Judex Lefou a été le premier Mauricien à décrocher l’or en Afrique.
Une grosse perte pour le sport, selon Christian Boda.
Le sport mauricien vient de perdre un des plus grands bâtisseurs. Un faiseur de champions, venu de France, qui laisse des souvenirs impérissables aux athlètes qui l’ont côtoyé. L’émotion est à son comble.
Il a forgé de nombreux champions. De Judex Lefou à Christian Boda en passant par les Ricky Wai Choon ou encore Sandra Govinden, tous ont fait flotter le quadricolore mauricien dans les grands rendez-vous internationaux. Un succès qui porte l’empreinte de Jacques Dudal, en sa capacité de Directeur technique national, avec le soutien de nombreux collaborateurs. Le Français est décédé, le jeudi 6 juin, en France dans sa maison de retraite.
Judex Lefou, toujours détenteur du record national en 110 mètres, est un de ceux qu’on pourrait qualifier de «Dudal Boy». En 1987 il devient le premier Mauricien à remporter une médaille d’or en athlétisme lors d’un Championnat d’Afrique. Ce triple médaillé d’or aux Jeux des îles de l’océan Indien dans sa spécialité devenait le premier fils du sol à tutoyer le gratin africain, avant l’émergence de Stéphan Buckland et Eric Milazar, qui ont aussi bénéficié de l’aide précieuse du défunt.
Ce départ brusque du coach français, à l’âge de 87 ans, est considéré par l’ex-hurdler comme «la plus grande tristesse de ma vie de sportif et personnelle». Le Vacoassien ajoute que «c’était mon pilier, mon mentor, mon guide, mon entraîneur qui m’a tout appris, physiquement, psychologiquement, qui m’a fait avoir un nom dans le monde sportif, qui m’a tout donné. Il va me manquer surtout ses pam pam pam pam et sa personne. Tu seras toujours dans ma tête, dans mes rêves, dans mes souvenirs et dans mon coeur, Jacques».
Témoignages tout aussi poignants de la part de Ricky Wai Choon. Cet ex- coureur de demi-fond (800 et 1500 mètres) a été très proche de Jacques Dudal. Résidant aux Etats-Unis, il se faisait un devoir de rendre visite à son ancien mentor lorsqu’il se rendait en France. Il partageait de solides liens d’amitiés avec sa famille. Une amitié qui a démarré 25 ans de cela comme il nous la retrace.
`«Ce jeudi 6 juin devait être une journée comme les autres pour Jacques. Il vient de raccrocher le téléphone avec sa fille Marie-Christine. Comme chaque jour, il rejoint ses collègues de la Résidence de retraite Denis Forestier pour aller déjeuner à la cantine. Vers midi, après le déjeuner, avec quelques collègues, il se met devant la télé pour suivre le tournoi de Roland-Garros. Puis soudainement il s’effondre de sa chaise. Son coeur s’est arrêté».
Poursuivant il dit que «Jacques est parti comme ses filles, sa compagne et moi-même le souhaitions. Jacques aimait la vie, il a vécu une vie comblée. C’était un très grand monsieur qui a joué un rôle déterminant dans la vie de milliers de sportifs. On ne voulait pas que sa santé se détériore et que la vie lui échappe dans la douleur. Dieu merci, il est parti en pleine forme et de façon la plus paisible qui soit».
Humble et généreux
Notre interlocuteur fond en larmes, lorsqu’il nous dit que «j’ai partagé 25 années d’amitié et d’amour avec Jacques. Il a été mon entraîneur, mon mentor, mon père spirituel, mon confident, mon ami de toujours. Depuis les dix dernières années, je lui rends visite, régulièrement, à sa résidence de retraite. C’était pour lui de grands moments d’évasion. En effet, on sautait tout de suite, dans ma voiture, pour nous retrouver en promenade au Parc de Sceaux, où il passait beaucoup de temps lorsqu’il était jeune sportif et où il nous entraînait aussi, nous les athlètes mauriciens, lors de nos stages à Paris. On a fait le Château de Versailles avec toute ma famille, la soirée Beaujolais, à Paris, avec certains de ses anciens athlètes, sans compter les nombreuses balades à Paris. A chaque fois qu’on se quittait, on était rempli d’émotion redoutant sûrement tous les deux la même chose, c’est-à-dire, s’il y aurait d’autres évasions ou était-ce la dernière», raconte l’ex-champion du 800 et 1500 mètres.
Sandra Govinden retiendra de lui son côté «humble et généreux». Celle qui a fait rêver le peuple mauricien par ses belles enjambées dans les épreuves de 400 mètres vers la fin des années 80 et début 90 gardera de bons souvenirs de Jacques Dudal. «C’était quelqu’un qui avec son expérience et sa passion pour le sport a beaucoup contribué à l’athlétisme. Il m’a emmenée à franchir mes limites. Je lui suis très reconnaissante. Repose en paix».
Des golden days de l’athlétisme mauricien dont se souvient Christian Boda. L’ex- sprinteur, qui vit aussi aux Etats- Unis, se rappelle qu’une fois, alors qu’il était en France pour un stage, Jacques Dudal devait lui payer un billet de train pour qu’il puisse rencontrer sa soeur «car il considère la famille comme un élément très important dans la vie de chaque être». «Je continue encore de m’imprégner de ce qu’il m’a enseigné. Il nous considère comme un membre de sa famille. C’est une grande perte pour moi et le pays».
Gino Antoine (ex-champion d’heptathlon) : «Comme un père»
«Je ne pouvais pas sentir mes jambes, lorsque j’ai appris cette terrible nouvelle. Dire qu’avec Ricky Wai Choon et Kersley Gardenne, on avait prévu d’aller le visiter, à Paris, le mois prochain. Il fut comme un père pour moi et pour tant d’autres encore. On a, vraiment, été très proche, j’allais souvent chez lui à la maison à Vacoas, c’était mon guide. Quand j’étais à Paris en Sport-Études c’est lui que j’appelais régulièrement et lui, il me remontait le moral. Jacques, c’était un grand homme, un cœur adorable. Si je suis devenu ce que je suis aujourd’hui c’est en partie grâce à ce monsieur. Il y a encore 6-7 mois je l’ai eu au téléphone et on rigolait bien encore, il se rappelait encore de moi malgré ses problèmes de santé. C’est, aussi, lui qui s’est battu en 1990 pour que Kersley, Khemraz Naiko et moi obtenions les premières bourses françaises. Je lui dois beaucoup, et il restera à jamais gravé dans mon cœur».