon aide, mais il a également offert la sienne. Cette rencontre, empreinte d’ironie et de chaleur, symbolise le pouvoir transformateur du temps et de l’évolution personnelle. Elle m’a rappelé la nature imprévisible des relations humaines et le potentiel de réconciliation.»

…avoir de la fierté. «La fierté découle souvent des sacrifices et des réalisations de ceux que nous chérissons. Mes parents – qui incarnant la résilience et le soutien indéfectible - ont été mes phares. Leur dévouement sans faille à notre bien-être familial et leur intégrité morale m’ont constamment inspiré. Leur fierté face à mes réalisations, notamment cette reconnaissance, témoigne de leur amour inconditionnel et de leur foi en mon potentiel. Leur parcours, jalonné de défis et de victoires, m’a enseigné la persévérance, l’humilité et l’importance des valeurs familiales.»

… pleurer : «Les larmes naissent souvent de blessures émotionnelles profondes. Une telle épreuve a été l’expérience du harcèlement sexuel après les heures scolaires. Cet incident a laissé une empreinte indélébile sur mon esprit, ébranlant mon sentiment de sécurité et d’estime de soi. Il a mis en lumière les vulnérabilités auxquelles nous sommes confrontés et l’urgence de traiter ces questions au sein de nos communautés. Cette période douloureuse a renforcé mon empathie et mon engagement à militer pour une société fondée sur le respect et la dignité.»

… ressentir de la colère : «J’ai été témoin d’individus dont les actions, dictées par le jugement et la volonté de nuire, ont enflammé mon indignation. Ces expériences ont mis en exergue la prévalence des préjugés et la facilité avec laquelle la société juge sans connaître l’intégralité de l’histoire.»

En quelques mots

Ma chanson du moment. «I Rise Up résonne profondément en moi, aujourd’hui plus que jamais. Cette mélodie puissante et ces paroles inspirantes symbolisent la résilience humaine, la capacité à surmonter les épreuves et à se relever après chaque chute. Elle me rappelle que, malgré les obstacles, il existe en chacun de nous une force intérieure indomptable qui nous pousse à avancer. Écouter ce morceau est pour moi un rituel, une source de motivation et de courage.»

Les couleurs qui me font vibrer. «Les teintes de vert et de bleu-vert m’évoquent une profonde connexion avec la nature et l’harmonie. Le vert, c’est la fraîcheur de l’herbe sous nos pieds, le murmure apaisant des feuilles dans le vent et la promesse d’un renouveau constant. Le bleu-vert, une nuance entre le bleu profond de l’océan et le vert apaisant des prairies, me rappelle les eaux cristallines des lagons tropicaux. Ensemble, ces couleurs reflètent mon désir d’harmonie, de croissance personnelle et de connexion avec le monde qui m’entoure.»

Mes passe-temps. «Parmi les activités qui enrichissent mon quotidien, trois occupent une place particulière : la peinture, la lecture et le temps passé avec mon précieux compagnon, mon petit bébé Bog (NdlR : son chien). La peinture est pour moi une forme d’expression profonde. Elle me permet de libérer mes émotions, de capturer des moments éphémères et de créer des mondes imaginaires. Chaque toile est une aventure, une exploration de couleurs, de formes et de textures qui reflètent mon état d’âme et ma vision du monde. La lecture, quant à elle, est une porte ouverte sur l’infini. Elle m’offre la possibilité de voyager à travers le temps et l’espace, d’embrasser différentes perspectives et de nourrir mon esprit. Les livres sont mes compagnons fidèles, me guidant et m’éclairant à chaque étape de ma vie.»

Mon rêve. «Les rêves servent de boussole, orientant nos aspirations vers un monde plus inclusif et compatissant. Je rêve d’une société où les personnes en situation de handicap ne sont pas simplement tolérées, mais célébrées pour leurs contributions uniques. Dans cette vision, les barrières, qu’elles soient physiques ou sociales, sont abolies, permettant une participation et une intégration totales. Ce rêve est une invitation à reconnaître et à valoriser le potentiel de chaque individu, indépendamment de ses capacités.»

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