Gérard Garrioch et Reaz Chuttoo
Les chômeurs devraient se réjouir. Selon une annonce faite par le ministre du Travail et de l’Emploi, Showkutally Soodhun, 5000 emplois seront disponibles à partir de janvier prochain, notamment dans le secteur du textile. Voilà une perspective qui diminuera le nombre de sans-emploi à Maurice si cette promesse du ministre se concrétise. Hélas, tous n’y croient pas. Gérard Garrioch, président de la ‘Mauritius Employers Federation’ (MEF), et Reaz Chuttoo, syndicaliste, nous disent ce qu’ils en pensent.
Q : Le ministre du Travail et de l’Emploi a annoncé que 5000 emplois seront disponibles à partir de janvier, notamment dans le textile. Qu’en pensez-vous?
Gérard Garrioch : Je ne suis pas en présence des statistiques que détient le ministre, mais je serai le premier ravi que 5000 emplois soient disponibles en janvier, dans le textile notamment. C’est vrai qu’il y a des emplois disponibles dans le secteur du textile et qu’il y a des investissements qui sont en train d’être faits dans d’autres secteurs comme, par exemple, celui de la pêche; les résultats vont certainement commencer à tomber à partir de l’année prochaine.
Reaz Chuttoo : Personnellement, je pense qu’en disant qu’il y aura 5000 emplois disponibles à partir de janvier, le ministre fait une spéculation par rapport à certaines prévisions comme, par exemple, le ‘Third Country Fabrics’(TCF). Toutefois, le TCF n’a été étendu que pour une année et l’accord multi-fibre arrive bientôt à échéance. Le textile n’a pas fini de surmonter des épreuves. Donc, c’est une annonce hypothétique que, selon moi, le ministre se sent obligé de faire car les élections approchent.
Q : Le ministre a également déclaré que le nombre d’offres d’emploi augmente sans qu’il y ait une baisse automatique du nombre de chercheurs d’emplois. Pourquoi, selon vous?
Gérard Garrioch : C’est un fait que certaines entreprises cherchent des employés et n’en trouvent pas, ou alors pas suffisamment. Ce phénomène se remarque surtout dans le textile et il devient alors évident que les Mauriciens, chômeurs ou pas, boudent ce secteur. Les raisons sont connues : le textile a une mauvaise image à cause des licenciements récents qui ont eu lieu, le travail est réputé difficile avec des heures supplémentaires, puis le secteur est en pleine restructuration. Tout ça fait un peu peur, mais il y a un travail formidable qui est fait au niveau de la MEPZA pour refaire l’image de la zone franche et je suis sûr que les résultats vont suivre.
Reaz Chuttoo : Ce n’est pas vrai. Il y a peut-être des personnes qui ont trouvé du travail mais qui n’en ont pas avisé le bureau du travail parce qu’elles espèrent trouver quelque chose de mieux. Le nombre d’offres d’emploi peut augmenter, mais de quel genre d’offre d’emploi s’agit-il ? En tant que syndicaliste, je dis qu’il faut faire attention quand on parle d’emploi. Les demandeurs d’emploi cherchent une occupation qui leur permet de vivre dignement et de recevoir un salaire qui leur permet de s’épanouir dans la société. Ils ne veulent pas d’un emploi pour lequel ils sont transformés en machine à produire gérée par la loi de l’offre et de la demande. Malheureusement, c’est dans la plupart de ces cas que ce genre d’emploi est disponible. Dans le textile, par exemple, personne ne veut plus travailler à cause des licenciements en série, des conditions de travail révoltantes. Ce n’est pas prêt de changer.
Q : Nous dirigeons-nous vers le bout du tunnel en ce qui concerne le problème du chômage à Maurice ou avons-nous encore beaucoup de chemin à parcourir ?
Gérard Garrioch : Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir et la route est difficile devant nous. N’oubliez pas que le textile est entré en crise à cause de la fin de l’accord multi-fibre en janvier 2005; il y a 2006-2007 où le prix du sucre est menacé et 2008 où les droits de douane vont baisser sur les produits importés, ce qui mettra en péril l’industrie locale. Donc, beaucoup de défis à relever et les lois régissant nos relations industrielles datent de 30 ans et plus! C’est pourquoi je vous dis qu’il reste beaucoup à faire et que le temps presse.
Reaz Chuttoo : Le chemin à parcourir est encore très très long avant qu’on ne voie la lumière au bout du tunnel. Malgré le fait qu’on a changé la méthode pour calculer le taux de chômage, celui-ci demeure alarmant. Les licenciements se poursuivent dans divers secteurs. Les gens peinent à trouver un travail décent. Les autorités devraient réfléchir sérieusement à la meilleure façon de diminuer le taux de chômage à Maurice.