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La libération de Kusruthsingh révolte les Buckhory

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Pravind Buckhory (en médaillon) - qui a eu le visage lacéré à cause
de son amour pour sa petite amie, devenue, depuis, son épouse -
est «choqué» qu’Anand Kusruthsingh, présumé commanditaire de l’agression, ait été relâché sous caution. Ses proches et lui envisagent des actions de protestation. Satiadan, le père de la victime, assis là où son fils a été agressé en 1997

Les Buckhory déterrent la hache de guerre. Ils ont soif de justice et réclament que le coupable paye pour le mal qu’un des leurs a subi le 7 octobre 1997. La libération sous caution, mercredi dernier, d’Anand Kusruthsingh, le présumé commanditaire de l’agression sur Pravind Buchkory - celui-ci a eu le visage lacéré - provoque leur révolte. Ils envisagent des actions de protestation, dont l’envoi, par l’entremise de leur avocat, d’une lettre au Premier ministre et au Commissaire de Police.

Mardi dernier, Sathiadan Buckhory, le père de Pravind, s’endort l’esprit tranquille. Cela fait sept ans qu’il n’avait pas connu cette sérénité qu’il avait perdue depuis l’agression de son fils. Ce dernier a payé cher d’être tombé amoureux de Meenakshee, la nièce d’Anand Kusruthsingh, l’ex-conseiller de la ‘Policy Unit’ de l’ancien gouvernement. Anand Kusruthsingh aurait été contre cette liaison. Ce serait le mobile de l’agression. Les deux jeunes gens se sont mariés depuis.

L’arrestation d’Anand Kusruthsingh, en ce mardi, avait fait naître en Sathiadan une lueur d’espoir. Une accusation provisoire de ‘giving instructions to commit a crime, to wit serious assault’ pèse sur l’ancien conseiller. Ce dernier nie toutefois toutes les accusations. La police objecte alors à la remise en liberté sous caution de l’accusé, arguant que l’enquête n’est pas bouclée. On lui sert aussi une ‘objection to departure’. 

«Je me suis dit : peut-être enfin un dénouement dans cette affaire qui nous hante depuis voilà sept années. Depuis le début, on considérait Anand Kusruthsingh comme le commanditaire de l’agression de mon fils. Il y a trois semaines, Antoine Chetty est venu confirmer nos doutes. Cette affaire traîne depuis trop longtemps et je ne veux pas que l’agression de mon fils demeure impunie. Aujourd’hui, il porte une marque à vie sur son visage et, à cause de cela, il en a vu de toutes les couleurs», dit le père de Pravind.

Scandalisé

L’espoir de Sathiadan et de sa famille laisse, toutefois, très vite place à un autre sentiment : la révolte. Le lendemain, soit mercredi dernier, revirement de situation. La nouvelle de la libération de l’ex-conseiller a l’effet d’une bombe sur Sathiadan.

Le père de Pravind est scandalisé : «Je n’ai rien compris. On revient à nouveau à la case départ. À son arrestation, on disait qu’il ne pouvait pas bénéficier d’une libération sous caution. Pourtant, 24 heures après, le voilà libre à nouveau. Je ne comprends pas comment fonctionne la justice à Maurice. Pourtant, Pravind, lui, avait été incarcéré durant trois jours à l’époque car Anand Kusruthsingh avait porté une fausse accusation d’agression contre lui et nous avions dû trouver Rs 15 000 pour le libérer».

Cette libération laisse la famille «songeuse et sceptique ». Les Buckhory envisagent, par conséquent, des actions pour montrer leur mécontentement par rapport à cette libération et se tournent alors vers leur homme de loi, Me Coomara Pyaneandee. «Anand Kusruthsingh a été libéré avant même que la déposition de Pravind sur cette affaire n’ait été enregistrée par la police. La famille veut dénoncer et protester contre une justice à deux vitesses. Et quand je parle de justice, je fais référence à la police. ‘Bail for the rich, jail for the poor’. Dans ce sens, je vais adresser une lettre au Commissaire de Police et au Premier ministre; dans cette lettre, Pravind demande qu’une enquête équitable soit faite pour tous. Si la lettre n’est pas tenue en compte nous prévoyons d’autres actions», nous déclare Me Pyaneandee.

Interrogé sur ces actions, l’avocat nous a répondu qu’il n’a pas envie de brûler ses cartouches en les dévoilant.

Ce dernier pense aussi qu’il n’est pas juste qu’il y ait une seule charge provisoire contre l’ex-conseiller de la ‘Policy Unit’ de Navin Ramgoolam : «Chetty a parlé d’autres délits qu’Anand Kusruthsingh aurait commandités pour nuire à Pravind. Comment se fait-il que seulement l’accusation provisoire de ‘‘giving instructions to commit a crime, to wit serious assault’ pèse sur lui?».

