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Ces rescapés qui ont cru au pire

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Ils ont vu la mort de près. Nous avons rencontré les blessés de l’accident de Sorèze, à l’hôpital Jeetoo, Port-Louis. Ces «miraculés» ont du mal à croire qu’ils ont survécu à cette tragédie qui a coûté la vie à dix personnes.

Vanisha Bisnath, 26 ans : «J’avais les mains tachées du sang d’une autre personne»

Elle s’en est sortie avec quelques égratignures. Mais Vanisha Bisnath ne se remettra pas de sitôt de l’expérience qu’elle a vécue, le vendredi 3 mai. Cette habitante de Quatre-Bornes se confie : «J’ai du mal à croire que je suis en vie. Ce jour-là, je me rendais à ma leçon de conduite, à Port-Louis. À hauteur de Sorèze, le receveur a annoncé que les freins ne fonctionnaient plus. C’était la panique. Après quelques secondes, j’ai ressenti un choc. Les gens étaient les uns sur les autres, alors que l’autobus faisait des tonneaux. J’avais les mains tachées du sang d’une autre personne. C’était horrible.»

Charlène Veerapen, 23 ans : «Je ne sais pas comment je m’en suis sortie»

On lui a posé plusieurs points de suture à la tête. «J’ai très mal à la tête et j’ai des vertiges», témoigne cette habitante de Quatre-Bornes. Ce jour-là, elle se rendait à son travail, à Port-Louis. Mais c’est à l’hôpital qu’elle a atterri. «Lors de l’impact, je n’ai entendu que des cris. Les passagers hurlaient, et moi aussi. Je ne sais pas comment je m’en suis sortie.»

Simla Oril, 35 ans : «J’ai cru que je n’allais plus revoir mes deux enfants»

Elle revient de très loin. Mère de deux enfants et mariée à Chundun, Simla Oril, une habitante de Quatre-Bornes, a imaginé le pire. «J’ai cru que j’allais mourir et que je ne reverrais plus mes deux enfants», lâche-t-elle en pleurs. Sur son lit d’hôpital, les larmes ruisselaient sur son visage. «Je ne peux m’empêcher de penser à toutes les victimes et à leurs familles. Je remercie Dieu de m’avoir épargnée.»

Mélanie Mootoosamy, 26 ans : «Je souffre atrocement»

Sous perfusion, la jeune femme peine à parler. «J’ai eu de violents coups aux pieds et au cou. Je ne peux pas bouger», explique cette habitante de Quatre-Bornes, avec difficulté. «Je souffre atrocement. Si je suis en vie, c’est grâce au chauffeur. Sans son initiative, je ne serais peut-être pas de ce monde à l’heure qu’il est. J’étais assise à l’avant-dernier siège lorsque le receveur a demandé aux passagers de se placer complètement à l’arrière de l’autobus. C’était comme dans un film d’horreur», poursuit-elle.

Megna Kumar, 20 ans : «Je n’arrive pas à respirer»

À peine quelques minutes après son admission en salle, elle a dû être transférée à l’unité des soins intensifs. «Je n’arrive pas à respirer», a-t-elle dit à ses proches qui étaient à son chevet. Mère d’une fillette de cinq mois seulement, cette habitante de Quatre-Bornes, était en pleurs sous son masque d’oxygène lorsque nous lui avons parlé. «Bondie sap mo tifi», criait sa mère.

Karishma Cooshna, 20 ans : «J’étais coincée sous une dame»

Écouteurs à l’oreille, la jeune femme n’a pas entendu les instructions du receveur. «J’étais assise sur le premier siège, du côté gauche. À un moment, les gens ont commencé à se lever pour se rendre à l’arrière. C’est là que j’ai compris que quelque chose n’allait pas. J’ai aussitôt enlevé les écouteurs et là, c’était la panique générale. Les gens criaient et l’autobus zigzaguait avant de faire plusieurs tonneaux», raconte Karishma Cooshna qui se rendait sur son lieu de travail. «Au final, je me suis retrouvée coincée sous une dame qui était vraiment mal en point. Elle ne pouvait bouger. À mes côtés, il y avait des passagers complètement défigurés. Je suis parvenue à m’échapper par une fenêtre.»

Leela Krishnan, 34 ans : «Je dois ma survie au chauffeur»

Cela fait presque dix ans qu’il a quitté l’Inde, son pays natal, dans l’espoir d’un avenir meilleur sur le sol mauricien. Marié à Soorahya, cet habitant de Bonne-Terre, Vacoas, s’en est sorti avec une fracture de la main droite et des égratignures sur plusieurs parties du corps. «Je dois ma survie au chauffeur. Sans son initiative, il y aurait eu beaucoup plus de victimes», soutient-il. Son épouse Sourahya à ses côtés, il explique qu’en ce vendredi noir, il se rendait sur son lieu de travail. «Je suis le gérant d’un restaurant à Baie-du-Tombeau. À ma sortie de l’hôpital, j’irai dire des prières et remercier Dieu pour sa protection.»

