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Madagascar entre instabilité politique et espoir de renouveau

18 octobre 2025

Des scènes de liesse ont suivi l’annonce de la prise de pouvoir par les militaires.

«On est très fiers des jeunes qui ont déclenché ce mouvement. Je souhaite que tout cela s'arrête et que la transition pour un nouveau gouvernement ne soit pas trop longue, afin de permettre aux Malgaches de pouvoir avoir de meilleures conditions de vie», nous confie Nirina Randriamanantsoa-Louis, installée à Maurice, qui suit de très près l'actualité dans son île natale.

Les jours se suivent et sont remplis de leur lot de rebondissements dans la Grande Île. En effet, Madagascar, en proie à une instabilité politique et sociale depuis plusieurs jours, se retrouve sous administration militaire depuis le mardi 14 octobre. Après la destitution du chef de l’État Andry Rajoelina par l’Assemblée nationale, alors qu’il venait de tenter de dissoudre l’hémicycle, une unité militaire a annoncé «prendre le pouvoir».

Des scènes de joie ont suivi cette annonce sur la place du 13-Mai. Avec des drapeaux malgaches en main et en faisant résonner des chants de célébration qui ont envahi ce lieu symbolique – baptisé en hommage aux personnes tuées lors d’un soulèvement populaire en 1972 qui a conduit au départ du premier président –, les manifestants ont exprimé leur satisfaction face à la tournure des événements.

À la suite du vote visant à destituer Rajoelina, l’unité militaire d’élite Corps autonome des personnels et des services administratifs et techniques (CAPSAT) a déclaré avoir pris les choses en main, selon l’agence de presse Reuters. «Nous formerons un gouvernement et parviendrons à un consensus», a déclaré le colonel Michael Randrianirina aux journalistes à Madagascar. Il a aussi affirmé que les manifestants du mouvement Gen Z Mada participeraient aux changements, car «le mouvement est né dans la rue, nous devons donc respecter leurs revendications». Selon lui, cette prise de pouvoir était inévitable et ses collègues et lui n’ont eu d’autre choix que de renverser le régime actuel. «Il n'y a pas de président, il n'y a pas de gouvernement... rien ne fonctionne ici», a-t-il ajouté. Concernant la tenue d'éventuelles élections, il a précisé : «Cela se fera dans les 18 mois à deux ans... (...) On va mettre en place un comité composé d’officiers venant de l’armée, de la gendarmerie, de la police nationale. Peut-être qu’il y aura des hauts conseillers civils là-dedans. C’est ce comité qui va assurer le travail de la présidence. En même temps, après quelques jours, on va mettre en place un gouvernement civil», a précisé le colonel Randrianirina.

Ce vendredi 17 octobre, le colonel Michaël Randrianirina a été invité à prêter serment comme président de la Refondation de la République de Madagascar. De son côté, Andry Rajoelina aurait été exfiltré par un avion militaire français le dimanche 12 octobre, d’après la radio française RFI. Contesté dans la rue, il se trouvait, à jeudi, dans un lieu inconnu, car il craint, dit-il, pour sa sécurité. Celui qui est vivement pointé du doigt par le mouvement contestataire – qui a embrasé la Grande Île depuis le 25 septembre, dénonçant les coupures d'eau et d'électricité dans le pays, une mauvaise gestion du régime en place et la corruption – avait accédé au pouvoir pour la première fois en 2009, désigné par les militaires après un soulèvement populaire. Après s'être mis en retrait en 2014, il avait été élu président en 2018, puis réélu en 2023 pour un mandat de cinq ans, suivant un scrutin boycotté par l'opposition.

«Très grave»

Durant les jours écoulés après les émeutes qui ont fait plusieurs victimes, des soldats du CAPSAT ont rejoint, ce dimanche 12 octobre, les milliers de personnes à nouveau rassemblées à Antananarivo pour une cérémonie d’hommage à ceux qui ont perdu la vie depuis le début des manifestations antigouvernementales. Pour rappel, les manifestations menées par le mouvement Gen Z ont rassemblé, ces dernières semaines, de nombreux Malgaches, particulièrement des jeunes, qui ont pris d'assaut les rues des villes de Madagascar avec comme cri de ralliement :«Nous voulons vivre, pas survivre !» La Grande Île, avec sa population très pauvre, a une longue histoire de soulèvements populaires suivis par la mise en place de gouvernements militaires de transition.

Cette actualité est suivie avec attention à travers le monde. Et les Malgaches en particulier se disent très concernés par ce qui secoue leur île natale. À Maurice également, cette situation retient l’attention, de par le nombre de Mauriciens qui y vivent et y travaillent. L’atterrissage d’un avion privé venant de Madagascar a aussi suscité de nombreuses réactions. Parmi elles, celle de Dave Kissoondoyal, ancien militant du MMM, qui s’interroge sur cet atterrissage controversé : «Ce n’était pas un vol ordinaire. Le jet privé 5R-HMR a décollé d'Antananarivo et a tenté d’atterrir à La Réunion, mais s’est vu refuser l’autorisation d’approche à 23h15 par la préfecture, sur recommandation du ministère français de l’Intérieur. Après avoir été refoulé par la France, l’avion s’est dérouté et a atterri à Maurice au petit matin. Soyons clairs : un avion interdit d’accès au territoire français pour des raisons de sécurité a été accueilli dans l’espace aérien mauricien. Et cela s’est produit alors que le Premier ministre par intérim était au siège du ministère et que le Premier ministre lui-même était à l’étranger. Il s’agit d’un effondrement total du commandement. Nos revendications :une enquête complète, indépendante et internationale, incluant la participation des autorités réunionnaises et françaises, pour découvrir comment un avion refusé à La Réunion a été autorisé à atterrir à Maurice», souligne Dave Kissoondoyal.