Selon l’homme de loi, la famille Buckhory envisage même de se tourner vers l’ICAC pour lui demander d’enquêter pour voir s’il y a un quelconque trafic d’influence dans cette affaire.

Un «réseau de soutien» composé des proches de Pravind a été mis sur pied, toujours selon Me Pyaneandee, pour aider le jeune homme à obtenir justice : «Ce réseau devient de plus en plus grand. L’opinion publique est avec nous et nous allons tout faire pour que les injustices soient corrigées».

«Je suis toujours avec la femme que j’aime»

Ces trois dernières semaines ont été particulièrement pénibles pour Pravind : «Cette affaire est revenue dans l’actualité et je me suis retrouvé à vivre à nouveau les cauchemars qui ont suivi mon agression.  Je veux oublier et, en même temps, je veux que justice soit rendue. Cette affaire nous fatigue ma femme et moi. Ma femme est enceinte de trois mois et demi. On veut rester en paix».

Regardant une photo de lui à l’époque où sa blessure était encore vive, Pravind raconte le calvaire qu’il a vécu : «Évidemment que j’ai souffert. Tout s’est joué très vite et cette photo me rappelle ce triste et pénible jour. On voulait me séparer de la femme que j’aime. Ma consolation aujourd’hui, c’est que je suis toujours avec elle. On va fonder une famille».(Voir hors-texte sur l’agression plus loin).  

La mère de Pravind, Devika, avare de déclaration, laisse toutefois échapper : «Cette histoire ne fait pas souffrir uniquement Pravind, mais aussi sa femme et toute la famille. Je me rappelle l’agression et les moments pénibles qui ont suivi. Y aura-t-il quelqu’un qui va payer pour l’agression de mon fils ?»

Sathiadan acquiesce : «On a bien souffert de cette histoire et on souffre encore. Cette personne avait mis en place beaucoup de manigances pour piéger mon fils. On l’avait accusé d’avoir commis une agression. Maintenant, grâce à Chetty, on sait comment il s’était fait piéger. Mon fils a fait de la prison pour quelque chose qu’il n’avait pas fait».

La mère de Pravind «remercie» aussi Antoine Chetty d’avoir parlé : «Antoine Chetty et son complice ont formellement identifié la personne qui aurait commandité l’agression».    

C’est Antoine Chetty, récemment condamné à douze ans de prison pour possession d’héroïne, qui a balancé Anand Kusruthsingh comme étant le commanditaire de l’agression sur la personne de Pravind Buckhory demeurée pendant longtemps irrésolue. Antoine Chetty, dit-on, connaît bien le milieu mafieux. Ses dires concernant l’agression ont été confirmés par Yen Mario Vythilingum, considéré comme le présumé complice de l’ex-bras droit du notaire Deelchand dans cette affaire d’agression.

Ils ont tous les deux, dans leur déposition, formellement incriminé Anand Kusruthsingh comme étant le commanditaire de l’agression contre Pravind Buckhory en 1997. Ils l’ont identifié mercredi dernier à la prison centrale de Beau-Bassin.

Dans sa déposition, Chetty fait aussi état de trois autres allégations à l’encontre d’Anand Kusruthsingh. Selon lui, l’ancien conseiller, qui s’acharnait à séparer Pravind Buckhory de sa nièce, lui aurait aussi demandé de dissimuler du gandia dans la voiture du jeune homme pour qu’il soit par la suite appréhendé par la police. Ce plan devait toutefois tomber à l’eau, selon le suspect repenti. Selon Chetty, l’ancien conseiller estimait que Pravind Buckhory n’était pas du même caste que sa nièce.

Chetty raconte aussi, dans sa déposition, que l’ex-conseiller lui aurait aussi demandé de se rendre à la boutique de Pravind Bukchory, d’utiliser le téléphone public qui s’y trouve et de lui proférer des menaces (à Kusruthsingh). Antoine Chetty déclare aussi que l’ancien conseiller se serait fait volontairement agresser à l’arme blanche par Yen Mario Vythillingum. Il aurait par la suite fait porter le chapeau à Pravind Buckory et aurait dit aux enquêteurs avoir reçu des menaces de celui-ci par téléphone.

Rencontré jeudi dernier à son domicile à Phoenix, Anand Kusruthsingh nous a fait la déclaration suivante : «Je parlerai en temps et lieu. Je laisse la justice faire son travail. Je ne veux pas en dire plus». - Voir réaction d’un de ses hommes de loi plus loin.  

Entre-temps, les Buckhory ne sont pas prêts d’enterrer la hache de guerre.  

