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Portrait d’un pervers récidiviste

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«Ma vie est devenue un véritable calvaire», témoigne Bidwantee qui avait 69 ans au moment de son agression.

C’est un prédateur sexuel fiché à la police. Son dernier forfait en date : il a tenté d’abuser de deux fillettes dans un champ de cannes, à Bel-Air, le jeudi 21 mars. Cela, alors qu’il était en liberté provisoire pour une affaire d’exhibitionnisme. Sans compter qu’il a, à son actif, une longue liste de délits.

Rien ne l’arrête. Et c’est le cas de le dire. Lallchand Boodhoo, 41 ans, plus connu sous le sobriquet de Manoj Bhai Louke, a été arrêté le jeudi 21 mars, pour kidnapping, séquestration et tentative de viol sur deux sœurs, âgées de 10 et 8 ans. Les faits se sont déroulés à Bel-Air. Manoj, marchand de fruits habitant St-Pierre, était sur le point de commettre son forfait lorsqu’un policier est intervenu. Il a alors pris la fuite, avant d’être appréhendé quelques kilomètres plus loin (voir hors-texte).

A l’Avenir, où habite la famille de Manoj, c’est un sentiment d’incompréhension. Car ce dernier a été arrêté pour la énième fois, dans le cadre d’un délit sexuel. «Li tousel fer nu fami gagn honte», lâche d’emblée Radha, sa mère. Et d’ajouter : «Kapav ena kitsoz ki fatig li dan so latet.»

Un avis partagé par Veena, mariée à Manoj depuis 19 ans et avec qui elle a eu deux enfants.  «Li malad sa. Li fek sorti prison, li fer lot kitsoz pa bon enkor. Il a toujours refusé de suivre un quelconque traitement», fait-elle ressortir.

C’est dire que Manoj est un pervers récidiviste. Un homme amateur de voyeurisme et un exhibitionniste. D’aucuns se souviennent d’un délit commis en 2005. En août de cette année-là, Bidwantee, une habitante de Dagotière, alors âgée de 69 ans, avait porté plainte contre ce prédateur sexuel, pour viol et sodomie. Ce dernier avait été arrêté sur son lieu de travail, à Rose-Hill. Après interrogatoire, aux Casernes centrales, il était passé aux aveux et avait été condamné à huit ans de prison.

Aujourd’hui, à 77 ans, Bidwantee est toujours marquée par cette agression et se souvient des moindres détails. Elle se trouvait à l’arrêt d’autobus de sa localité lorsque Lallchand Boodhoo, qui conduisait une fourgonnette, lui propose un lift. En route, il s’offre même le luxe de s’arreter à Camp-Fouquereaux, pour acheter des boissons alcoolisées et des cigarettes. Cela, avant de se diriger vers Eau-Bleue. Là, dans un champ de cannes, il avait abusé de la vieille dame, tout en la menaçant avec un sabre. Une fois son forfait commis, Manoj avait conduit sa victime chez un proche, à Saint-Paul. Depuis ce jour, Bidwantee n’est plus la même. «Ma vie est devenue un véritable calvaire», confie-t-elle. «Je dors mal depuis. A chaque fois que je ferme les yeux, je le vois. Je n’habite plus à Dagotière, mais chez une de mes filles», poursuit la vieille dame, qui se déplace à l’aide d’une canne anglaise.

Peur de rester seul

Traumatisée, elle occupe un canapé dans le salon, où le téléviseur reste allumé 24 heures sur 24. Comme pour la tenir compagnie, pour la rassurer. Sa fille raconte même qu’elle l’a surprise, à plusieurs reprises, en train de se parler à elle-même : «So latet fatige. Elle est très perturbée, car son agresseur n’a pas eu une lourde sentence.»

En effet, Manoj avait bénéficié d’une remise de peine et avait recouvré la liberté à la fin de 2012. A sa sortie de prison, il avait laissé entendre à ses proches qu’il comptait se ranger. Parce que, dit-il, la vie en prison «bien dir». «Mo pa pu refer sa enkor pu pa gagn zafer ek la polis», aurait-il promis.

C’est ainsi que, tous les jours depuis sa libération, il allait cueillir des goyaves à moto, pour les revendre. Mais aux dires de son épouse, il était «toujours nerveux et tremblait beaucoup». Pour Akshay, 18 ans, le fils aîné de Manoj, ce dernier «avait peur de rester seul».

Mais le vendredi 25 janvier, Manoj est arrêté par l’Emergency Response Service (ERS) de Curepipe. Ce jour-là, deux étudiantes ont alerté des policiers en patrouille, après qu’elles l’ont surpris exhibant son sexe. Manoj a été arrêté sous une charge de gross misconduct in public. «Mo pa pu refer sa enkor», aurait-il lâché aux policiers, au moment de son interpellation.

Un sac lui appartenant a également été saisi par les limiers. Celui-ci contenait des pantalons et sous-vêtements de femme. Après neuf jours derrière les barreaux, il a retrouvé la liberté contre une caution de Rs 7 500, fournie par sa mère, Radha.

Toutefois, Manoj a récidivé le jeudi 21 mars. Cette fois, les siens sont catégoriques : ils ne l’aideront pas. Radha soutient qu’elle ne compte pas payer de caution pour faire libérer son fils, de peur que ce dernier ne récidive…

Les fillettes admises à l’hôpital

Elles ont, certes, échappé à leur prédateur. Mais elles ont été traumatisées par leur kidnapping. Les deux soeurs convoitées par Lallchand Boodhoo ont été admises à l’hôpital de Flacq, le vendredi 22 mars. Selon leur mère, «zot latet mari so ek sa zafer la». Dans leurs dépositions, les deux soeurs ont expliqué qu’elles se rendaient à la boutique du coin lorsque Lallchand Boodhoo les a forcées à le suivre. Il était environ 17h30. Ce dernier a toutefois été arrêté quelques heures plus tard. Il avait laissé sur place son sac contenant des vêtements féminines et son permis de conduire. Il est actuellement détenu au poste de police de Flacq.

Said Ameer Beg : Sociologue, psychologue et psychothérapeute

«Il est obsédé par le sexe»

Peut-on avoir votre point de vue sur Lallchand Boodhoo ?

Il semblerait qu’il soit obsédé par le sexe. Il est psychologiquement «débalancé». Il récidive à chaque fois, car il a peut-être été trahi par quelqu’un du sexe opposé. Il se peut aussi qu’il ait été maltraité durant son enfance. A l’époque, il n’aurait pas eu recours à la justice, d’où le fait de l’entraver à chaque fois. Cette pensée est ancrée en lui. Dans la psychologie, on appelle cela The thought, c’est-à-dire, une pensée bloquée.

Peut-on guérir quelqu’un qui est obsédé par le sexe ?

Oui. Il lui faudra faire un suivi psychologique et clinicien, durant lequel il participera à des séances de discussion, de dialogue et de compréhension. C’est un traitement qui prend du temps. Cela se fait en privé. La personne passe par plusieurs étapes. A la fin, elle peut guérir de cette maladie. Toutefois, si elle est brutale, les chances de guérison sont minimes. Elle doit alors être motivée dès le départ. Sans compter qu’elle a besoin du soutien de sa famille et de ses proches.

Est-ce que ce traitement est disponible dans un hôpital public ?

Le ministère de la Santé a plusieurs psychologues à sa disposition, postés dans les hôpitaux régionaux et à Brown Sequard. Je ne peux cependant pas vous dire si mes confrères ont recours à ce genre de traitement. D’autant que celui-ci n’est pas trop populaire.

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