Cette femme de 34 ans, n’a pas perdu le sourire malgré les épreuves: «Je ne vais plus me cacher»
«Vous avez le sida». Et c’est la chute. En une minute sa vie s’est écroulée. Malini, 34 ans, se rappelle cette vérité qui a résonné à ses oreilles il y a deux ans, lorsqu’un médecin lui a annoncé qu’elle était atteinte du sida. Le choc : «Je me suis accrochée à une pensée en me disant: Non, le médecin s’est trompé». Un deuxième réflexe : la honte : «Que vont dire les autres ?. Au plus profond de mon être, il y a eu une rupture».
Et puis vient la rage : «Je me suis tout de suite doutée que c’était mon mari qui m’avait contaminée. Il me trompait souvent ». La révolte : «J’en voulais au monde entier pour ce qui m’arrivait. J’étais humiliée». Le combat d’une femme. Malgré sa maladie, Malini n’en demeure pas moins vive et déterminée. Aujourd’hui, elle fait fi des tabous. Après Nicolas Ritter en 2001, c’est à son tour de rompre le silence et de faire son ‘disclosure’ : révéler sa maladie au grand jour. Elle l’a fait mercredi le 1er décembre dernier à l’occasion de la Journée Internationale de sida : «Je suis sidéenne et je suis encore là. Je suis sidéenne et je veux vivre». Pour elle, avouer sa maladie c’est comme une thérapie: «J’ai décidé de faire face au mal. Je ne vais plus me cacher. Cela m’a quelque peu libérée».
Apprendre qu’elle a le sida est pour Malini une nouvelle
affliction qui s’ajoute à la série d’épreuves à laquelle elle doit faire face. Quelque temps auparavant, souffrant de diabète, elle s’était fait amputer la jambe gauche.
Le sort semble s’acharner contre elle. Pour une raison qu’elle ne veut pas révéler, Malini se retrouve en prison. C’est là-bas que les tests de dépistage sont effectués. Elle apprend la triste vérité et c’est le désespoir qui l’envahit.
Quelque temps après, elle sort de prison. Certaine - et cette certitude la tourmente - que c’est son mari qui « l’a empoisonnée», elle le quitte au bout de quatre ans de mariage - un mariage de convenance :«Je n’ai aujourd’hui plus de ses nouvelles».
«Nous faisons fréquemment des tests de dépistage dans les prisons. C’est moi qui ai annoncé à Malini qu’elle était séropositive», nous dit un médecin engagé dans la lutte contre le sida. «Un sidéen ou une sidéenne, c’est une personne atteinte de la maladie qui est à un stade avancé. La patiente, ou le patient, souffre alors de différents problèmes de santé : diverses formes de pneumonie ou encore de fréquentes fièvres. Dans le cas de Malini, elle est sous traitement et la maladie est sous contrôle», nous explique le médecin.
Pour sa part Malini dit :«On ne peut décrire la souffrance causée par ce mal. On a mal . On se sent dépérir mais j’ai résisté. Je me suis aussi sentie rongée par la honte», explique Malini.
«Tu portes la mort»
Comme l’épée de Damoclès, la mort la guette. Une descente aux enfers : «Au tout début, j’y pensais constamment. Dans ma tête, une voix me hantait: tu portes la mort». La malade se représente alors en esprit les souffrances d’une longue agonie jusqu’au jour de sa mort. Avec les symptômes physiques, les douleurs et les fièvres, elle ressent aussi de l’angoisse, s’apitoie sur son sort et déprime.
Malini se montre maintenant en femme forte. Elle a l’étoffe des êtres courageux et veut vaincre la mort, «du moins la repousser». Elle raconte qu’il lui a fallu beaucoup d’amour, beaucoup de courage pour museler son ego destructeur qui dominait sa vie et qui l’empêchait de parler de sa maladie.
Le désir de se confier est plus fort et l’obsède. Malini décide alors de se tourner vers ses proches. Coup de massue : ses parents n’acceptent pas la nouvelle et la rejettent. Ayant quitté son mari, ses parents ne voulant plus d’elle, Malini se retrouve seule : «Je ne pouvais plus supporter ce poids et rester emmurée à cause de ce secret».
Le réconfort, elle le trouve alors auprès de l’association ‘Prévention Information lutte contre le Sida’ (PILS) qui l’encadre et l’aide à s’accepter :«J’ai trouvé beaucoup de bienveillance et de délicatesse».
Depuis deux ans, armée de courage, elle lutte, se bat pour survivre : «À PILS, j’ai appris un peu plus sur le sida et j’ai appris que même si on ne peut pas me guérir, je peux me faire soigner».
