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Atma Jhurry, époux et frère des victimes : «Je vais enfin pouvoir faire mon deuil»

Le vieil homme fondant en larmes après le verdict du jury.

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Les belles-soeurs Indira et Asha avaient connu une fin atroce en 2006.

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Le condamné quittant la salle d’audience pour la prison de Beau-Bassin.

Il lui aura fallu attendre sept longues années, mais finalement, justice lui a été rendue. Le principal suspect de l’assassinat de son épouse et de sa sœur a été reconnu coupable et a écopé d’une longue peine d’emprisonnement. C’est un homme toujours écrasé par le chagrin, mais quelque peu apaisé, qui s’est confié à nous.

La douleur est toujours intense, cruelle. Sept années ont passé, mais le temps n’a rien changé au traumatisme que vit Atma Jhurry depuis l’assassinat de son épouse Indira et de sa sœur Asha, de 87 coups de couteau. Toutefois, depuis la fin de cette semaine, le vieil homme, aujourd’hui âgé de 76 ans, ressent un grand soulagement. Avinash Ramguttee, l’assassin des deux dames, a été condamné à 37 ans de prison.

Vendredi, peu avant 16 heures, le verdict tombe en cour d’assises. Le suspect de l’assassinat des belles-sœurs Jhurry est déclaré coupable à huit voix contre une. «Aster ou kapav fer ou dey», lance aussitôt Medhi Manrakhan, l’avocat du State Law Office, à Atma Jhurry, avant de le prendre dans ses bras. L’ancien deputy head teacher, reconverti en taximan, fond en larmes. «Oui, je vais enfin pouvoir faire mon deuil», dit-il d’une voix tremblotante, submergé par l’émotion.

Après sept longues années, justice a enfin été rendue dans cette macabre affaire. «Maintenant, leur esprit pourra reposer en paix», lâche Atma Jhurry. Et il pourra, lui aussi, laisser son cœur et son esprit s’apaiser, un peu. Car depuis sept ans, il vit un cauchemar. Depuis ce 5 janvier 2006 où il est rentré chez lui pour découvrir une véritable scène d’horreur : sa femme et sa sœur gisant dans une mare de sang, mortes.

Un tel crime, dit-il, ne pouvait rester impuni. «Cette affaire avait choqué le pays. Mon cœur est toujours meurtri, mais aujourd’hui, je suis satisfait et soulagé que justice ait été rendue et je crois que toute l’île Maurice ressent la même chose. Avinash mérite ces 37 ans de prison. Je ne sais toujours pas pourquoi il a agi avec autant de violence avec mon épouse et ma sœur. Je ne les reverrai jamais et je ne peux plus regarder des photos d’elles. La dernière image que j’ai gardée d’elles est tellement horrible», confie Atma Jhurry qui habite toujours la maison où ce double meurtre a eu lieu. «Je continue à vivre dans ma maison à Lallmatie, même si c’est difficile.»

Car chaque pièce de la maison lui rappelle ce jour maudit où sa femme et sa sœur ont perdu la vie dans des conditions tellement atroces. Indira avait été poignardée à 60 reprises et Asha portait, elle, 27 traces de coups, laissées par une arme tranchante. D’ailleurs, peu après le verdict du jury jeudi, l’avocat de la poursuite, Me Medhi Manrakhan et le juge Benjamin Joseph ont tous deux rappelé les conditions atroces dans lesquelles les deux belles-soeurs avaient été assassinées. Sauf que la raison pour laquelle Avinash Ramguttee a agi ainsi demeure toujours inconnue.

La thèse de cambriolage était privilégiée à un moment, car la maison des Jhurry était sens dessus dessous. Mais le témoignage de la sœur aînée d’Indira, au début de l’enquête, avait mis à mal cette théorie. Selon elle, l’assassin avait frappé à la porte avant d’entrer pour commettre son forfait.

