Dix-sept jours après que son époux
eut été poignardé lors d’un match
de foot, Jannick Legallant a donné
naissance à leur premier enfant, Océane
«La venue au monde de notre fille est le plus beau cadeau que je lui aurais fait à Noël », dit Jannick en jetant un regard attendrissant sur sa fille nouveau-née. Enceinte de huit mois et demi au moment où son époux Jerry, 26 ans, un receveur d’autobus, a été poignardé lors d’un match de foot, Jannick a accouché, mercredi dernier - dix-sept jours après le meurtre - de leur premier enfant Océane. Un Noël triste pour la jeune mère et son bébé.
Avant ce coup de poignard fatal au cœur de Jerry, le couple ne cessait d’évoquer la naissance prochaine de leur bébé. Ensemble, Jerry et Jannick avaient décidé de la nommer Océane : « Ce prénom évoquait pour Jerry la mer et le poisson, son signe astrologique »
Les futurs parents avaient même choisi le cadeau du bébé : «Comme le médecin m’avait dit que j’accoucherais entre le 15 et le 20 décembre, nous avions prévu de fêter Noël ensemble tous les trois. Nous avions prévu de lui offrir une poupée ».
Le dimanche 28 novembre dernier, alors que Jerry assistait à un match amical de foot à Pamplemousses, un coup de poignard qu’il a reçu en plein cœur est venu mettre fin à toute cette joie. Au cours de ce match de foot qui se jouait à quelques mètres de la maison de ses parents, une bagarre éclata entre Jerry et un supporteur de l’équipe adversaire, Sooresh Padaruth, 56 ans. Jerry est tué.
Le présumé meurtrier évoque la légitime défense. Il nie avoir été en possession de l’arme du crime et avance que ce serait Jerry qui l’avait sur lui. Jannick dément cette information : « Mon mari et moi, nous sommes sortis de chez nous sans arme. Jerry désirait simplement soutenir son frère Jorgen qui jouait ce jour-là ».
Accouchement difficile
Le souvenir de Jerry occupe les pensées de Jannick. « Mais de temps en temps, ma fille me ramène à la dure réalité. À chaque fois, je pense à mon mari, je l’imagine heureux de tenir Océane, le fruit de notre amour, dans ses bras. Il voulait tellement la voir. Maintenant ma fille grandira sans son père », confie Jannick la voix nouée par l’émotion et les yeux emplis de larmes.
Comme pour lui rappeler que son époux est toujours à ses côtés, Jannick a placé deux photos de Jerry sur le lit où elle dort avec son enfant : « J’aime bien le voir à côté de moi. De temps en temps, je le regarde pour ensuite regarder notre fille ».
De l’amour qu’elle porte à son époux, Jannick a puisé la force pour surmonter les douleurs lors de l’accouchement depuis son admission à l’hôpital à 21h50 la veille : « Je n’arrêtais pas de penser à lui dans la salle de travail ». Le courage de jannick lui a valu de mettre au monde une belle petite fille à 03h50 mercredi dernier : « Aussitôt l’accouchement terminé, un sentiment de joie et de délivrance m’a envahie. Je me suis dit : « Jerry, mone réussi fer twa vine papa mem to dan le ciel actuellement ».
Une profonde tristesse s’empare d’elle à l’heure des visites : « Quand j’ai vu les pères tenir leurs bébés dans leur bras, j’ai ressenti un gros chagrin au cœur. Jerry aurait dû être à mes côtés pour partager ce bonheur mais son présumé agresseur l’a privé de la joie d’être père».
Comme le désirait Jannick, elle a reçu un bouquet de fleurs et une peluche après son accouchement : « Ma maman m’a offert le bouquet et ma sœur Corinne m’a donné la peluche mais ce n’est pas comme si c’était mon mari qui me les avait offerts».
Trois jours après la naissance d’Océane qui pèse 2,8 kilos, la mère a eu l’autorisation de sortir de l’hôpital avec son bébé.
Les mauvaises nouvelles s’ensuivent
«Les médecins l’avaient gardée en observation car elle n’allait pas à la selle mais heureusement qu’après un jour, ma petite fille était en meilleure forme », dit Jannick avec un sourire. Danièle Legallant, la mère de Jerry, trouve « que le bébé ressemble beaucoup à Jerry, son petit nez, particulièrement, est semblable à celui de son père ».
Le sort semble s’acharner sur la jeune Jannick, vendeuse dans un magasin à Riche-Terre. En novembre 2003, elle fait une fausse couche. «Je me suis mariée avec Jerry en juillet et je suis tombée enceinte quelques mois plus tard. Alors que j’étais au deuxième mois de ma grossesse, j’ai fait une fausse couche», confie-t-elle. Sans le soutien de son époux, avoue-t-elle, elle n’aurait jamais pu surmonter cette épreuve : «Il m’avait dit que ce n’était pas grave car nous avions tout notre temps pour devenir parents».
Il y a trois ans, le 11 août 2001, elle perd son père âgé de 63 ans, celui-ci est mort d’un cancer. Alors qu’elle tente de surmonter cette difficile épreuve, un autre malheur vient frapper à sa porte. Le 28 décembre de la même année son beau-frère John ( le mari d’une de ses six sœurs) est victime d’un accident fatal. Alors qu’il est à motocyclette, il est percuté de plein fouet par un camion.
Une mauvaise nouvelle vient encore une fois accabler Jannick l’année dernière. Elle apprend que sa sœur aînée, Cathleen, est atteinte d’une maladie grave et incurable : le Lupus. «Heureusement que ma maman est dotée d’un courage exemplaire pour nous soutenir», dit-elle.
Aujourd’hui, devenue veuve très jeune, Jannick dit qu’elle s’est résignée à élever seule sa fille. Maintenant qu’Océane est née, la jeune mère dit qu’elle peut «désormais ressentir de la haine pour le suspect dans le meurtre de Jerry. Quand j’étais enceinte, je ne voulais pas le faire à cause de ma fille». D’un air déterminé, elle avoue : «À chacune de ses comparutions, j’irai en Cour. Je veux qu’il (Sooresh Padaruth, le suspect dans la mort de Jerry) me voie avec ma fille».
Océane est désormais la lumière dans l’océan sombre de Jannick; cette jeune maman jure de consacrer tout son amour à son bébé «car je dois assumer à la fois les rôles de père et de mère».
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Sooresh Padaruth sur le lieu du meurtre
Le mercredi 15 décembre 2004 a été un jour éprouvant pour les Legallant, les proches de Jerry. Il y a eu, en premier lieu, l’angoisse en attendant l’accouchement de Jannick. Quelques heures après la naissance d’Océane, c’était la reconstitution du meurtre. Les policiers chargés de cette affaire ont emmené le suspect Sooresh Padaruth, un ‘Habitual Criminal’, sur le lieu du crime, à quelques mètres du terrain de football. Sous forte escorte, Sooresh Padaruth a expliqué comment la bagarre s’était déclenchée et comment Jerry « s’est empalé sur le couteau ».