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Steve Savrimootoo : «On m’accuse parce que je suis homosexuel»

Le présumé agresseur a retrouvé la liberté après avoir fourni une caution de Rs 10 000.

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Jean-Alain Antoine, le directeur du Foyer Namasté, déplore la fermeture des centres.

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Rita Venkatasamy du CEDEM .

Un adolescent de 14 ans allègue que le cofondateur du centre l’aurait agressé sexuellement. Ce dernier crie au complot. Au-delà du scandale, la ministre de l’Egalité des genres a fait fermer tous les centres du Foyer Namasté. Ce qui n’est pas pour aider les parents d’élèves et les employés de cette institution.

Prendre un enfant par la main et par le coeur. Soulager ses pleurs, ses malheurs et lui donner le sourire. En ouvrant ses portes en 2007, le Foyer Namasté avait ce désir. Ensuite avec l’aide de plusieurs sponsors, il s’est décentralisé pour s’occuper non seulement des enfants, mais aussi des ados et des adultes handicapés et comptait, jusqu’au mercredi 10 avril, quatre centres (Albion, Roches-Brunes, Curepipe et Valetta). Ce jour-là, un scandale d’abus sexuel sur mineur a secoué de plein fouet cette institution. D’où la décision de la ministre de l’Egalité des Genres, du Bien-être de l’Enfant et de la Famille, Mireille Martin, de suspendre toutes les activités du Foyer Namasté. Elle a également résilié son contrat de «place of safety».

Pourquoi ? Un ancien résident de cet établissement, âgé de 14 ans, a confié aux responsables du CEDEM, institution qui l’accueille depuis septembre 2012, qu’il avait été abusé sexuellement par le cofondateur du Foyer Namasté. Ce dernier, Steve Savrimootoo, âgé de 31 ans, a été arrêté. Il répond d’une accusation provisoire de «causing a specified child to be sexually abused». Il a toutefois retrouvé la liberté après avoir fourni une caution de Rs 10 000 et signé une reconnaissance de dettes de Rs 50 000.

Et pour lui, cette affaire est montée de toutes pièces : «L’enfant en question n’est plus sous la responsabilité du foyer depuis juin 2012. La CDU l’avait placé dans un autre centre avant qu’il ne soit transféré au CEDEM en septembre de la même année. Or, il allègue que l’acte s’est produit en septembre alors que depuis juin, le foyer et moi-même n’avons eu aucun contact avec lui.»

Et de poursuivre : «On m’accuse parce que je suis homosexuel. On veut tout simplement associer la pédophilie à l’homosexualité. J’ai la conscience tranquille. Je n’ai rien à me reprocher», maintient-il.

Si cet habitant de Nouvelle-France nie en bloc les accusations formulées contre lui, la présumée victime, elle, l’incrimine formellement dans une déclaration faite en son nom à la police par un officier de la Child Development Unit (CDU), le lundi 8 avril dernier. L’adolescent affirme que l’acte s’est produit en septembre 2012, au domicile de Steve Savrimootoo, à Malherbes, Curepipe. Son agresseur l’aurait sodomisé au moment où il prenait son bain.

Pour Steve Savrimootoo, toute cette histoire n’est que pure imagination. «Je démens avec force les allégations faites contre moi », lâche-t-il. Et il crie au complot. «Toutes ces allégations sont pour me nuire, ainsi que le directeur du Foyer Namasté, Jean-Alain Antoine, qui est aussi mon compagnon», soutient Steve Savrimootoo. L’adolescent a-t-il, oui ou non, séjourné dans la maison de Steeve Savrimootoo ?

À cette question, ce dernier souligne que oui: «C’était le 24 décembre 2010, j’avais emmené trois enfants à Malherbes pour qu’ils fêtent le réveillon dans une bonne ambiance. L’enfant en faisait partie.» Et de préciser que d’autres responsables ont également ramené des enfants chez eux ce jour-là, car c’était Noël. «Le lendemain matin, c’est un proche, une femme, qui lui avait donné son bain. De plus, à partir de septembre 2012, j’avais commencé à travailler à temps partiel au foyer, car je me lançais à mon propre compte dans un projet de restauration. Et en février 2013, j’ai définitivement démissionné de mon poste», assure notre interlocuteur.