C’est Atma Jhurry qui avait ensuite fait la macabre découverte en rentrant à la maison. «J’avais eu le choc de ma vie. Mon épouse et ma soeur étaient méconnaissable», se remémore-t-il avec tristesse. Il se souvient aussi que, peu après, son jeune voisin Avinash avait été retrouvé avec des blessures à l’abdomen non loin du lieu du drame. Le jeune homme avait déclaré aux enquêteurs qu’il avait surpris son oncle Rajesh Ramlogun dans la maison des Jhurry peu après que ce dernier eut tué les deux belles-sœurs. Il s’était alors enfui, avait-il raconté, en jetant un T-shirt à la figure de son oncle qui l’aurait néanmoins rattrapé un peu plus loin et l’aurait agressé à son tour.

Une version des faits qui n’a pas convaincu les membres du jury, qui ont plutôt trouvé des raisons pour le déclarer coupable de l’assassinat d’Indira et Asha Jhurry. Suite à ce verdict et à la sentence qui a suivi, Atma Jhurry souhaite maintenant une chose : que cela serve d’exemple. «J’espère que cela découragera ceux qui seraient tentés de tuer leur prochain, car il n’y a pas de place, dans la société mauricienne, pour les criminels.»

Les confidences d’Avinash Ramguttee...

Après sa libération sous caution en mars 2006, le principal suspect du double meurtre des belles-sœurs Jhurry avait accordé un entretien exclusif à 5-Plus dimanche. À l’époque, Avinash Ramguttee, 22 ans et étudiant en Civil Engineering à l’université de Maurice, clamait son innocence et avait incriminé Rajesh Ramlogun – mort en détention policière alors qu’il était accusé de complicité de meurtre –, le demi-frère de son père. Voici quelques-unes des questions auxquelles il avait répondu :

Q : Dans quel état d’esprit êtes-vous depuis que le tribunal de Flacq vous a libéré sous caution et réduit la charge de murder en manslaughter ?

R : Au début, j’étais extrêmement heureux d’avoir retrouvé la liberté. Mais je constate que je suis encore emprisonné par les lois. Je ne peux pas circuler à Lallmatie, alors que c’est le village où j’ai vu le jour et vécu pendant 22 ans. Je suis loin de ma famille. Je ne sors pas parce que les gens ont des préjugés contre moi. Je comprends les points de vue et l’attitude de ces personnes. Surtout après les choses publiées dans la presse. Beaucoup de journaux ont écrit des faussetés.

Q : Une rumeur circulait selon laquelle vous n’étiez pas en bons termes avec les Jhurry car ils vous auraient dénoncé à la police dans une affaire de gandia vous impliquant avec des amis.

R : Cette histoire est fausse. Je demande à ceux qui disent que je consomme du gandia de le prouver. D’ailleurs, j’ai un alibi. Je donne de mon sang à la Blood Donors Association quatre fois par an. Je ne pense pas que cet organisme accepterait le sang d’un fumeur de gandia.

Q : Prenez-vous des drogues dures ?

R : Non. Même pas du cannabis.

Q : Quelles étaient vos relations avec votre oncle Rajesh Ramlogun ?

R : Eh bien (NdlR : soupir) ! C’était des relations civilisées. Je ne cherchais pas à fouiner dans sa vie privée et familiale. C’était réciproque.

Q : Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris que votre oncle était décédé en détention policière ?

R : Évidemment, mon oncle allait être puni par la cour, mais de quel droit la Major Crimes Investigation Team (MCIT) s’est-elle permise, de le juger et de le punir de façon brutale. (NdlR : sept enquêteurs de la MCIT avaient été arrêtés après la mort de Ramlogun. Une charge provisoire de manslaughter pèse sur eux.)

Q : Vous avez dénoncé votre oncle. N’avez-vous pas de remords ?

R : J’ai seulement des regrets concernant la façon dont il est mort.

Q : Un élément joue contre vous. La lame du couteau retrouvé dans votre ventre pointe vers le haut, alors que vous dites que votre oncle vous a agressé. S’il l’avait fait, la lame pointerait vers le bas…

R : Lorsque j’ai été libéré, j’ai pris un couteau semblable pour simuler l’agression. Que la lame soit en haut ou au bas, il n’y a pas de différence. Dans les deux cas, elle transperce mon corps.

Q : Vous avez peint d’étranges dessins sur une façade de votre maison qui a été recouverte de peinture blanche. Êtes-vous membre d’une secte ?

