Michael Sik Yuen et Xavier-Luc Duval ont «dissipé les malentendus». Robert Desvaux sera nommé au sein d’une autre instance.
Plus de blues ! Après une semaine sous haute tension, Xavier-Luc Duval et Michael Sik Yuen semblent avoir enterré la hache de guerre. Mais les choses risquent de ne pas être aussi simples que ça.
Séquence conflit interne. Et un final «tout va bien dans le meilleur des mondes». Tous les ingrédients étaient réunis, cette semaine, pour pimenter le feuilleton politique : rumeurs de trahison, insubordination, ego blessé, guéguerre au sommet et appui venu d’en haut. Cette semaine, la scène politique avait le blues ! La couleur tendance du moment – le bleu roi, bien sûr – a déferlé partout. Dans les journaux, sur les radios, les réseaux sociaux, dans les conversations…On n’avait jamais autant parlé de l’allié de longue date du Labour Party. Et pour cause ! Entre le ministre du Tourisme, Michael Sik Yuen, et son leader, Xavier-Luc Duval, rien n’allait plus (voir hors-texte). Des commentaires par-ci, des réactions par-là…La marmite bleue était en ébullition.
Et le ministre des Finances a pris une semaine pour digérer ce qu’il qualifiait d’insubordination de la part de son ministre qui a renvoyé Robert Desvaux de la présidence de la Mauritius Tourism Promotion Authority et qui a refusé, surtout, de le réintégrer comme il le réclamait. Quelques jours pour accepter de rentrer dans les rangs et de passer l’éponge. Un petit rabibochage express qui s’est fait via communiqués par les deux protagonistes de la saga bleue après une réunion avec d’autres membres du bureau politique, ce vendredi 22 février.
Le premier à dégainer son calumet, pardon, communiqué de la paix, était Michael Sik Yuen, assurant que ses agissements n’avaient pas pour but «de mettre en doute l’autorité et le leadership» de Xavier-Luc Duval. Ce dernier n’a pas tardé à lancer son message d’apaisement : «L’hon. Michael Sik Yuen affirme qu’il n’a pas eu l’intention de mettre en doute mon autorité et mon leadership. C’est bien. Il regrette les malentendus qui ont pu surgir. J’ai proposé à M. Robert Desvaux la présidence d’une autre institution importante puisqu’il a émis le souhait de ne pas retourner à la MTPA.»
L’affaire est donc close ! Le calme est revenu : «Tous les malentendus ont été dissipés. Et, plus important, l’unité du parti a été renforcée (…). Nous devons désormais penser à l’avenir», a confié, en fin de semaine, l’ancien lord-maire et secrétaire général du PMSD, Mamade Kodabaccus. Lors d’un point de presse, le samedi 23 février, c’est un Patrick Assirvaden souriant et rassurant qui a commenté l’affaire : «L’alliance est solide. Tout est bien qui finit bien.» Ceux qui douteraient de la bonne entente entre Navin Ramgoolam (qui a affiché, ouvertement son soutien à Michael Sik Yuen) et Xavier-Luc Duval n’ont donc, qu’à bien se tenir.
«La stratégie de Ramgoolam»
D’ailleurs, lors des célébrations du 77e anniversaire du PTr, aujourd’hui, dimanche 24 février, au centre Swami Vivekananda à Pailles, c’est le leader du PMSD qui est l’invité spécial de celui du Labour Party. Un moyen de se faire racheter une hypothétique trahison ? Peut-être. Mais ce n’est pas si sûr. Car des sources rouges affirment que le soutien de Navin Ramgoolam au ministre du Tourisme est le fruit «d’un concours de circonstances» et que «jamais» le chef du gouvernement n’a souhaité le départ de son ministre des Finances. Néanmoins, comme souvent en politique, de nombreuses questions restent en suspens, derrière la façade.
D’ailleurs, du côté de l’opposition on ne s’est pas fait prier, lors de la conférence de presse hebdomadaire, pour le rappeler : «Je pense que c’est la main du Premier ministre qui est derrière tout ça, de façon à affaiblir le PMSD», a déclaré le leader du Remake 2000. Sir Anerood Jugnauth décrypte le modus operandi du chef du gouvernement : «C’est la stratégie de Ramgoolam. Il se sert de ses partenaires pour gagner, et après il fait tout pour les détruire et les faire partir. La vérité restera que le gouvernement est davantage fragilisé. La situation va empirer, avec le manque de confiance et le conflit qui va continuer. Je ne serais pas surpris si quelque chose que nous n’avons pas prévu arrivait.» Il imagine même une implosion au sein du gouvernement : «Nous irons vers des élections anticipées.»
L’ancien président de la République a également estimé qu’Éric Guimbeau est «du côté» de Navin Ramgoolam. Il n’est pas difficile de se perdre dans cet imbroglio de suppositions. Comme lui, certains observateurs pensent que le «froid» entre Navin Ramgoolam et Xavier-Luc Duval, suite à la faible contribution du PMSD aux élections villageoises et municipales, serait devenu glacial après un rapprochement éclair entre le chef du gouvernement et le leader du MMSD, le très bleu Éric Guimbeau. Rapprochement survenu dans le cadre des arrangements qui ont débouché sur l’installation de Mario Bienvenu au fauteuil de maire de Curepipe.
