La thèse la plus évoquée reste les freins défectueux. Que s’est-il vraiment passé ce vendredi fatidique ?
L’enquête devra permettre de faire la lumière. Selon plusieurs passagers, le receveur du bus leur avait dit de se déplacer vers l’arrière du véhicule car les freins avaient lâché. Ce qui a ensuite provoqué l’accident de vendredi dernier avec le triste bilan que l’on connaît, dix morts et une quarantaine de blessés.
Par contre, la thèse de freins défectueux ne fait pas l’unanimité. À commencer par le Premier ministre lui-même qui, lors de son point de presse, vendredi dernier, devait dire qu’il a eu des informations selon lesquelles «la roue de l’autobus continuait de tourner, donc le système de freinage n’était pas défaillant.» Dans une déclaration à notre confrère l’express, Robin Soonarane, le responsable de la CNT, explique que tous les autobus de cette compagnie font des révisions «régulièrement».
«Dans chaque dépôt et chaque garage, il y a un atelier où les autobus sont entretenus», déclare Robin Soonarane. Selon lui, au moins une centaine d’autobus restent au garage chaque jour pour le servicing. Le directeur général ne s’est toutefois pas prononcé sur les causes de l’accident, avançant qu’il préfère attendre les conclusions de l’enquête de la police pour savoir si, effectivement, les freins ont lâché.
Sur les ondes d’une radio privée, il devait aussi démentir les allégations selon lesquelles les chauffeurs sont obligés de prendre le volant même si les véhicules ont certaines défaillances, sous peine d’une réduction de salaire.
Cependant certaines personnes restent sceptiques, tel ce mécanicien de la CNT qui devait nous affirmer, sous le couvert de l’anonymat, que ce sont les bus mis sur les routes en 2007 qui ont des défaillances. D’autres se demandent où en sont les enquêtes impliquant les autobus de la CNT. À l’exemple de ce blessé qui était dans un autobus de la Compagnie nationale lors d’un accident à Plaine-Champagne.
Nous avons essayé, à plusieurs reprises, d’obtenir des éclaircissements de Ravi Soonarane, mais en vain.
Alain Jeannot : «Une funeste occasion de faire un tour d’horizon de notre transport en commun»
Triste coïncidence. Alors que la Semaine mondiale de la sécurité routière commence demain, pour s’achever le 12 mai, le pays se retrouve en état de choc avec l’accident survenu vendredi à Sorèze et qui a fait 10 morts. Pour Alain Jeannot, président de l’association Prévention Routière Avant Tout, ce triste événement vient mettre en lumière des manquements par rapport à la sécurité routière dans notre petite île. «Cette tragédie nous donne une funeste occasion de faire un tour d’horizon de notre transport en commun, même si les interrogations qui suivent ne sont pas liées à l’accident. Au seuil de la Semaine mondiale de la sécurité routière, ce triste événement vient nous rappeler que la route n’est pas sans danger et que tout peut basculer en une fraction de seconde. Nos sincères sympathies vont aux familles endeuillées et nos souhaits de prompt rétablissement aux blessés, en espérant que toute cette souffrance nous aidera à prendre conscience et à agir en conséquence, chacun à son niveau. Car, la protection de la vie est sacrée !», avance-t-il.
Selon lui, la tragédie de vendredi dernier vient démontrer que le réseau de transport public n’est pas sans danger. «Notre réseau de transport public composé d’autobus, est très développé à Maurice comparé à beaucoup de pays de la région africaine. Les autobus constituent 7,7 % des véhicules impliqués dans des accidents faisant morts ou blessés alors qu’ils ne forment que 0,7 % de la flotte de véhicules», précise notre interlocuteur. L’heure, dit-il, est à l’action : «Les freins qui lâchent, cela peut arriver à n’importe quel véhicule, mais il nous est permis de nous interroger sur les moyens qui pourraient être mis en œuvre à l’avenir pour éviter un tel bilan.»
