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Fadeel, 21 ans, «cerveau» de deux hold-up, arrêté

Le jeune homme discutant avec son avocat Me Samad Goolamaully, avant de se constituer prisonnier.

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Les présumés complices de Fadeel Ellaheebuksh. (De g. à dr.) Adam Augustin, Olivier Aza, Nawshil Beeharry, Nadeem Bhoyjoo et Kalil Hoosany.

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(À gauche.) La voiture appartenant à la compagnie Dream Price. (À droite.) Celle louée par le gang.

C’est la deuxième fois, en moins d’une année, que ce jeune homme de 21 ans dirige une bande de braqueurs dont l’objectif est de mettre la main sur la recette journalière de la chaîne de supermarchés Dream Price. Son père, lui, est d’avis qu’il paie les conséquences de ses mauvaises fréquentations.

«Monn degoute ar li.» Memode Ellaheebuksh, un habitant de St-Aubin, est complètement révolté. Nous l’avons rencontré hier, quelques secondes seulement après qu’il a conduit son fils Fadeel au poste de police de Rivière-des-Anguilles. Accompagné de son avocat, Me Samad Goolamaully, ce dernier s’est constitué prisonnier dans le hold-up orchestré à l’encontre d’un manager des supermarchés Dream Price le jeudi 28 février.

Ce jour-là, Fadeel et ses complices, armés, ont failli faire main basse sur la somme de Rs 1,2 million, soit la recette du jour de la branche située à Chemin-Grenier. La police soupçonne d’ailleurs Fadeel d’être le cerveau dans cette affaire. Il avait réussi à prendre la fuite ce jour-là, alors que ses cinq complices avaient été arrêtés par la police.
Nawshil Beeharry, 19 ans, habitant Britannia, Nadeem Bhoyjoo, 19 ans, habitant Beau-Bassin, Olivier Aza, 19 ans, habitant Quatre-Bornes, Kalil Hoosany, 18 ans, habitant Beau-Bassin et Adam Augustin, 31 ans, habitant St-Aubin, ont comparu devant le tribunal de Souillac le vendredi 1er mars. Ils font l’objet d’une charge provisoire de larceny armed with offensive weapon. La police a objecté à leur remise en liberté sous caution. Fadeel, lui, devrait comparaître devant la bail & remand court ce matin. La police devrait également objecter à sa remise en liberté sous caution.

«Je m’en lave les mains»
Son père, Memode, 48 ans et employé comme vigile sur la propriété sucrière de localité, confie qu’il ne compte pas débourser de l’argent pour payer la caution de son fils : «Il était en liberté conditionnelle. Il avait commis un autre braquage, chez Dream Price, en juin dernier. Ses cinq complices et lui avaient emporté environ Rs 1 million. J’avais payé Rs 10 000 pour sa caution. Zis ar li ki gagn problem. Si les autres membres de la famille veulent le faire libérer, ils n’ont qu’à rassembler la somme voulue pour lui payer une nouvelle caution. Je m’en lave les mains. Je vais garder mon argent pour les études de mes autres fils.»

Une réaction qui témoigne d’un ras-le-bol : «Pa kone kuma linn mal tombe kumsa. Fadeel fêtera ses 22 ans en juin. J’ai quatre fils. Il est le second. Mon fils aîné va décrocher son diplôme en juin. Le troisième vient de terminer son Higher School Certificate (HSC) et va entamer des études supérieures. Le benjamin est en Form II. Fadeel est le seul qui nous cause des ennuis. Il n’a pas de HSC, mais un General Certificate of Education. Il fréquentait le collège d’état de Riambel.»

Après le secondaire, Fadeel demande à son père de lui payer trois mois de cours en informatique, au coût de Rs 50 000. «J’avais dû cotiser à deux cycles pour payer les frais. Sel piti kinn fer mwa depens pli buku kass ar li sa», se souvient Memode. Mais c’était avant que Fadeel ne change de filière : «Finalement, il est parti travailler chez Dream Price après avoir suivi des cours en pâtisserie. Il a travaillé pendant trois mois avant d’être arrêté pour hold-up. Avec l’aide de complices, il avait forcé le coffre-fort. C’est la CID de Grand-Bois qui avait procédé à son arrestation. J’avais payé sa caution croyant qu’il allait changer, mais il a récidivé.»

Pour Memode, aucun doute : Fadeel paie les frais de ses mauvaises fréquentations. «J’ai toujours eu des reproches à cause de lui. D’abord avec mes autres fils qui m’accusent de trop dépenser mes économies avec lui. Nous sommes une famille musulmane très pratiquante. Mes trois autres fils font le Namaz (Ndlr : la prière) cinq fois par jour et vont à la mosquée en portant la tenue traditionnelle. Fadeel fait fi de nos pratiques réligieuses. Sak foi dir li sanz so bann manier, mais il refuse d’aller à la mosquée alors que mon épouse est très à cheval à ce sujet. Il passe beaucoup de temps sur son ordinateur portable lorsqu’il n’est pas avec ses amis. Ar so bann frer li pa koze, mai li mor pu so bann kamarad», explique-t-il.

Aux dires de Memode, Fadeel se trouvait à la maison le soir du hold-up. Il serait sorti à la suite d’un appel téléphonique : «Je lui avais ordonné de ne pas sortir, car il était déjà en liberté provisoire. Une fois de plus, il ne m’a pas écouté. J’ai su qu’il avait commis quelque chose de mal lorsque le frère d’un de ses complices est venu le voir à la maison pour parler du hold-up».

Fadeel et ses acolytes ont participé à une reconstitution des faits hier après-midi, à Rose-Hill et à St-Aubin. Le souhait de Memode : que Fadeel tire des leçons de cette nouvelle arrestation et qu’il se range enfin.

