«Une femme joyeuse, positive, et un jeune homme adorant sa famille, toujours prêt à rendre service.» Telle est l’image laissée par Sylvia et son fils à leurs proches.
Le tunnel du Caudan sous les eaux.
L’île Maurice est sous le choc. À la mi-journée hier, de grosses pluies se sont abattues sur l’île, causant des inondations dans plusieurs endroits. Cette catastrophe naturelle a causé la mort de quatre personnes. Une tragédie sans précédent.
Ce devait être un dimanche de fête et de joie. Les Wright avaient déjà tout prévu. Cette journée allait être exceptionnelle. Ils allaient la passer en famille, à fêter Pâques et les 24 ans de mariage de Sylvia et Allan Wright, ancien adjoint au maire à la municipalité de Curepipe et très actif dans le milieu politique. Mais à la place des rires… des larmes. Aujourd’hui, pas de bonheur, pas de fête. Juste un chagrin incommensurable, une douleur immense, un sentiment d’injustice d’avoir perdu Sylvia, 45 ans, et son fils Jeffrey, 18 ans, si soudainement, si brutalement.
Mère et fils ont été prisonniers hier, dans le tunnel du Caudan, où ils tenaient un stand familial, Ananas boutique, très connu des usagers de ce souterrain, pendant que les grosses averses s’abattaient sur Port-Louis. Alors que le niveau d’eau montait de plus en plus dans la capitale, Sylvia et Jeffrey Wright ont été pris au piège dans le tunnel. Les corps de la maman et de son fils ont été découverts dans l’après-midi d’hier, créant la stupeur chez tous les Mauriciens.
Chez les Wright, c’est le choc. Un drame venu frapper leur famille de plein fouet. Une double perte pour Allan Wright à qui la vie arrache violemment son épouse et son fils. «Je suis anéanti par ce qui m’arrive. Lorsque Sylvia et Jeffrey sont partis ce matin, je ne pensais pas ne plus les revoir en vie. Je n’ai pu aller travailler, pour ma part, parce que j’étais attendu à l’assemblée générale de la fondation Cardiologie. La dernière fois que j’ai entendu la voix de ma femme, c’était à 14 heures. Elle m’avait appelé pour me dire quels vêtements et chaussures emporter pour elle, parce qu’on allait partir à la veillée pascale en l’église de l’Immaculée Conception, directement après le boulot. Elle m’avait aussi dit quoi préparer. C’est donc la dernière fois que j’ai entendu sa voix. Après, j’ai eu ce choc», raconte Alan Wright, membre exécutif du Parti travailliste.
Une tragédie
Le couple devait fêter aujourd’hui leurs 24 ans de mariage avec leurs deux enfants Jason, 20 ans, et Jeffrey, 18 ans, et toute leur famille. «La journée de dimanche s’annonçait très bien. On allait fêter nos 24 ans de mariage et là, je reçois un terrible cadeau. Je perds mes deux bras droits. Sylvia faisait tout pour m’épauler pour la bonne marche de notre business. Jeffrey, lui, était un garçon débrouillard qui, non seulement, aimait travailler dans le business familial, mais adorait travailler avec sa maman. D’ailleurs, c’est lui qui allait par la suite reprendre le stand Ananas boutique», confie un Allan Wright brisé par le chagrin. Ses deux fils, Jeffrey et Jason, avaient prévu de fêter leur anniversaire ensemble le 24 juillet prochain.
La mère de Sylvia, Marie Linette Fokeer, plus connue sous le nom de Loulou n’arrive toujours pas à se faire à cette dure réalité : «Mon monde s’est écroulé. J’ai perdu mon unique enfant. J’étais très proche d’elle. On s’entendait très bien et là, je perds quelqu’un de très important dans ma vie. Je perds aussi Jeff et tout cela m’est insupportable. On s’apprêtait à passer un dimanche tranquille et le ciel m’est tombé sur la tête». Une tragédie sans précédent. Comme chez les Wright, les familles Khoosye et Ramdhari sont elles aussi plongées dans une profonde tristesse depuis hier soir. Vikesh Khoosye, 26 ans, employé dans un call centre, fils de l’ancien maire Vinod Khoosye, était parti aider son ami Keshav Ramdhari, un habitant de Vacoas, qui travaille également dans un snack dans le tunnel du Caudan. Les deux ont aussi été emportés par les eaux. Deux autres corps furent également découverts quelques heures plus tard, alors que plusieurs autres personnes qui avaient transité par le tunnel, étaient portés manquantes à l’heure où nous mettions sous presse, tard dans la soirée d’hier.