Sa rencontre avec PILS a été pour elle le début d’une réconciliation avec elle-même. Maintenant, Malini revit : «J’ai travaillé sur l’acceptation. Accepter pleinement ma réalité. J’ai appris à exprimer ma colère, ma révolte, ma culpabilité, et, surtout, à parler de mes peurs; j’ai repoussé le mur de la honte et de l’isolement. J’ai commencé à revivre, ou plutôt à décider d’oser vivre».
Heureusement, dit-elle, les choses se sont arrangées avec ses proches : «J’ai maintenant le soutien de mes parents et, surtout, de mon grand-père. Ils m’aident aussi financièrement car je ne peux plus travailler».
Le réconfort, Malini le retrouve aussi dans la prière et dans le chant, sa passion : «Si je tiens le coup, c’est aussi grâce à Dieu». Aujourd’hui, elle vit au rythme de visites à l’hôpital.
Malini veut maintenant aider l’association PILS à conscientiser le public du danger du sida : «Je ne veux pas que d’autres vivent un tel enfer. Je prendrai la parole là on me demandera de le faire. Q’on soit un homme, une femme ou un enfant, on doit résister à ce mal qui fait des ravages». Elle a soif de vivre, Malini , cette femme admirable.
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Le virus en chiffre
Le sida, un mal qui touche de plus en plus les femmes. De 1987 à la fin de septembre 2004, 1032 cas de sida ont été enregistrés. De ce nombre, 115 sont déjà morts.
«Mais on peut s’attendre à ce qu’il y ait une augmentation rapide dans le nombre de cas à Maurice car le sida se propage très vite parmi les toxicomanes. 87% des nouveaux cas sont des toxicomanes», a souligné Ashok Jugnauth, le ministre de la Santé, mercredi dernier à Grand-Baie, à l’occasion de la Journée Internationale du sida.
Selon le ministère de la Santé, parmi les 925 nouveaux cas enregistrés, 695 sont des hommes et 230 sont des femmes. «Les statistiques démontrent qu’à l’avenir le nombre de femmes infectées sera équivalent à celui des hommes», souligne le ministre.
Tous les ans, dans le monde, 5 millions de nouveaux cas de personnes qui ont contracté le virus du sida sont enregistrés. Les Nations Unies estiment que plus de 40 millions de personnes vivent avec ce mal et que 20 millions d’autres sont mortes depuis l’apparition de ce mal il y a vingt ans. Le virus peut se transmettre par voie sexuelle si l’un des deux partenaires est contaminé, par voie intraveineuse si une seringue contaminée est utilisée (tout contact avec du sang contaminé à travers des blessures) ou encore d’une mère infectée à son enfant. Aucun remède n’a été trouvé à ce jour.
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Jahnabi, Daisy, Gcebile et Malini : quatre femmes, un seul combat
Le sida à travers les visages de quatre femmes. Elles sont : Jahnabi Goswami, 28 ans, Daisy David, 38 ans - deux Indiennes - Gcebile Ndlovu , 42 ans, Sud-Africaine, et Malini, 34 ans, Mauricienne.
Elles ont toutes les quatre un point en commun : elles sont victimes du sida et ont toutes été contaminées par leurs époux. Malgré cette fatalité, elles ont décidé de ne pas baisser les bras et combattre leur maladie.
«Cela fait 9 ans que je suis séropositive. Mon mari m’a contaminée et il est mort au bout d’un mois et demi de mariage. J’ai perdu ma petite fille de 2 ans et demi, elle aussi contaminée. Mes beaux-parents m’ont rejetée et malgré cela, je suis encore là. Je vis. Je suis venue à Maurice, sur l’invitation de l’association ‘Prévention Information et Lutte contre le Sida’ (Pils) pour dire aux femmes de se méfier de leurs conjoints et les informer comment se protéger avant toute relation sexuelle. Je suis aussi là pour dire aux personnes infectées, aux hommes comme aux femmes, qu’il ne fait jamais baisser les bras face à la maladie. Il faut lutter», nous déclare Jahnabi Goswami.
Daisy, quant à elle, est séropositive depuis 8 ans. «J’ai été, moi aussi, contaminée par mon mari. Je me suis tout de suite séparée de lui. Il est mort au début de cette année. Mon message aux malades du sida, c’est qu’il faut lutter et ne pas se laisser abattre». Elle vit séparée de sa petite fille pour l’épargner de toute contamination. La petite n’est pas atteinte de cette maladie. La Mauricienne Malini (sidéenne) et la Sud-Africaine Gcebile (séropositive) combattent aussi la maladie et luttent pour survivre.