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Le 7 octobre 1997, jour noir pour Pravind

Tout s’est joué en quelques secondes. Antoine Chetty a déclaré aux enquêteurs, qu’il avait véhiculé Yen Mario Vithillingum – son présumé complice actuellement en prison pour d’autres délits - à moto pour que ce dernier puisse agresser Pravind Bhuckory à l’arme blanche. Selon l’ancien bras droit du notaire Deelchand, il aurait pris trois semaines pour repérer la victime et connaître ses habitudes.

Il  a soutenu avoir reçu Rs 80 000 de Anand Kusruthsingh, l’oncle de Meenakshee, alors la petite amie de Pravind - maintenant son épouse - pour commettre cette agression. Au dire d’Antoine Chetty, Anand Kusruthsingh a vainement essayé d’empêcher les deux jeunes gens de vivre leur amour. Las de ses échecs, l’oncle serait venu au bureau de Vinay Deelchand et ce dernier lui aurait présenté Antoine Chetty comme son homme de main. Anand Kusruthsingh aurait alors demandé à Chetty de défigurer le jeune homme afin que sa nièce s’en éloigne.

Le jour de l’agression, Pravind attendait des amis près d’un terrain vague non loin de chez lui quand Chetty et son complice l’auraient abordé à moto sous prétexte de lui demander un renseignement. C’est à ce moment que, selon le suspect repenti, le dénommé Vythilligum aurait lacéré le visage de Pravind avec une arme tranchante. Conséquence :  trente points de suture.

Pravind se doute de l’identité de celui qui aurait commandité son agression et balance même son nom aux enquêteurs. Toutefois, ses révélations n’entraînent aucune suite. Toujours selon Chetty, l’oncle, en apprenant que Pravind l’a désigné comme le commanditaire de son agression, aurait contacté Yen Mario Vythilingum pour lui demander de lui lacérer le bras et la poitrine pour faire croire qu’il avait, à son tour, été agressé. Dans sa déposition à la police, il accuse Pravind d’être son agresseur.

Quelque temps plus tard, le jeune homme est arrêté. L’oncle aurait aussi déclaré à la police avoir reçu des appels anonymes provenant de la boutique des Buckhory. Mais Pravind nie les accusations. Malgré ces difficultés, Pravind et Meenakshee se marient en 1998.

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L’ex-conseiller rouge nie

Selon Me Ravin Chetty, l’un des avocats d’Anand Kusruthsingh, ce dernier nie toute implication dans l’agression de Pravind Bhuckory : «Mais il ne nie pas juste pour nier, il vient donner sa version». Me Chetty soutient que son client est venu avec des arguments solides et des documents pour appuyer sa version. «Je ne peux vous en dire plus car sa défense comporte des éléments sensibles. Laissons la police faire son travail», dit l’avocat.

Toujours selon l’avocat, Anand Kusruthsingh sera appelé à donner d’autres éléments d’information à la CID de Quatre-Bornes: «Nous ne savons pas encore quand il sera à nouveau convoqué mais mon client compte collaborer entièrement avec la police comme il l’a fait depuis qu’elle l’a convoqué mardi».

Concernant la remise en liberté sous caution de l’ex-conseiller rouge le lendemain même où celle-ci lui a été refusée, Me Chetty affirme que c’est tout à fait normal : «C’est un délit éminemment ‘bailable’ et nous avons attendu le bon moment pour réitérer la demande de remise en liberté. Mon client a donné deux dépositions et ensuite la police a dit qu’elle n’avait pas d’objection à ce qu’il soit relâché sous caution».

Selon Me Chetty, il n’y a aucun trafic d’influence, ni autre magouille du genre autour de la remise en liberté de son client : «Si c’était le cas, il n’aurait pas été arrêté». Anand Kusruthsingh comparaîtra à nouveau en Cour le 31 mars 2005.

Par ailleurs, l’ex-conseiller a été suspendu de ses fonctions à la ‘Central Water Authority’ (CWA) depuis vendredi dernier :«Anand Kusruthsingh a été effectivement suspendu de ses fonctions de haut cadre», nous a confirmé un responsable de l’institution. Ce responsable nous a fait savoir que c’est une décision qui a été prise à la suite d’une réunion du ‘board’.

Me Ravin Chetty soutient avoir évoqué la possibilité d’une suspension avec son client dès son arrestation : «Maintenant, il faut laisser les choses suivre leur cours».

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Ramgoolam : «Je vais laisser la police faire son enquête»

Interrogé, hier, sur l’arrestation et l’inculpation provisoire d’un de ses ex-conseillers dans cette affaire d’agression au temps où il était Premier ministre, le leader de l’Opposition, Navin Ramgoolam, nous a fait la déclaration suivante : «Je vais laisser la police faire son enquête».

Par Christophe Karghoo

et Michaëlla Coosnapen

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