R : Il y a plusieurs parties dans ces dessins et ils sont tous abstraits. Ce sont des designs que j’ai vus dans des magazines et que j’ai essayé de copier. Doit-on me juger pour cela ? Si c’était le cas, il faudrait poursuivre ceux qui les ont faits.

Q : Seriez-vous étonné s’il y avait vos empreintes sur les lieux du crime ?

R : Non. Cela ne m’étonnerait pas. J’ai dit aux enquêteurs que j’étais sur les lieux du double meurtre.

Q : Que faisiez-vous dans la maison des Jhurry ?

R : J’ai entendu un appel de détresse. Je ne peux rien vous dire d’autre, car tous les détails sont dans ma déposition.

Q : Si on vous dit qu’un objet vous appartenant (NdlR : savate, T-shirt ou short) porte des traces du sang des victimes, qu’avez-vous à répondre ?

R : Cela m’étonnerait. J’ai un petit mot spécial pour monsieur Atma Jhurry. S’il savait ce qui s’est réellement passé dans la soirée du 5 janvier, il me remercierait. Et s’il n’est pas satisfait quand la cour prononcera mon innocence, je suis disposé à subir les punitions qu’il voudrait m’infliger.

Q : Pourquoi monsieur Jhurry doit-il vous remercier ?

R : Je ne veux pas vous donner de détails à ce sujet.

Q : Pourquoi accepteriez-vous une punition, alors que vous clamez votre innocence ?

R : Je serai simplement heureux de voir monsieur Atma Jhurry soulagé.

Q : Et si la cour vous trouve coupable ?

R : Je ne pense pas que ce sera le cas. Dommage que la presse et le public m’aient déjà jugé.

Q : Parlez-nous de votre parcours académique…

R : Après l’école primaire de Lallmatie, j’ai fréquenté le collège Royal de Port-Louis. Je suis maintenant en troisième année à la faculté de Civil Engineering de l’université de Maurice.

Les proches d’Avinash Ramguttee «révoltés»

Les parents et les soeurs du condamné, très affectés, ont réagi très brièvement après le verdict et la sentence prononcés contre ce dernier. «Nu deza dan problem ki ou oule mo dir ou», nous a déclaré le père du suspect. Son gendre Rajesh nous a, toutefois, fait comprendre que ses beaux-parents sont «révoltés» : «Mon beau-frère a été mal jugé. Il n’y a pas de preuves contre lui. On l’a attaqué pour rien. Il a eu une très lourde peine.»

Bindu, la veuve de Rajesh Ramlogun : «L’honneur de mon époux a été rétabli»

Sept ans. Elle a dû attendre toutes ces années, dit-elle, pour que le vrai coupable de l’assassinat des belles-sœurs Jhurry soit condamné. Car, à un moment, c’est son époux qui avait été soupçonné d’être derrière ce crime. Il avait rendu l’âme quelques jours après son arrestation, alors qu’il était en détention policière.

«Mon neveu avait blamé mon époux en disant que c’était lui qui avait assassiné les deux belles-soeurs. Mais moi, j’ai toujours cru en son innocence. La justice a abondé dans le même sens. L’honneur de mon époux a été rétabli. Je tiens à remercier le juge, les membres du jury et les avocats de la poursuite. Avinash a eu la punition qu’il mérite. Mon époux était innocent, mais il a perdu la vie en cellule. Je n’ai désormais qu’un seul souhait : que justice soit rendue concernant sa mort.»

Me Medhi Manrakhan, avocat de la poursuite : «Je n’ai jamais eu de doute de la culpabilité de l’accusé»

C’est un homme «heureux». Lui, c’est Me Medhi Manrakhan, avocat de la poursuite. «Je n’ai jamais eu de doute de la culpabilité de l’accusé. «Je suis satisfait que les membres du jury aient accepté la version de la poursuite. J’ai une pensée spéciale pour monsieur Jhurry qui a perdu son épouse et sa soeur dans des circonstances atroces. J’espère qu’il va enfin pouvoir faire son deuil car justice a été rendue. J’aimerais remercier le Directeur des poursuites publiques pour son soutien. Je remercie aussi mes trois amis qui m’ont secondé dans cette affaire : Mes Sanjeev Baungally, Kesri Soochit et Raheem Tajoodeen. Ils m’ont été d’une très grande aide.»

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