Choc émotionnel
À Canal Dayot (région très affectée par les inondations), chez les Moorghen, c’est également le drame. Christabel Moorghen, 65 ans, est morte d’un choc émotionnel alors que le niveau d’eau ne cessait de monter dans sa maison. Les mots manquent à Michèle, sa fille, pour décrire la scène qui s’est jouée devant elle : «D’un coup, la maison s’est remplie d’eau. Nous étions avec elle. Elle était partie aux toilettes et quand elle est revenue, elle a eu, je pense, un sacré choc. Elle a paniqué. Elle manquait d’air et elle est tombée. J’ai essayé de l’aérer. Comme elle ne réagissait, j’ai tenté de lui administrer les premiers soins en faisant un massage cardiaque. Pendant plus de trente minutes, on s’est battu pour qu’elle revienne à elle. Mais sans succès.»
Comme pour les Wright, leur peine est indescriptible. «Je ne peux pas décrire l’état dans lequel je me trouve. Il n’y a pas de mots. Je suis sous le choc. Cétait ma maman. Je ne sais pas quoi dire. Mon père est décédé de la même façon, il y a deux ans. On était chez une cousine et il a été pris d’un malaise. Il s’appelait Nico. Il était très connu, c’était un ex-policier qui travaillait chez Le Mauricien. Pour l’instant, on a tout nettoyé. Mais on n’a pas d’électricité. Comment va-t-on faire ? Je ne sais pas», déclare-t-elle.
Quelques heures plus tard, un autre corps fut découvert à proximité du Jardin de la Compagnie, à Port-Louis. Selon les dernières informations, Retnon Sithanen, la victime, aurait été coincée entre deux voitures. Si à hier soir huit décès furent confirmés par la police, le bilan des victimes était toujours incertain. Depuis ce terrible drame, le pays vit au ralenti. La population est sous le choc. Tous ne sont pas près d’oublier ce terrible samedi noir.
Navin Ramgoolam : «Je présente mes condoléances aux familles affectées»
Dans une déclaration diffusée sur la MBC TV, lors du journal télévisé de 19h30, le Premier ministre Navin Ramgoolam s’est exprimé sur la tragédie qui a secoué la capitale, le samedi 30 mars : «Je présente mes condoléances aux familles affectées. Nous vivons une catastrophe naturelle comme nous pouvons en voir dans d’autres pays. Pour la première fois, nous avons vu s’accumuler 52 mm d’eau dans différentes régions, notamment à Port-Louis. Je suis en contact avec le Disaster Committee. La SSU, la SMF et la Fire Brigade sont déjà sur le terrain. Mes ministres sont également en train de travailler. Nous souffrons des conséquences du changement climatique, comme c’est le cas à l’étranger. Je fais un appel aux Mauriciens : évitez de voyager si ce n’est pas nécessaire.»
Ryan de Top FM : «J’ai tout perdu»
Il est l’un des sinistrés de Canal-Dayot. Satyam Jeeawork, plus connu comme Ryan, employé comme Marketing and Communication Executive chez Top FM, est dans le désespoir total : «J’ai tout perdu. Les six pièces de ma maison ont été recouvertes par les eaux. C’est d’ailleurs ma voisine qui est décédée. Je n’étais pas à la maison au moment des faits. J’habite avec ma mère, âgée de 57 ans. Elle a dû se sauver pour éviter le pire.» Et de poursuivre : «D’autres voisins ont fait de même. Nous sommes tous dans le même bateau. Enn lagrin lenti nu pena pu manze la. On va passer la nuit chez la famille endeuillée. Nu pu bizin trase apre.»
Prem Pathak : «Le temps pluvieux perdurera aujourd’hui»
Pas d’amélioration à prévoir pour le dimanche de Pâques. Le prévisionniste Prem Pathak avance que «le temps restera pluvieux, en particulier sur les régions du plateau central. La mer sera très houleuse et les sorties sont déconseillées. Le mauvais temps est dû à une zone d’instabilité et à des nuages très actifs». Néanmoins, il est prévu que le temps s’améliore lundi.
À la question de savoir si la météo avait prévu le temps qu’il allait faire hier, samedi 30 mars, Prem Pathak nous répond que la station météorologique de Vacoas avait, en effet, annoncé qu’il allait pleuvoir : «D’ailleurs, un communiqué avait été émis à 14h30 hier, et il y était clairement stipulé que de fortes averses allaient s’abattre sur plusieurs régions de l’île et que celles-ci persisteraient. Il était également conseillé aux Mauriciens d’être très prudents durant ces fortes pluies.» Une importante pluviosité a été notée dans certaines régions de l’île hier, notamment à Pailles où, en quatre heures, 179,8 mm de pluie ont été enregistrés.
Textes : Amy Kamanah, Yvonne Stephen, Christophe Karghoo et Jean Marie Gangaram