Marlène Secondis, la proche en question, affirme que c’est bien elle qui a donné le bain aux trois enfants au lendemain de la Noël. «Je travaillais comme bonne à leur domicile à Cité Malherbes. Et ce, pendant cinq ans. Steve n’est pas du genre à abuser d’un enfant. C’est moi qui ai donné le bain à l’enfant qui l’accuse, au lendemain de la noël. »

C’est à la suite d’une lettre anonyme datant du 5 juin 2012, envoyée à Mireille Martin, que tout a basculé. Celle-ci faisait état d’un cas d’abus sexuel au Foyer Namasté. La ministre avait alors pris la décision de placer l’enfant dans un autre abri. Une enquête avait même été initiée par les officiers de ce ministère pour faire la lumière sur ces allégations. Sauf que le rapport n’avait rien révélé d’anormal (voir hors-texte).
«Fermeture inadmissible du centre»

Jean-Alain Antoine, fondateur et directeur du Foyer Namasté, déplore la décision prise par Mireille Martin de suspendre les activités de cette institution : «Que la police enquête et fasse son travail. En attendant que le dossier soit bouclé, les différents centres auraient pu poursuivre leurs activités. Je ne comprends pas la raison de la fermeture de ces centres, alors que Steve Savrimootoo ne travaille plus au foyer.»

Qu’on l’écarte du centre parce qu’il est le partenaire de l’accusé lui est égal, avance Jean-Alain Antoine. «Mais de là à fermer le centre, c’est inadmissible. En prenant cette décision, la ministre n’a pas pris en compte le bien-être des enfants, ainsi que leur stabilité émotionnelle et psychologique. Je suis sûr que l’enquête policière finira par blanchir Steve. Mais, malgré cela, je ne reprendrai jamais mon poste au foyer», confie Jean-Alain Antoine. Il penche lui aussi pour la thèse du complot visant à nuire à son image.

Car «depuis quelque temps déjà, les plus folles rumeurs à propos des cas d’abus sexuel au Foyer Namasté circulent», fait-il ressortir. «Mais c’est totalement faux. Ce n’est pas parce que notre orientation sexuelle est différente que cela veut dire qu’on est pédophile», explique le directeur.

Ce dernier rappelle que l’an dernier, lors de la Journée mondiale des enfants, la ministre de la Sécurité sociale, Sheila Bappoo, avait visité le foyer. Cette dernière avait d’ailleurs complimenté le dur travail effectué par lui et son équipe au quotidien. «Elle nous avait félicités, car elle avait vu que ces enfants-là présentaient de lourds handicaps et que ce n’était pas facile de travailler avec eux», raconte Jean-Alain Antoine. «Il y a deux semaines seulement, la ministre nous avait confié trois enfants qui sortaient tout droit de l’hôpital psychiatrique Brown-Séquard. Aujourd’hui, cette même ministre vient dire que le foyer n’était pas conforme aux règles. Alors je me demande pourquoi elle nous avait confié ces trois enfants-là ?» s’interroge-t-il.

Selon Jean-Alain Antoine, le foyer opérait en toute légalité. Mais il avoue ne pas détenir le Residential Care Home Permit octroyé par le ministère de la Sécurité sociale. Quoi qu’il en soit, pour lui, une chose est sûre, son compagnon est innocent et n’aurait jamais pu abuser d’un enfant handicapé.

Du côté des enquêteurs, une source fiable nous a révélé que la présumée victime a déjà été examinée par un médecin de la police. Aucune trace d’agression sexuelle n’a été décelée sur l’enfant. Un médecin de la police nous a confirmé qu’il faut en moyenne dix ans pour que toute trace de sodomie ne disparaisse chez une victime d’agression sexuelle.

