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«Nous voulons la vérité sur la mort de notre bébé»

Au terme d’une grossesse sans complication, Sakina a accouché d’un mort-né. Un drame qui, selon elle, n’aurait pas dû se produire. Avec son époux Schoaïb, elle crie à la négligence médicale. Entre colère et souffrance, ils livrent bataille pour que la lumière soit faite sur la mort de leur fils.

Saïfyaan. C’est le nom qu’ils avaient choisi pour leur troisième enfant. Ce bébé, ils l’avaient tant désiré. Tout était fin prêt pour son arrivée. Aujourd’hui, il aurait eu trois mois. Mais alors qu’ils devraient tenir leur enfant dans leurs bras et le voir grandir un peu plus chaque jour, Sakina et Schoaïb Rajabalee pleurent ce fils, mort-né après une grossesse arrivée à terme et qui plus est, sans aucune complication. Inconsolables depuis cette tragédie, ils crient à la négligence médicale et réclament la vérité sur les circonstances du décès de ce fils qui «n’aurait pas dû mourir».

Les faits remontent au 19 décembre dernier. Sakina, 37 ans, déjà mère de deux enfants âgés de cinq ans et d’un an et demi, entame son neuvième mois de grossesse. Elle attend un troisième fils. Après un rendez-vous à l’hôpital civil pour une échographie, les nouvelles sont bonnes : «Le médecin m’a dit que tout allait bien et que les résultats de mes examens étaient bons. Il m’a aussi dit que le bébé pouvait arriver à n’importe quel moment.»

Après cette visite de routine, elle rentre chez elle à Plaine-Verte, s’occupe de sa maison et de ses deux enfants. Ressentant quelques douleurs dans la soirée et celles-ci devenant de plus en plus fortes, son époux Schoaïb, 38 ans, décide, aux environs de 22 heures, de l’emmener à l’hôpital, comme l’a conseillé le médecin plus tôt. Après consultation, un autre médecin lui prescrit une injection de Buscopan – médicament contre les crampes abdominales douloureuses – et lui demande de patienter en attendant de voir un gynécologue. «Il était alors 23h15 et selon l’infirmière, le gynécologue en question était pris dans une urgence, une césarienne, et ne pouvait donc pas être là avant 3 ou 4 heures du matin», se souvient Schoaïb.

Venu avec ses deux enfants et ses parents, Schoaïb décide alors de reconduire le reste de la famille à la maison et revient aussitôt au chevet de son épouse, dont l’état ne s’améliore guère. «Elle a commencé à vomir beaucoup de sang. Je suis allé voir un médecin qui m’a demandé de tir enn lot kart», raconte le taximan. Il est alors plus de deux heures du matin quand Sakina commence à perdre du sang : «Elle souffrait tellement qu’elle se tordait de douleur et criait. Un Registered Medical Officer (RMO) est venu la voir, et après un examen, il nous a dit que le cœur de l’enfant battait à 130/minute et qu’il fallait immédiatement admettre mon épouse.»

Le coeur ne bat plus

Une fois dans le Labour Ward, Sakina, ne pouvant plus supporter les douleurs atroces, s’installe sur une chaise, incapable de faire le moindre mouvement. C’est alors qu’une infirmière lui aurait lancé : «Venez madame, ce n’est pas l’heure de s’asseoir là. Venez, on va vous mettre sous sérum». Les minutes défilent sans qu’aucune autre action ne soit prise. «Personne ne me disait ce qui se passait. J’avais un terrible pressentiment. Je sentais que mon bébé luttait pour sortir. Mon ventre se déchirait de douleur», raconte Sakina qui se remémore difficilement cette terrible nuit.

Il est 4h55, le 20 décembre, quand elle entend, dans une conversation au loin, que le cœur de son bébé ne bat plus. Seule et paniquée, elle se réfugie dans la prière, espérant de toutes ses forces que ce cauchemar prendra bientôt fin. Mais ce n’est qu’à 11h15 qu’elle a, dit-elle, la visite d’un autre médecin qui lui informe qu’on l’emmène sur le champ pour une césarienne : «Je ne comprenais pas ce qui se passait. J’ai demandé au spécialiste comment allait mon bébé et il m’a dit : ‘‘Votre enfant est mort. Vous n’êtes pas au courant ?’’ Je ne voulais pas y croire. Tout ce temps, mon enfant était mort dans mon ventre sans que je le sache.» Le choc est brutal. La douleur insupportable.