Loin d’éclaircir la situation, Éric Guimbeau a, lors d’un point de presse, tenu vendredi, contribué à rendre les choses encore plus compliquées. Tout en affirmant que le dernier mot en ce qui concerne son alignement au niveau de l’Assemblée nationale reviendrait à son électorat, le député de Curepipe-Midlands laisse toutefois entendre qu’il ne serait pas insensible à l’offre d’un marocain ministériel. «C’est l’électorat du MMMSD qui décidera de ma position si des propositions sont faites. Un marocain ministériel pourrait être considéré», a-t-il déclaré. Le leader du MMSD amorce cependant une bien belle pirouette en ajoutant qu’il n’y a aucun rapprochement «ni avec le PTr, ni avec Michael Sik-Yuen» et aucun «contact entre les membres du gouvernement et le MMSD», dans une tentative de faire taire les rumeurs selon lesquelles il pourrait être appelé à remplacer Xavier-Luc Duval au Conseil des ministres. De quoi donner le tournis !
Mais comme dirait l’autre, en politique tout est possible. D’autant que Ramgoolam a annoncé un «tsunmi politique» après les célébrations d’aujourd’hui. Après avoir fait face à un conflit interne et joué la carte de l’apaisement que nous réserve le show des Bleus ?
Une semaine de blues
Vendredi 22 février
● Tout rentre dans l’ordre ! Après la réunion du Conseil des ministres et une rencontre entre le ministre des Finances, le ministre du Tourisme et d’autres membres du bureau politique du PMSD, Xavier-Luc Duval et Michael Sik Yuen jouent la carte de l’apaisement par le biais
de communiqués.
● Le ministre des Finances annonce que Robert Desvaux obtiendra une nouvelle affectation. Les langues se délient concernant l’ancien président du conseil d’administration de la MTPA. Il est question d’abus et de mauvaise gestion. L’incriminé qualifie les accusations proférées à son égard de «grotesques et burlesques».
● Lors d’un point de presse, Éric Guimbeau nie tout rapprochement avec Michael Sik Yuen ou le gouvernement.
Jeudi 21 février
● Xavier Luc Duval ne décolère pas. Il parle d’insubordination de la part de Michael Sik Yuen et exige sa démission comme ministre du Tourisme.
● Point de presse express où Michael Sik Yuen affirme : «Je reste ministre du Tourisme et membre du PMSD».
● Le leader par intérim du MMM, Alan Ganoo commente l’affaire et réclame des élections anticipées. Selon lui, il «est intéressant de noter que le Premier ministre fait des déclarations humiliantes et blessantes envers le PMSD et son leader.»
● Les tentatives des Bleus pour recoller les morceaux entre les deux ministres se multiplient.
Mercredi 20 février
● Navin Ramgoolam apporte son soutien à son ministre du Tourisme : «Michael Sik Yuen est un ministre et il doit pouvoir faire fonctionner son ministère. »
● Xavier-Luc Duval laisse entendre que Michael Sik Yuen lui aurait confié son intention de démissionner. Le bureau politique avalise cette «décision»… mais le ministre du Tourisme tient un tout autre langage et reste en poste
● Sommé par Xavier-Luc Duival de préciser s’il conserve son siège au conseil d’administration d’Airports of Mauritius Ltd, malgré son congé politique, Lindsay Morvan soumet illico sa démission et du PMSD et d’AML. Dans une déclaration à la presse, l’ancien responsable de communication des bleus avait pris fait et cause pour Michael Sik Yuen. Il pense que cette demande de précision du leader du PMSD a un lien avec sa prise de position dans le conflit Sik Yuen-Robert Desvaux.
Mardi 19 février
Tête-à-tête Navin Ramgoolam-Xavier Luc Duval sur la situation à la MTPA et les dissensions dans le camp des Bleus.
Des membres du bureau politique des Bleus rencontrent Robert Desvaux qui déclare haut et fort qu’une réintégration à la MTPA ne l’intéresse pas.
Lundi 18 février
● L’affaire Robert Desvaux prend de l’ampleur. Pour faire taire les rumeurs de dissension au sein de la majorité gouvernementale, Xavier-Luc Duval s’adresse à la presse : «L’entente entre le PTr et le PMSD est excellente», tout en ajoutant que «Michael est un très bon ministre.»
Samedi 16 février
La révocation de Robert Desvaux ne fait pas que des heureux. La décision du ministre du Tourisme a choqué et mis en colère le leader du PMSD. Ce dernier demande que le président de la MTPA soit réintégré.
Vendredi 15 février
● Chamboulement au sein des corps parapublics tombant sous le ministère du Tourisme. Robert Desvaux, chairman de la MTPA, est limogé. Alain Wong Yen Cheong, qui présidait la Tourism Authority avait connu le même sort quelques jours plus tôt.