Au-delà du scandale sexuel, c’est aussi 52 travailleurs qui se retrouvent sur le pavé (voir hors-texte), sans compter que de nombreux parents ne savent plus quoi faire pour jongler entre leur travail et la prise en charge de leur enfant (voir hors-texte).

Vanesha Veerasamy : «Qui va s’occuper de mon enfant ?»

Elle ne sait plus à quel saint se vouer. Depuis la fermeture du foyer, cette mère de famille peine à trouver une solution pour la garde de Covilen, son fils âgé de 13 ans et qui souffre d’un problème cérébral. «Cela fait quatre ans que mon fils fréquente le foyer Namasté de Roche-Brunes. Il y va en journée et lorsque je termine mon travail, je le récupère. Depuis la fermeture, je ne sais plus quoi faire. Mon enfant a fait beaucoup de progrès depuis qu’il va à ce centre. Avant il ne parlait pas. Maintenant il sait compter jusqu’à dix et il affiche un sourire», témoigne Vanesha, esthéticienne qui est divorcée du père de son enfant. Si elle a pu obtenir quatre jours de congé, elle doit toutefois reprendre le travail ce mardi 16 avril. «Mais je n’ai trouvé personne pour garder mon fils. Toute cette affaire me rend triste. Namasté est la seule famille que j’ai et qui me soutient. Je n’ai aucun soutien de ma propre famille. Je me demande ce que va devenir mon fils. Je suis tellement désespérée que je suis arrivée à penser à me suicider pour que les autorités ouvrent enfin les yeux sur la souffrance de ceux qui sont dans la même situation que moi», pleure Vanesha. Comme elle, il y a aussi Vikren Ramsamy père de la petite Shania, huit ans, ainsi que Marie-Josée Dubois, la mère de Christopher, âgé de 20 ans, ou encore Harry Mootoosamy, le président du Foyer Namasté dont le fils est atteint d’un autisme sévère, qui se retrouvent dans la même situation.

Les employées : « Qu’allons-nous devenir ? »

Elles se sont subitement retrouvées sur le pavé suite à la fermeture des foyers Namasté. Très remontées par la situation, ces cinquante-deux travailleuses ont voulu s’exprimer. «Nous sommes des mères de famille qui ont des responsabilités. On nous met à la porte du jour au lendemain. Qu’allons-nous devenir ? La ministre Martin avait prévu de nous rendre visite le jeudi 11 avril, mais elle n’est jamais venue. Si elle ne trouve pas une solution pour remédier à la situation, nous allons descendre à son bureau à Port-Louis. Ici, nous avons à cœur le bien-être des enfants et des adultes qui sont sous notre responsabilité. Nous les aimons et nous aimons notre travail. On ne porte pas de gants quand on leur donne leur bain et quand on change leurs couches-culottes. Or, les officiers de la Child Development Unit eux, portaient des gants lorsqu’ils sont venus prendre les résidents. On se demande pourquoi», dit l’une d’elles sous le regard approbateur de ses collègues.

Mireille Martin : «Faute de preuve, je ne pouvais prendre des actions»

La ministre Mireille Martin affirme que suite à plusieurs enquêtes, aucun rapport n’avait souligné un quelconque cas d’abus sexuel au foyer Namasté : «Suite aux allégations d’abus sexuel, une psychologue de mon ministère avait travaillé avec la présumée victime. Dans son rapport, elle avait noté que l’enfant ne présentait aucun signe d’abus sexuel. Après cela, ce dernier avait été placé dans un autre abri. Entre-temps, d’autres enquêtes avaient eu lieu, parmi, celle menée par la police ainsi que par le principal sponsor du foyer Namasté. Aucun rapport n’a fait mention d’un quelconque abus sexuel. La police affirme même que ‘‘all the minors are happy at the centre and have never been victims of any abuse. We did not notice any suspected behaviours of Mr J A and Mr Steve Savrimootoo. Nothing abnormal was observed at the shelter’’.» Selon la ministre, il n’y avait à ce stade aucune preuve pour déclencher des actions légales contre le foyer. À ses dires, c’est suite aux révélations de la présumée victime, la semaine dernière, qu’elle a entamé des actions.