Schoaïb, meurtri par la souffrance, décide de récupérer son enfant mort-né et de l’enterrer : «Je l’ai tenu dans mes bras et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, tout en me promettant de chercher la vérité sur les raisons de sa mort.» Plus tard, il apprend que son épouse a reçu la visite du ministre de la Santé, Lormus Bundhoo, à l’hôpital et que celui-ci lui a assuré qu’une enquête serait ouverte (Voir hors-texte). Elle dit avoir également reçu la visite du RMO qui s’est occupé d’elle plus tôt. Selon Sakina, celui-ci lui aurait demandé de ne pas ébruiter cette affaire, «de ne pas lui créer de problèmes, qu’il avait une famille et qu’il pourrait perdre son travail». Une demande absurde qui conforte son époux dans sa recherche de la vérité.

«Il y avait négligence»

Dès lors, Schoaïb remue ciel et terre pour faire la lumière sur cette affaire, cherchant des explications auprès des médecins de l’hôpital, et du ministère de la Santé. Il sollicite Cehl Meeah pour l’épauler dans sa démarche, écrit au ministère, à l’Organisation mondiale de la santé, au Medical Council, à l’Ombudsman et au Premier ministre.

À la maison, la vie de famille s’est complètement arrêtée. Traumatisée par ce qu’elle a vécu et par la perte de son enfant, Sakina s’est murée dans le silence, incapable de se lever, de s’occuper de la maison et des enfants. Face à la détresse de son épouse, Schoaïb décide de prendre les choses en main et contacte un psychologue pour venir en aide à sa femme. «C’était terrible. Je devais la réveiller, lui brosser les dents. M’occuper d’elle de A à Z, des enfants, de la maison, de mon travail et des recherches pour le dossier sur la mort de mon fils», déclare Schoaïb.

Il monte peu à peu un dossier solide, dans lequel il relève les incohérences dans le traitement de son épouse, et va même frapper aux portes des autorités, sans succès. Après une réunion infructueuse avec des médecins et représentants du ministère de la Santé, Schoaïb apprend qu’on le qualifie d’«agressif» sur son dossier. «On a même écrit que j’avais pris ma femme pour la ramener à la maison alors qu’elle n’a jamais quitté l’enceinte de l’hôpital», s’insurge-t-il.

Ne se décourageant pas, il contacte plusieurs médecins, mais aucun d’entre eux, dit-il, ne veut affirmer ouvertement qu’il y a eu négligence médicale : «Ils m’ont clairement dit qu’il y avait eu négligence, mais qu’ils ne pouvaient pas couler un collègue. Les médecins auraient dû faire la césarienne dès qu’ils ont vu que le cœur de mon bébé battait à 130/minute. Il ne fallait pas attendre.» Malgré les obstacles, Schoaïb soutient qu’il est plus déterminé que jamais et qu’il ne baissera pas les bras avant que justice soit faite : «Je veux des réponses. Je veux que ceux qui ont fauté et qui ont causé la mort de mon fils paient pour ce qu’ils ont fait. Je veux que ce soit un exemple. Je me bats pour que d’autres parents n’endurent pas cette même épreuve. Je réclame la suspension des médecins qui sont impliqués dans la mort de mon fils.»

Il a d’ailleurs envoyé son dossier à un médecin au Canada pour que les choses avancent. «Je n’ai pas les moyens d’envoyer ma femme à la clinique. Comme moi, beaucoup de Mauriciens se tournent vers l’hôpital, mais je ne veux pas qu’ils subissent la même chose que nous», explique-t-il.

Si depuis qu’elle voit un psychologue, elle va mieux, Sakina ne se remet toujours pas de la mort de son enfant. Chaque soir, elle pense à lui, regarde avec peine les affaires et les vêtements du petit qui sont toujours à leur place. Dans quelques jours, il aurait fêté ses trois mois.

Le ministre Bundhoo suit l’affaire

«Il y a un rapport préliminaire sur cette affaire. Deux médecins affectés ailleurs qu’à l’hôpital Jeetoo, assistés d’un représentant du ministère de la Santé, sont chargés du dossier», nous a déclaré le ministre de la Santé. Celui-ci ajoute : «Une première enquête a eu lieu et le ministère de la Santé est en présence d’un premier rapport que nous étudierons avant de décider de la marche à suivre. J’ai eu l’occasion de visiter la dame qui a perdu son bébé et je l’ai rassurée en lui disant que la lumière sera faite sur cette affaire.»

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