Sur ce volet, Paul Bérenger, qui officie actuellement comme Premier ministre par intérim, s’est exprimé sur cette affaire lors d’une conférence de presse ce mercredi 15 octobre, pour éclaircir l’incident relatif à l’atterrissage d’urgence du jet privé en provenance de Madagascar, transportant un ancien Premier ministre malgache, un homme d’affaires et leurs proches, tôt le dimanche 12 octobre. Le Premier ministre par intérim a qualifié l’incident de très grave, soulignant que les opérations de Jet Prime Ltd doivent être complètement réexaminées. Il devait aussi faire la déclaration suivante : «Zot a kone en temps et lieu dan ki sirkonstans sa demars-la komanse. Demars-la komanse dan enn dine gala. Zot a konn le detay en temps et lieu», a-t-il déclaré. Une enquête complète a été effectuée, mais Paul Bérenger a souligné qu’il faudra attendre le retour du Premier ministre au pays avant de pouvoir rendre le rapport public.

Nirina Randriamanantsoa-Louis, installée à Maurice, fait partie du mouvement Gen Z Malagasy-Maurice et est attentive à tout ce qui se passe dans son pays natal.

Le Premier ministre par intérim a également déclaré qu'il suit de près l'évolution de la situation à Madagascar «heure par heure», adressant ses meilleurs vœux au pays. Il a ajouté que Maurice reste en contact avec l'Union africaine et la Communauté de développement de l'Afrique australe concernant la situation qui prévaut à Madagascar. Le monde des affaires à Maurice est aussi attentif à tout ce qui se passe dans la Grande Île.

Il y a aussi ceux qui ne ratent absolument rien de cette actualité. La communauté malgache à Maurice a bien évidemment le cœur tourné vers son île natale. Nirina Randriamanantsoa-Louis, installée à Maurice depuis 1997, mariée à un Mauricien et mère de deux enfants, fait partie du mouvement Gen Z Malagasy-Maurice. Elle ne rate aucune actualité concernant la Grande Île. «Même de loin, on ne peut pas rester insensible. Les gens en avaient marre de la situation dans le pays et ils sont descendus dans les rues pour réclamer une distribution de l’eau et de l’électricité plus régulière. C’est un droit fondamental. J’étais dans mon pays natal il y a quelque temps et l’eau et l’électricité étaient coupées pendant presque 12 heures par jour. On ne peut pas vivre et travailler dans de telles conditions. Les artisans et les jeunes entrepreneurs ont besoin de courant pour travailler. Le peuple dénonce aussi la gestion du pays par le régime en place et réclame de meilleures conditions de vie. Je partage le désarroi des Malgaches et je les soutiens. C’est très malheureux, surtout quand je pense à ma famille. Ma mère, mon petit frère et mes oncles, tantes vivent cette épreuve», nous confie Nirina, qui est en contact tous les jours avec sa mère. «Elle me raconte comment elle fait face. Les Malgaches sont très débrouillards. Par exemple, ma mère a investi dans un petit panneau solaire pour pouvoir faire face. Cela lui permet de suivre l'évolution de la situation à travers les médias. Mais quand il y a le mauvais temps, c'est compliqué...»

La mère de famille suit tous les rebondissements de la semaine écoulée. «On est très fiers des jeunes qui ont déclenché ce mouvement. Je souhaite que tout cela s’arrête et que la transition pour un nouveau gouvernement ne soit pas trop longue pour permettre aux Malgaches de pouvoir avoir de meilleures conditions de vie», conclut Nirina, le cœur et les yeux tournés vers Madagascar, son île natale.

La FCC ouvre une enquête pour blanchiment d’argent à la suite d’une plainte déposée contre Maminiaina Ravatomanga

L’affaire fait grand bruit. Un Criminal Attachment Order a été obtenu dans le cadre d’une enquête pour blanchiment d’argent impliquant un ressortissant malgache. La Financial Crimes Commission (FCC) a ainsi ouvert une enquête pour blanchiment d’argent à la suite d’une plainte déposée contre Maminiaina Ravatomanga, ressortissant malgache. Ce dernier, accompagné d’autres personnes, est arrivé à Maurice le 12 octobre à bord d'un jet privé de type Cessna immatriculé 5R-HMR, en provenance de Madagascar. «La FCC avait obtenu des renseignements crédibles indiquant que M. Ravatomanga avait transféré une forte somme d’argent à Maurice, avec l’intention de déplacer ces mêmes fonds vers une autre juridiction et de quitter le territoire mauricien. De ce fait, la FCC a sollicité, en vertu de la section 69 du FCC Act, et obtenu, le 15 octobre, un Criminal Attachment Order sur les comptes bancaires de M. Ravatomanga, de son épouse et des sociétés qui lui sont liées à Maurice (ordonnance de saisie pénale) auprès de la Cour suprême de Maurice», explique la FCC. «Cette ordonnance interdit toute disposition des fonds détenus sur les comptes bancaires mentionnés ci-dessus. Cette mesure illustre l’engagement constant de la FCC à empêcher la dissipation de produits présumés du crime et à faire de Maurice un environnement hostile aux activités financières illicites. La FCC tient à souligner que l'enquête continue avec rigueur et de façon méthodique et ce, dans le respect des lois», poursuit l’organisme. À l’heure où nous mettions sous presse, Maminiaina Ravatomanga, était admis dans une clinique.

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