Navin Ramgoolam : «Je devais les laisser faire leur travail»
Sous le feu des critiques, le Premier ministre a tenu à donner sa version des faits. En effet, depuis ce terrible drame, de nombreux Mauriciens ont exprimé leur déception et leur mécontentement par rapport au comportement du Premier ministre lorsqu’il a traversé Sorèze sans s’arrêter dans la matinée de vendredi. Plusieurs personnes qui se trouvaient sur les lieux de l’accident lui reprochent d’avoir continué sa route vers la capitale.
Navin Ramgoolam a tenu à répondre aux critiques. «Il y a des gens qui se demandent pourquoi je ne me suis pas arrêté sur les lieux de l’accident, vendredi matin. Peut-être qu’ils ne le savent pas, mais comme le disent la police et mes gardes du corps, quand il y a un accident le matin, il est préférable de ne pas bouger tout de suite et attendre que les choses se tassent. Les gens ont toujours des commentaires à faire. J’ai appris l’accident. Je ne suis pas descendu tout de suite et quand je suis passé, je devais les laisser faire leur travail.»
C’est dans la journée de vendredi que Navin Ramgoolam a tenu un point de presse pour présenter ses condoléances aux familles touchées par cet accident. Il avait, par la même occasion, annoncé que hier, samedi, avait été décrété journée de deuil national. Le chef du gouvernement a également indiqué qu’une enquête sera menée pour faire la lumière sur les circonstances de ce drame.
Raj Moothoosamy, Victim Support Mauritius : «C’est tout un travail pour accepter la réalité»
«C’était cauchemardesque !» Voilà comment Raj Moothoosamy de Victim Support Mauritius décrit la scène à Sorèze peu après l’accident. «Je me trouvais par hasard dans les environs et je peux vous dire que c’était horrible.» Depuis, son équipe est au chevet des familles des victimes. «Il y a une équipe composée de bénévoles formés en psychologie qui a commencé une série de visites chez les familles des victimes. C’est tout un travail pour accepter la réalité. Il s’agit maintenant d’écouter ces gens qui ont perdu ceux qu’ils aimaient, de les encadrer et de les faire accepter qu’ils ne reverront pas leurs proches. Certes, on ne leur demande pas d’oublier mais de se relever et d’avancer», précise-t-il.
Alan Ganoo, leader de l’opposition : «Enquête transparente»
«Qu’il n’y ait pas de cover-up. Je réclame une enquête en toute transparence pour faire la lumière sur les circonstances de l’accident. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions et situer les responsabilités.»
Marc Girardin du mouvement Contre les Accidents de la Route (CAR) : «Il faut corriger les manquements»
«Il y a une faille dans la sécurité ! » Pour Marc Girardin, responsable du mouvement Contre les Accidents de la Route, ce qui est arrivé, vendredi, vient démontrer qu’il y a des lacunes à bien des niveaux concernant la sécurité routière. «Il faut remettre la discipline au goût du jour et s’assurer que les gens prennent conscience que toute action a une conséquence. Dans ce cas où plusieurs personnes ont perdu la vie, il faudrait voir s’il y a eu des manquements au niveau de la maintenance et la sécurité et les corriger», dit-il.
Anil Bachoo : «Je ne conduisais pas le bus»
Une nouvelle fois ! La démission du ministre des Infrastructures publiques est demandée. La cible des critiques depuis les inondations meurtrières du 30 mars, Anil Bachoo ne compte pas s’en aller, dit-il. Ceux qui exigent son départ n’obtiendront pas satisfaction : «Qu’ils continuent à demander. Je ne comprends pas où ils veulent en venir. Je ne conduisais pas le bus.»
En tant que ministre du Transport, il estime que son devoir est de s’assurer «qu’une enquête approfondie soit faite, afin de faire la lumière sur cette affaire». Il estime que ce n’est pas le moment de «prejudge» et qu’il faut attendre les conclusions de l’enquête avant de se «prononcer». Il a également tenu à présenter ses sympathies aux familles endeuillées et à dire que toutes les personnes affectées sont dans ses pensées.