Sangeet Jooseery, président de la MFPA et Marcel Marie, éducateur à l’Action Familiale
La sexualité chez les jeunes préoccupe. Un séminaire organisé par la ‘Mauritius Family Planning Association’ (MFPA) lundi et mardi dernier s’est penché sur la nécessité d’introduire l’éducation sexuelle comme matière à part entière dans le programme scolaire dès l’école primaire. Pour la MFPA comme pour l’Action Familiale, affiliée au diocèse de Port-Louis, les autorités devraient activer les choses dans ce sens. Mais les deux associations ne partagent pas le même avis sur les méthodes pour éduquer les jeunes à la sexualité. Sangeet Jooseery et Marcel Marie nous en disent plus.
Q : Est-il nécessaire d’introduire l’éducation sexuelle comme matière dans le programme scolaire dès le primaire?
Sangeet Jooseery : Définitivement. Le nombre de grossesses non-désirées parmi les filles de plus en plus jeunes augmente, l’avortement qui est complètement illégal à Maurice se fait ouvertement, les cas d’abus sexuels sont en hausse, il y a des problèmes connectés à la prostitution parmi les jeunes, il y a le Sida. Nous préconisons, donc, une éducation sexuelle bien rodée dès l’école primaire car certains jeunes deviennent actifs sexuellement à 12, 13 ans. Pour que cela soit réellement efficace, il faut que l’éducation sexuelle soit une matière à part entière enseignée par des éducateurs formés dans toutes les écoles primaires, secondaires et même dans les institutions supérieures.
Marcel Marie : Il faut le faire pour toucher le maximum de jeunes. Mais il serait souhaitable que l’éducation à la sexualité soit dispensée par des personnes formées et extérieures à l’école car cela évitera les blocages. Jusqu’à présent, à l’Action familiale, nous éduquons les jeunes à la sexualité à partir du CPE. Malheureusement nous sommes une petite équipe et ne pouvons toucher tout le monde. Si l’éducation à la sexualité est accessible aux jeunes comme matière à part entière dès le primaire cela peut éviter à un plus grand nombre d’entre eux un comportement sexuel irresponsable. En responsabilisant un enfant sur l’importance et les valeurs de l’organe sexuel, on peut espérer qu’il ne va pas s’en servir comme ça, uniquement pour le plaisir de le faire, mais quand le temps sera arrivé.
Q : Quelle est la méthode qui, selon vous, est la mieux appropriée pour éduquer nos jeunes à la sexualité?
Sangeet Jooseery : À la MFPA, nous avons une approche pragmatique, proactive et réaliste. Nous savons qu’il y a des religieux et des théologiens qui ne sont pas d’accord avec nos méthodes mais nous ne pouvons pas attendre leur approbation pour promouvoir la capote. Nous faisons la promotion des valeurs humaines, de la tolérance, du respect de soi et d’autrui mais en même temps nous tenons à ce que les moyens de contraception soient accessibles à tous les jeunes désireux d’avoir des relations sexuelles. Il y a un mythe qui fait croire que si on fait l’éducation sexuelle des jeunes, on les encourage à avoir des relations avec l’autre sexe. C’est faux. Une éducation sexuelle bien préparée va leur éviter des relations irresponsables. Pour nous, l’avortement est également une solution à la grossesse non-désirée.
Marcel Marie : En primaire et en Form I, nous apprenons aux élèves à s’émerveiller devant leurs corps, à apprendre à le connaître et à le respecter. Nous leur apprenons aussi la différence entre leur corps et celui du sexe opposé. À partir de la Form II, on leur apprend également à se respecter, à se faire respecter, à respecter les autres. On leur parle du système de reproduction, des conséquences d’une relation sexuelle prématurée. Notre éducation à la sexualité passe par la responsabilisation, le respect, l’égalité dans la dignité, l’abstinence et la fidélité. Nous ne parlons presque jamais des moyens de contraception sauf en cas d’extrême nécessité car nous préconisons la méthode naturelle. Donc pas de distribution de préservatifs chez nous. Et puis, ne dit-on pas que l’occasion fait le larron. Si on se met à distribuer les moyens de contraception, les jeunes peuvent être encouragés à essayer l’acte sexuel. L’avortement n’en parlons même pas. Nous sommes pour la vie.
Q : Les autorités prennent-elles suffisamment de mesures pour que l’éducation sexuelle touche le plus grand nombre de jeunes dans les écoles?
Sangeet Jooseery : Ce que nous voulons, c’est que le gouvernement agisse vite et prenne des actions concrètes parce que nous sommes dans une situation critique. Jusqu’à présent, nous avons des promesses d’intention de la part du ministère de l’Éducation dans ce sens mais rien n’a été fait.
Marcel Marie : Au niveau de l’Action Familiale, nous pensons qu’il y a une collaboration certaine de la part du ministère de l’Éducation pour que nous puissions enseigner l’éducation sexuelle dans les écoles. Mais nous croyons que le gouvernement devrait faire plus pour que cela touche le plus grand nombre de jeunes. Il faut également qu’il y ait plus d’éducateurs et le ministère devrait activer les choses dans ce sens.