L’amateurisme du gang a conduit à son arrestation

Ils auraient tout planifié, sauf un plan d’évasion en cas d’arrestation. Les cinq complices de Fadeel ont été appréhendés grâce à la prompte intervention de la police. Il était 21h45 lorsqu’une patrouille de l’Emergency Response Service a été sollicitée par un appel de détresse de Ashfaaq Mokaddum, 29 ans, manager chez Dream Price. Ce dernier explique aux policiers qu’il est en possession d’une valise contenant Rs 1,2 million et qu’il roulait en direction de Nouvelle-France lorsqu’une voiture lui a barré la route.

En voyant six hommes encagoulés et armés sortir du véhicule, il a roulé dans leur direction, blessant, au passage, l’un deux, soit Adam Augustin. Mandés sur place, des éléments du poste de police de Rivière-des-Anguilles et ceux de la Criminal Investigation Division ont procédé à l’arrestation des cinq complices de Fadeel.

Dans un premier temps, les individus ont tenté de faire croire qu’ils étaient victimes d’un délit de fuite. Or, la police a découvert des cagoules et des armes dans leur véhicule, une Toyota.

Dénoncé par ses complices

Lors de son interrogatoire, hier matin, Fadeel n’a pas eu d’autre choix que de passer aux aveux. Nawshil Beeharry, Nadeem Bhoyjoo, Olivier Aza, Kalil Hoosany et Adam Augustin ont affirmé, dans leurs dépositions respectives, que c’est lui qui avait planifié le hold-up dans les moindres détails, avec l’aide d’un autre complice dont ils ignorent toutefois l’identité. Celui-ci est recherché par la police. Il aurait agi comme informateur interne chez Dream Price.

Autre fait qui ne joue pas en faveur de Fadeel : Ashfak Mukadam, l’a vu en compagnie des autres braqueurs dans le véhicule conduit par Nawshil Beeharry. Le véhicule en question, une Toyota Vitz, avait été loué pour l’occasion à un policier habitant Surinam. La voiture ainsi que celle appartenant à la compagnie Dream Price ont été saisies par la police de Rivière-des-Anguilles dans le but de recueillir des indices.

Le directeur général des supermarchés Dream Price

«C’est la troisième fois qu’on nous braque»

Il est visiblement sous le choc. Murjoodeen Fauzee, que nous avons rencontré hier au Head Office des supermarchés Dream Price, à Nouvelle-France, a toujours du mal à croire que l’entreprise familiale – gérée par ses quatre frères et lui – a une nouvelle fois été en proie à un braquage le jeudi 28 février.

Il revient sur ce jour fatidique : «Ashfak Mukadam, le manager qui s’est fait attaquer la semaine dernière, avait quitté Chemin-Grenier pour se rendre au siège social. Une fois à Souillac, il avait remarqué qu’une voiture le suivait. A hauteur du pont de Rivière-des-Anguilles, la voiture en question l’a doublée, avant de lui barrer la route. Six personnes en sont sorties, armées de bars de fer et de gourdins notamment.»

Si l’on en croit les propos de Murjoodeen Fauzee, son employé, armé de courage, aurait saisi son téléphone portable pour solliciter de l’aide, avant de s’enfuir dans les bois avec la recette du jour, soit une somme de Rs 1,2 million. «Il m’a appelé pour me donner l’alerte d’un hold-up. Je suis arrivé sur place dix à quinze minutes plus tard. Les bandits, eux, l’ont suivi. En même temps, un véhicule de l’Emergency Rescue Service passait par-là. Les occupants sont allés secourir Ashfak Mukadam. Un des six braqueurs avait réussi à prendre la fuite. Les cinq autres, eux, avaient alors expliqué aux policiers qu’ils couraient après le manager parce que ce dernier aurait soi-disant pris la fuite après avoir heurté leur voiture», avance Murjoodeen Fauzee.

Il soupçonne, par ailleurs, un employé des supermarchés Dream Price d’avoir fourni des renseignements aux voleurs. «La police envisage cette piste. Je remercie Dieu, car mon employé s’en est sorti seulement avec une petite blessure à la tête. Heureusement que cela n’a pas été plus grave. Ce n’est pas la première fois qu’on est victime de ce genre d’attaque. En 2007, mon frère avait été victime d’un hold-up. Il devait déposer la recette du jour de la branche située à Forest-Side, soit un montant de Rs 800 000. Une bande de voyous l’avait attaqué avec des sabres. Il s’en est sorti avec plusieurs points de suture à la tête et avait été hospitalisé pendant plusieurs jours. Huit mois de cela, nous avons une fois de plus été victimes d’un hold-up. Et ça continue. Mais on ne se laissera pas faire», assure Murjoodeen Fauzee.

Car les supermarchés Dream Price, c’est avant tout une affaire de famille : «On se serre les coudes. On ne se laissera pas intimider. C’est en 2000 que nous avons lancé notre premier supermarché à Forest-Side. Puis, notre business a porté ses fruits. Aujourd’hui, on compte quatorze succursales à travers l’île.» Les malheurs ne s’arrêtent pas pour autant. «Un salesman m’a escroqué au moins Rs 1 million. Il a imité ma signature et celles des managers de plusieurs branches pour encaisser des factures fictives. J’ai porté plainte. Le suspect a été arrêté hier», laisse entendre Murjoodeen Fauzee.

Mais, dit-il, il n’est pas près de jeter l’éponge et continuera à mener à bien ses supermarchés Dream Price.

Textes : Jean-Marie Gangaram et Laura Samoisy

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