Suspendue de ses fonctions, la psychologue Pascale Bodet a cette fois été arrêtée en marge de l’affaire MITD. Un développement majeur vivement décrié par plusieurs dont Pédostop et la société des professionnels en psychologie.
Elle a fait son travail avec «professionnalisme et rigueur» affirment ses confrères. Pourtant, la psychologue Pascale Bodet a été arrêtée, vendredi, et traduite en justice sous une charge de «complot» et «usage de faux» dans le cadre de l’enquête sur les abus sexuels allégués au Mauritius Institute for Training and Development (MITD). La jeune femme, défendue par Me Rishi Boyroo de Gavin Glover Chambers, a dû s’acquitter de la somme de Rs 25 000 pour retrouver la liberté conditionnelle et signer une reconnaissance de dette de Rs 100 000.
L’arrestation de Pascale Bodet, employée par le MITD et suspendue de ses fonctions après que cette affaire a éclaté, fait suite à un rapport qu’elle avait rédigé sur le cas d’abus sexuel allégué impliquant un enseignant de cette institution et une élève de cet établissement âgée de 14 ans. Toutefois Me Gavin Glover assure que la psychologue n’a rien fait de mal. «Ma cliente n’a rien à se reprocher. Elle nie avoir falsifié une quelconque signature sur ce rapport qu’elle a rédigé», nous a-t-il déclaré. L’enseignant incriminé dans cette affaire a, lui, été mis hors de cause par un Fact-Finding Committee institué par le ministère de l’Éducation.
En tout cas, l’arrestation de Pascale Bodet n’a pas laissé indifférent. Plusieurs voix se sont élevées contre ce nouveau développement, à l’instar de Pédostop qui crie à l’«injustice». «Je suis choquée, en colère et indignée par cette arrestation abusive et injustifiée. À quoi bon avoir des psychologues dans des établissements scolaires si c’est pour les arrêter quand ils font leur travail correctement ?», s’interroge Alexandra Schaub, membre de cette ONG qui milite contre toutes formes d’abus sexuels.
Pour elle, cette action est un véritable coup dur pour ceux qui travaillent dans le but de faire reculer ce genre d’abus dans notre société. «Par cette manière de faire, on encourage la pédophilie. D’autre part, je déplore cette stratégie qui vise à intimider les psychologues», soutient Alexandra Schaub.
Dénoncer les cas d’abus
Par ailleurs, la Société des professionnels en psychologie (SPP) n’a pas tardé à monter au créneau suite à cette arrestation. «Lorsqu’une personne exerçant une profession médicale ou paramédicale ou membre d’une équipe enseignante dans le milieu scolaire a des raisons de suspecter qu’un enfant (mineur), qu’elle a entendu en consultation ou qui fréquente l’établissement scolaire, a été maltraité, négligé, abandonné ou exposé à une quelconque forme d’abus, doit immédiatement le signaler afin qu’une enquête soit menée», soutient la SPP.
Cette association fait ressortir qu’il était du devoir de la psychologue d’informer ses supérieurs au vu des éléments recueillis, d’autant que ce cas à trait aux relations sexuelles avec une mineure. «Le rapport de Pascal Bodet à ses supérieurs, relatant les propos d’une mineure ayant eu des rapports sexuels avec un enseignant est conforme au code de déontologie et à la loi mauricienne. Or, l’action de la psy a eu pour résultat la suspension de cette dernière de ses fonctions et son arrestation.»
La SPP avance par ailleurs que la manière dont cette affaire est traitée soulève deux points essentiels : «Comment est-ce que les enfants qui sont victimes d’abus peuvent venir en toute confiance faire part de ce qu’ils ont subi aux professionnels et institutions qui ont pour mission de les protéger si on leur apprend que parler leur sera nuisible ? Ne vont-ils pas intégrer le fait qu’il est plus bénéfique de se taire ?»
Du côté des syndicalistes, on ne reste pas non plus insensible à cette arrestation. «Ce qui se passe est plus que grave. Je demande l’intervention immédiate du ministre du Travail. La psychologue Bodet a agi dans le cadre de la loi et de son code de déontologie. Son arrestation est inacceptable ainsi que le licenciement de l’enseignante Sudha Singh du MITD», fait ressortir le syndicaliste Deepak Benydin.
Narenduth Gopee, président de la Fédération du Service Civil & Other Unions (FSCOU) s’insurge aussi contre ce nouveau développement et déplore le licenciement de l’enseignante Sudha Singh du MITD suite à cette affaire. «Elle a agi dans l’exercice de ses fonctions. Dans ce cas d’abus sexuel, ce sont ceux qui ont bien fait leur travail avec une conscience professionnelles qui se retrouvent aujourd’hui au banc des accusés alors que les brebis galeuses sont bien protégées», dit-il, haut et fort. Narenduth Gopee, demande la réintégration de l’enseignante Sudha Singh à son poste.
Contactée la principale concernée avance que son intégration dépendra des conditions qui lui seront imposées par le MITD. Entre son licenciement et l’arrestation de Pascale Bodet, beaucoup se demandent jusqu’où ira cette affaire… À suivre.
Laura Samoisy
L’opposition parle «d’Etat policier»
Alan Ganoo et Paul Bérenger sont clairs. «C’est inacceptable», a martelé le leader de l’opposition Alan Ganoo, hier, lors de la conférence de presse du MMM, en faisant référence à l’arrestation de la psychologue Pascale Bodet dans l’affaire des allégations de de pédophilie au Mauritius Institute of Training and Development (MITD). Alan Ganoo estime que c’est «un coup dur» pour tous les professionnels qui font leur travail dans «la droiture et l’honnêteté». Paul Bérenger devait, pour sa part, dire que le ministre de l’Éducation Vasant Bunwaree a joué un rôle «infect» depuis que les allégations ont été rendues publiques, estimant qu’il y a eu «magouille sur magouille et cover-up sur cover up» depuis les premières questions parlementaires sur cette affaire.
SC