Rita Venkatasamy du CEDEM : «Il était de mon devoir de dénoncer ce cas»

Rita Venkatasamy, la directrice du CEDEM le dit haut et fort. «Il était de mon devoir de dénoncer ce cas d’abus sexuel. Depuis que l’enfant a été placé chez nous, nous avons utilisé plusieurs thérapies dans le but de le faire parler. Mais sans succès. L’enfant a même formulé le souhait de retourner au foyer Namasté. Nous avons d’ailleurs écrit au ministère de l’Égalité des genres, en janvier, pour lui demander de placer l’enfant de nouveau dans ce foyer, mais le ministère a demandé que l’enfant demeure au CEDEM», affirme la directrice. Elle poursuit : «Finalement ce n’est que la semaine dernière que l’enfant s’est confié à deux de ses amis du CEDEM qui lui ont conseillé d’en parler à un adulte. Les détails que l’enfant a donnés sont choquants. Il ne peut pas avoir inventé tout cela. De plus, depuis que cette affaire a éclaté, nous avons reçu des menaces. Nous tenons à préciser qu’à aucun moment CEDEM a voulu discréditer le foyer Namasté pour récupérer les enfants, comme l’allèguent certaines personnes. L’accueil des enfants en détresse n’est pas un business au CEDEM», précise Rita Venkatasamy.

Astrid Tixier, psychologue : «La fermeture des foyers n’est pas en faveur des enfants»

La psychologue Astrid Tixier ne mâche pas ses mots. Pour elle, la fermeture du foyer n’aurait pas dû avoir lieu. «Cette fermeture n’est pas en faveur des enfants. Où est l’intérêt des enfants en agissant de la sorte ? Je ne comprends pas pourquoi il y a eu un tel empressement à retirer les enfants du foyer au beau milieu de la nuit alors que les officiers de la Child Development Unit auraient pu faire le transfert le matin. Or, c’est au beau milieu de la nuit du mercredi 10 avril que les enfants ont été réveillés en plein sommeil et emmenés dans un lieu qu’ils ne connaissent pas et où le lendemain matin ils se sont réveillés, entourés d’inconnus. Pour eux, c’est un traumatisme émotionnel et psychologique. Nous avons fait un gros travail avec ces enfants et aujourd’hui c’est tout notre travail qui tombe à l’eau», explique-t-elle. Elle est d’avis que les foyers auraient dû continuer à fonctionner. «Dans le passé, il y a eu des cas d’abus sexuels dans les hôpitaux, des infirmiers ou des médecins abusant de leurs patients. Les hôpitaux n’ont pas été obligés de fermer leurs portes. Les principaux suspects ont été suspendus, mais on ne ferme pas pour autant un service essentiel. Donc, les foyers n’auraient pas dû fermer. En agissant ainsi, il faut dire que celle qui a pris cette décision a jeté le bébé avec l’eau du bain», conclut-elle.

Ismaël Bawamia, enquêteur au bureau de l’Ombudsperson : «Notre bureau avait dressé un tableau chaotique du foyer Namasté en février 2012»

Enquêteur au bureau de l’Ombudsperson for Children, Ismaël Bawamia affirme qu’une enquête diligentée par son bureau a révélé plusieurs manquements au foyer Namasté. «Nous avons mené une enquête en février 2012. Lors des visites, nous avons constaté qu’il y avait un manque d’hygiène. Les enfants qui pouvaient aller à l’école n’étaient pas scolarisés. Il n’y avait pas de programme bien établi pour eux durant la journée. Donc zéro activité. Ils passaient leur temps à regarder la télévision. Les cuisiniers n’avaient pas de medical clearance. Par la suite, nous avons adressé plusieurs recommandations à son directeur et averti les ministères de la Sécurité sociale, de la Santé et de la Protection de l’enfant. Le ministère de la Santé avait dressé plusieurs contraventions au foyer. Par la même occasion, nous avons demandé au ministère de la Protection de l’enfant de placer tous les enfants dans un autre centre. Mais rien n’a été fait.»

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