15 ans plus tard, le médecin revient sur le drame qui a bouleversé sa vie à jamais en cour intermédiaire.
Un poignant récit.
12 mars 1998 : une date qui reste à jamais gravée dans la mémoire du Dr Krishan Malhotra. Ce jour-là, l’ancien directeur de la clinique Medpoint et gendre de sir Anerood Jugnauth, a été victime d’une agression à l’acide qui l’a défiguré et rendu aveugle. Le 5 juin, dans le cadre du procès contre les deux accusés dans cette affaire – Neerunjun Ramdin et Kishan Hazareesing qui nient les accusations qui pèsent sur eux –, il est revenu sur ce drame et expliqué comment sa vie a complètement basculé par la suite.
En cour intermédiaire mercredi, l’homme faisait peine à voir. Il n’est que l’ombre de lui-même, ne voit presque plus et, surtout, il a toujours peur et ne veut pas se déplacer seul. D’ailleurs, il a débarqué au tribunal sous forte escorte policière et a également engagé des gardes du corps pour assurer sa sécurité. C’est d’une voix saccadée et en anglais qu’il a déposé devant les magistrats Renuka Dabee et Vijay Appadoo.
«Le 12 mars 1998, alors que Maurice célébrait le 30e anniversaire de son Indépendance et honorait un son of India, à savoir le vice-président indien, Krishnan Kant, qui était l’invité d’honneur pour les célébrations, sur le même sol, un autre son of India était endommagé à vie.» C’est ainsi que le Dr Malhotra a commencé son pénible récit. Sa vie, a-t-il ajouté, est devenue un cauchemar depuis : «It was a sad day ; a sad end. J’ai perdu ma libido. C’est très frustrant. Je ne me vois pas dans le miroir lorsque je me rase tous les jours. J’ai perdu mon métier. J’ai été incapable de lire des histoires à mes enfants ni de les guider car je ne vois rien. J’ai été touché à plus de 60 %. J’ai des cicatrices au front, au bras, à l’abdomen, au cou, au dos et à l’épaule.»
Le Dr Malhotra a raconté comment il avait dû subir 13 interventions chirurgicales depuis son agression, appuyant son récit de cinq photos produites par l’avocat du parquet. Après l’agression, l’ancien directeur de Medpoint a reçu les premiers soins à la clinique, avant wde s’envoler pour l’Angleterre dans la soirée. «J’étais à Heathrow lorsque j’ai repris connaissance. J’avais le visage complètement boursouflé.» Il a expliqué qu’il avait été admis dans un hôpital anglais peu après, puis transféré dans un établissement de santé spécialisé, une semaine plus tard. Un hôpital renommé pour soigner des soldats qui ont subi des brûlures aux yeux.
Brûlures à la main
Il est rentré au pays le 28 mai 1998, pour les besoins de l’enquête et a ainsi participé à une reconstitution du drame. Il est d’ailleurs revenu en détails sur les circonstances de son agression lors de son audition, mercredi. Il a raconté qu’il était à la clinique lorsqu’un homme est venu le voir. Ils sont ensuite entrés dans son bureau pour discuter. Peu après, le visiteur a quitté l’enceinte de la clinique précipitamment, après avoir lancé de l’acide au visage du Dr Malhotra.
La police n’a pas tardé à remonter jusqu’à un suspect. Celui-ci, Neerunjun Ramdin, portait des brûlures à la main, causées par de l’acide, selon un médecin de la police. Kishan Hazareesing aurait été, lui, au volant du véhicule à bord duquel le suspect a pris la fuite. Neerunjun Ramdin répond d’une accusation d’agression avec préméditation et Kishan Hazareesing est accusé de complicité. Les deux suspects avaient déjà été condamnés à six ans de prison dans cette affaire et avaient fait appel du jugement. Les juges Asraf Caunhye et Nirmala Devat avaient annulé la sentence et ordonné un nouveau procès.
Selon le Dr Malhotra, il aurait été victime d’une vengeance suite à une négligence médicale alléguée concernant le père de Kishan Hazareesing, qui est décédé à l’hôpital après avoir reçu des soins à la clinique Medpoint auparavant. Le médecin a affirmé avoir été «très frustré» après ce décès. Son équipe, a-t-il dit, avait fait de son mieux pour sauver ce patient qui souffrait de plusieurs complications de santé et que lui-même avait personnellement assisté la famille lorsqu’il a fallu prendre des décisions importantes.
Il a ajouté qu’un chest physician avait expliqué à Kishan Hazareesing l’importance d’une intervention chirurgicale dans le cas de son père et les risques qu’il y avait mais qu’il n’y a pas eu d’opération. Le patient a été transféré à l’hôpital SSRN avant de rendre l’âme peu après. Tout cela prouve, selon lui, que la direction de la clinique a agi de bonne foi. La famille, dit-il, s’est laissé guider par des informations erronées.
Le Dr Malhotra a raconté que trois jours après que le patient était sorti de la clinique, ses proches lui avaient adressé une lettre demandant des explications sur son état de santé. Ils voulaient savoir, entre autres, pourquoi on lui avait fait passer 18 radiographies. Le Dr Malhotra a précisé qu’il avait envoyé un «full report» aux proches qui auraient été, à un certain moment, «très menaçants» vis-à-vis du personnel soignant de la clinique.
Le gendre de SAJ est aussi revenu sur sa carrière, entamée en 1978. Il était à Maurice, dit-il, pour changer la vie des Mauriciens en termes de facilités médicales. Il voulait, poursuit-il, partager tant de choses encore avec les Mauriciens. Hélas, son agression a gâché ses projets, ses rêves professionnels. «It was a desperate end to my career.»