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«Notre enfant a vécu le martyre avant de mourir»

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Les funérailles de la petite ont eu lieu dans l’après-midi du jeudi 16 mai.

Le bonheur de devenir parents pour la première fois s’est transformé en véritable cauchemar pour Manisha et Rajesh Beeharry. Leur bébé, né à l’hôpital de Flacq, a subi de graves brûlures dans cet établissement au lendemain de sa naissance, suivi de plusieurs complications de santé, jusqu’à en perdre la vie. Révoltés, les parents témoignent.

Ils avaient attendu ce moment pendant neuf longs mois. Ce moment magique où ils allaient tenir leur premier enfant dans leurs bras. Manisha et Rajesh Beeharry, âgés de 22 et 37 ans respectivement, étaient sur leur petit nuage de bonheur en attendant le jour où leur petit ange allait venir changer leur vie pour toujours. Un bonheur qui s’est transformé en cauchemar du jour au lendemain. Depuis sa naissance le 21 avril, le bébé a souffert de plusieurs complications après avoir été brûlé à l’hôpital et a finalement rendu l’âme jeudi, au grand désespoir de ses parents. «Notre enfant a vécu le martyr avant de mourir», confient Manisha et Rajesh avec douleur.

Pendant 25 jours, ils ont espéré de tout leur être que leur petit bout de chou allait se remettre. «On prenait un taxi presque tous les jours, ce qui nous coûtait entre Rs 600 et Rs 800. Ma femme venait de subir une césarienne et ne pouvait pas voyager par le bus à cause des secousses qui auraient pu provoquer la réouverture de sa plaie», souligne Rajesh. Au-delà de son immense tristesse, le cœur de ce père est meurtri par un profond regret : «Je n’ai jamais pu tenir ma fille dans mes bras. Une seule fois je l’ai vue ouvrir les yeux, alors que ma femme n’a même pas eu cette chance.»

Manisha, les larmes aux yeux, peine à cacher sa douleur. «Je n’ai jamais pu l’allaiter. Je ne l’ai jamais vue ouvrir les yeux. Elle était toujours endormie. Je n’ai jamais pu la tenir dans mes bras lorsqu’elle était vivante. C’est après sa mort que j’ai pu la serrer contre moi. C’était très dur. Mon mari et moi vivons le pire calvaire de notre vie. On dit que le temps guérit les blessures. Mais les nôtres resteront intactes.»

Aujourd’hui, les deux se souviennent avec des larmes dans les yeux, des mois qui ont précédé la naissance de leur bébé. Un bébé pour lequel ils ne voulaient que le meilleur. Ils avaient tout préparé en vue de son arrivée avec amour : ses vêtements, ses autres affaires nécessaires, sa chambre qu’ils avaient emménagée avec soin. «Nous étions comme dans un rêve», racontent avec douleur Manisha et Rajesh Beeharry, rencontrés à leur domicile vendredi matin. La grossesse, disent-ils, s’était bien passée.

Calvaire

«Je suivais un traitement à l’hôpital ainsi que chez un gynécologue du privé. Je voulais m’assurer que tout se passait bien pour le bébé et moi-même», confie Manisha qui a tenu à connaître le sexe de son enfant : «Je ne pouvais plus attendre. C’est ainsi que lors d’une échographie, mon médecin m’a annoncé que j’attendais une fille. Mon mari et moi étions très heureux.»

Mais quelques mois plus tard, leur calvaire allait commencer. Le dimanche 21 avril, Manisha est prise de fortes douleurs au ventre : des contractions annonçant l’arrivée de leur petite fille. Conduite d’urgence à l’hôpital de Flacq, elle accouche par césarienne le même jour. «Je n’ai pas vu mon enfant à mon réveil. On m’a informée qu’elle avait un problème au niveau de l’intestin et qu’elle devait subir une opération le lendemain», relate notre interlocutrice.

Le bébé est donc opéré le 22 avril. «Tous nos problèmes ont commencé à partir de là. Après l’opération, j’ai demandé à voir mon enfant. Mais on ne me l’a pas autorisé. Plus tard, j’ai appris qu’on l’avait transférée à l’hôpital SSRN, Pamplemousses. Je suis allé là-bas et c’est là qu’un médecin de cet établissement m’a informé que ma fille avait été brûlée à la jambe et au bras droits à l’hôpital de Flacq, alors que là-bas, personne ne m’avait dit ce qui s’était passé», confie Rajesh, complètement abattu.

Depuis, son bébé n’a pas cessé de vivre le martyre. Suite à ses brûlures, elle a été amputée de deux doigts de sa main droite à l’hôpital du Nord. Ce, pour éviter qu’elle ne développe une gangrène. «Je n’ai pas eu d’autre choix que d’accepter qu’elle subisse cette amputation. Après cette intervention, on l’a transférée à l’hôpital de Candos, à la Neonatal ICU. Là-bas, on lui a amputé deux autres doigts, petit bout par petit bout. Selon les médecins, cela était nécessaire pour vérifier si le sang y circulait correctement», témoigne ce père péniblement.

Ballottée d’hôpital en hôpital, la petite n’a connu que des supplices depuis sa venue au monde, le dimanche 21 avril. Car après sa première opération, ses brûlures et ses amputations, son calvaire devait se poursuivre. Pas plus tard que le lundi 13 mai, elle a subi une greffe. «On lui a fait un prélèvement de la peau au niveau de la jambe gauche qu’on lui a greffée à la main droite. Mais avant cette intervention, on m’a informé que son poumon et ses reins s’étaient infectés», soupire Rajesh.