Vicky Gobin, 32 ans : «J’ai eu de la chance»

Cela devait être une journée comme une autre : «Un collègue m’attendait à l’arrêt d’autobus de Montebello. Je venais d’appuyer sur la sonnette, lorsque j’ai entendu le receveur demander aux gens de se mettre à l’arrière. Dix personnes étaient debout. J’ai d’abord cru que le receveur agissait de la sorte pour éviter au chauffeur de se faire prendre en contravention. Deux minutes plus tard, le bus s’est renversé. J’ai eu un terrible coup à la tête. Je ne sais toujours pas comment je suis sorti de l’autobus. J’ai eu de la chance. Il y avait du sang autour de moi. C’est mon collègue qui m’a transporté à l’hôpital de Candos. Je me sens comme dans le vide.»

Les circonstances du drame

Il a tout fait pour éviter le pire lorsqu’il a réalisé, avec frayeur, que les freins de l’autobus qu’il conduisait ne fonctionnaient plus. Il se trouvait alors à hauteur de Sorèze. Il est environ 9h15. Fort de son expérience de chauffeur, Deepchand Gunness prend une ultime décision, celle qu’il croit dur comme fer être la meilleure. «Dir bann pasaze al derier. Frein pa pe marse», aurait-il lancé à Vishamitr Bundhoo, le receveur de l’autobus.

La panique est à son comble. L’autobus roule à vive allure sur l’autoroute, où circulent nombre de véhicules en cette heure de pointe. Faisant preuve de courage, Deepchand Gunness dévie le véhicule de sa trajectoire initiale et emprunte la voie menant à la Ring Road, actuellement en construction.

En négociant le tournant, les roues du véhicule se heurtent à un caniveau, avant que celui-ci ne se renverse sur le flanc gauche. Certains passagers sont violemment projetés hors de l’autobus. D’autres s’entassent les uns sur les autres, prisonniers de cet amas de ferrailles, avant qu’ils ne soient extirpés. Quelques heures plus tard, le bilan tombe. 10 morts et 44 blessés.

Des accidents qui ont fait plusieurs morts

Les noms des dix victimes de Sorèze sont venus s’ajouter à la longue liste de ceux décédés sur nos routes. Ce n’est, hélas, pas le premier drame du genre qu’a connu le pays. Le 14 janvier dernier, le deuil avait frappé de plein fouet le village de Roches-Noires et plongé ses habitants dans une immense tristesse après la fin tragique de trois jeunes de cette localité, fauchés dans un terrible accident de la route à Bras-d’Eau.

Un mois plus tôt, soit le 5 décembre 2012, un autre accident faisait plusieurs morts à Roches-Noires. Trois amis, qui voyageaient à bord d’une Subaru en compagnie d’une jeune fille, ont perdu la vie l’un après l’autre lorsque leur voiture avait heurté un van. Au mois de janvier 2011, un véritable carnage se produisit à St-Julien, où un accident avait fait 12 victimes, dont 11 ressortissants du Bangladesh. Le 13 octobre de la même année, un accident de la route faisait trois morts à 16e Mille. C’était un jeudi, à la suite d’une collision entre un minibus roulant en direction de Mahébourg et un autobus se dirigeant vers Curepipe.

Le 17 avril 2005, une sortie s’était avérée sanglante et mortelle pour six amis. La voiture dans laquelle ils se trouvaient en revenant d’une boîte de nuit, avait percuté de plein fouet un autobus de la CNT. Bilan : trois morts et trois blessés. Au mois de juillet de la même année, un maulana qui venait de se marier et ses trois neveux avaient péri dans un accident de la route à Grande-Rosalie. Le 10 juin 2004, un autre drame s’est joué à Bagatelle ; quatre membres d’une famille de Quinze-Cantons, Vacoas, trouvèrent la mort. Le taxi qui les transportait avait été écrabouillé par un camion.

Le 2 novembre de la même année, un autre accident s’était avéré fatal pour cinq amis. Le 4x4 dans lequel ils se trouvaient, avait quitté la route et percuté un arbre dans un virage à Nouvelle-France. Au mois d’août 2002, un accident au rond-point menant à Flic-en-Flac, impliquant deux voitures et un 4x4, avait fait deux morts et des blessées graves dont l’une est toujours dans un état semi-comateux. En avril 1995, un camion fou tuait une dizaine de passagers d’un autobus à Rose-Belle, les freins du véhicule ayant lâché. Au mois d’août 1975, un accident impliquant un camion et un autobus faisait 15 morts à Bell-Village.

Le bilan est lourd

Dix victimes ont perdu la vie. Trente-cinq blessés ont été admis à l’hôpital Jeetoo, dont quatre aux soins intensifs. À l’hôpital Victoria, une personne a été hospitalisée. Les cliniques privées de l’île ne sont pas en reste. Trois rescapés se trouvent actuellement à l’Apollo Bramwell Hospital et de deux autres à la Clinique Fortis Darné.

À l’heure où nous mettions sous presse, Vishamitr Bundhoo, 52 ans, le receveur de l’autobus, était toujours aux soins intensifs de l’hôpital Jeetoo. Trois autres rescapés s’y trouvent déjà, à savoir Silarbaccus Idriss, âgé de 53 ans, Shilpa Devi Beekharry et Shivranee Audhin, âgées toutes deux de 36 ans.

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