S’accrochant à l’espoir que sa fille guérira, Rajesh se réfugie aussi dans la prière. «J’ai prié nuit et jour. Je ne perdais pas espoir. Mais le destin en a finalement décidé autrement. Je me suis rendu à l’hôpital de Candos le jeudi 16 mai, aux alentours de 9 heures, pour avoir des nouvelles de ma fille. Le médecin m’a appelé dans son bureau. Là, il m’a dit que son équipe avait tout fait pour mon enfant. Mais que malheureusement, elle nous avait quittés vers 8 heures. J’ai failli m’évanouir», raconte-t-il en larmes. Complètement anéanti par cette nouvelle, il ne cesse alors de penser à la manière dont il va l’annoncer à son épouse, fragilisée par sa récente césarienne et par les ennuis de santé de sa fille.

Aujourd’hui, le couple pleure amèrement son enfant partie après avoir vécu un vrai calvaire. «Elle a été brûlée, puis amputée à plusieurs reprises, sans compter les complications que tout cela a causées. Trop, c’est trop. Jusqu’à maintenant, nous ne savons toujours pas comment notre enfant a subi ces brûlures. Mais une chose est sûre : elle ne s’est pas brûlée dans l’incubateur. Car dans ce cas, elle aurait subi des brûlures sur tout le corps. Or, ce n’est que sa jambe et sa main droites qui ont été brûlées. Je pense que l’eau chaude est peut-être tombée sur l’enfant au moment de son opération ou après son opération», déclare Rajesh Beeharry.

Les questions qui se bousculent dans la tête du couple restent jusqu’ici sans réponse. «Je me demande pourquoi l’hôpital de Flacq ne nous a pas dit que notre enfant avait subi des brûlures. Nous avons l’impression que de par leur silence, ils ont voulu étouffer cette affaire. Nous pensons qu’il y a eu une tentative de cover-up. D’autre part, je me demande aussi pourquoi on a transféré le bébé à l’hôpital du Nord dans un premier temps avant de l’envoyer à celui de Candos. On aurait tout de suite dû l’envoyer à l’hôpital de Candos qui a une unité pour les brûlés», s’insurge Rajesh.

Suite à ce cas de négligence médicale alléguée, le ministère de la Santé avait initié une enquête pour situer les responsabilités. Un communiqué émis le 6 mai par le ministère annonçait qu’un anesthésiste avait été suspendu de ses fonctions après une première enquête préliminaire. Un comité présidé par la Senior Magistrate Raatna Seetohul-Toolsee et constitué de deux Senior Consultants in Charge et un Principal Assistant Secretary a été mis sur pied pour faire une enquête approfondie.

Toutefois, pour les Beeharry, la suspension de l’anesthésiste en question demeure un mystère. «On veut savoir ce qu’on lui reproche. Est-ce qu’il est le seul à blâmer dans cette affaire ou est-ce que d’autres têtes vont tomber ? Le ministère de la Santé doit répondre à ces questions et faire preuve de transparence», déclarent-ils.

Bien que ces réponses ne feront pas revenir leur enfant, ils espèrent que cela leur permettra de faire leur deuil un jour. Ils souhaiteraient aussi avoir un soutien psychologique des autorités pour les aider dans ce moment difficile. Car dans la vie, il n’y a pas de pire tragédie que la mort de son enfant. Après une telle épreuve, chaque jour se révèle être un défi. L’avenir s’annonce sombre pour les Beeharry sans leur petit ange.

Serge Rayapoullé, président du Comité pour l’amélioration de la santé : «C’est un crime»

Il ne mâche pas ses mots. «Les coupables doivent payer. C’est un crime», lâche le président du Comité pour l’amélioration de la santé (CAS), Serge Rayapoullé. Il demande même à ce que l’affaire soit référée à la police. «Un Fact-Finding Committee n’a aucun pouvoir légal pour faire des arrestations. Par contre, la police peut le faire. Je demande au ministre de la Santé de laisser la police enquêter sur ce cas. Car jusqu’ici, jamais un médecin n’a été arrêté et mis en prison pour un cas de négligence médicale», soutient Serge Rayapoullé. Il recommande également qu’il y ait un Complaints Bureau dans chaque hôpital de l’île. «Les gens qui veulent porter plainte ne savent parfois pas quoi faire. S’il y avait un Complaints Bureau dans chaque hôpital, cela faciliterait les choses. Je demande aussi l’introduction d’un carnet de santé pour chaque patient et que le service de la santé soit informatisé à 100 %.»

Lormus Bundhoo, ministre de la Santé : «Je m’excuse auprès des parents»

Il n’est pas insensible au sort des Beeharry. «Je m’excuse auprès des parents. Ce qui leur est arrivé est inacceptable», nous a déclaré le ministre de la Santé, Lormus Bundhoo. Ce dernier se veut rassurant et affirme que l’enquête suite à ce cas de négligence médicale alléguée se fera dans la «transparence». Lormus Bundhoo, qui a rencontré les parents du bébé il y a trois semaines à son cabinet, affirme qu’il a «la volonté de faire avancer ce dossier». Toutefois, il affirme avoir un profond regret. «Suite à une demande du Premier ministre, nous avons mis sur pied un Fact Finding Committee pour faire la lumière sur ce cas. Je regrette que l’enfant soit décédée le premier jour où le comité a siégé», avance le ministre.

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