Nadine Chaton a-t-elle comploté avec son ex-amant, le policier James Mardi, pour nventer une histoire dans laquelle elle a inculpé Marcelin Azie et Jean-Yvon, le beau-père de Nadine Dantier
«J’ai rêvé de cette agression », avoue Nadine Chaton. Sous la pression des enquêteurs, elle a craqué et s’est rétractée; elle n’a jamais été présente sur le terrain en friche à l’avenue Dauphin, Albion, le 25 juin 2003 au moment où Nadine Dantier se faisait violer et assassiner.
« Non, je n’ai pas vu les agresseurs de Nadine dantier, ce n’était qu’un rêve que j’ai pris pour une réalité», lâche-t-elle. Nadine Chaton, 24 ans, ne s’arrête pas là dans sa confession: «C’est le sergent James Mardi, mon ex-amant, qui m’avait demandé d’inventer toute cette histoire et de dénoncer Jean-Yvon ( le beau-père de la victime) et Marcelin Azie (celui-ci avait avoué cet assassinat avant de tout nier) comme étant ceux qui étaient en compagnie d’un troisième homme pour tuer la fille». Le policier, âgé de 33 ans, nie ces accusations.
Un amour cruel. Jeudi 16 septembre dernier à la Cour de Curepipe. Aussitôt que la magistrate annonce qu’une charge provisoire de complot est retenue contre les deux suspects pour faux témoignage dans l’affaire Dantier, Nadine Chaton s’affale sur le banc.
Au bord des larmes, Nadine Chaton lance un regard furtif dans la salle d’audience. Et son regard croisera au passage celui de son ex-amant, le sergent Mardi affecté à l’Anti-Drug Smuggling Unit (ADSU) de Vacoas et également accusé provisoirement de complot, assis dans la salle. Les deux doivent se présenter à nouveau au tribunal le 23 courant.
Pourquoi Nadine Chaton, cette mère de quatre enfants (elle est enceinte de trois mois d’un cinquième) aurait-elle «menti »? Jean-Noël Chaton, le mari de celle-ci, pense que «ma femme a été manipulée par son amant Mardi». À quelle fin ? «Line pensé ki avec sa zistoire ki ma femme ine ale raconte la police la, li kapav gagne ène promotion », suggère Jean-Noël. Il avoue qu’il n’était pas au courant de la liaison extraconjugale de sa femme jusqu’à ce que l’affaire éclate dans la presse après son arrestation.
« Je ne sais pas ce qui s’est passé dans la tête de ma femme pour qu’elle dise une telle chose. Elle ne m’a jamais parlé du fait qu’elle aurait été le témoin oculaire du meurtre de cette jeune fille », précise Jean-Noël.
Belinda et Alain, les parents de Nadine Chaton, avouent tout ignorer de cette histoire : «Zamé li pa fine dir nou narien». Amer, Jean-Noël Chaton grince : «C’est fini de notre relation. Je vais divorcer» À ses yeux, Nadine Chaton est-elle une mythomane ? «Non, c’est la première fois qu’elle dit un aussi gros mensonge» répond-il. Les parents de la jeune femme expliquent : «Adolescente, elle inventait des excuses pour justifier le fait qu’elle n’a pas obéi quand on lui a donné une tâche, mais pas plus».
Au début de cette année, Nadine Chaton s’est réfugiée pendant huit jours dans un centre pour femmes battues. Jean-Noël explique : «Nous avions eu une dispute au sujet d’un film. Elle a pris quelques vêtements et elle est partie mais elle est retournée à la maison huit jours plus tard ». À la question de savoir si Nadine Chaton est une femme battue, il répond:«Non, nous avions des disputes mais sans plus. »
La police croit que Nadine Chaton a participé au complot dont on l’accuse dans « l’espoir de se remettre avec son ex-amant James qui s’est séparé d’elle en septembre 2003. »
Les enquêteurs songent à demander une évaluation psychiatrique de la suspecte : «Nous pensons la faire examiner par un psychiatre dans les semaines à venir.» (La psychiatre Myriam Timol diagnostique les raisons de la fabulation plus loin).
Elle refait le trajet
Comment cette sombre histoire est-elle remontée à la surface ? Tout commence aux Casernes centrales. Un haut gradé affecté à l’ADSU informe les enquêteurs chargés du dossier Dantier qu’un informateur s’est manifesté à ses officiers de Vacoas.
L’informateur n’est autre Nadine Chaton, femme au foyer, une habitante d’Henrietta. Elle est convoquée. «J’ai vu deux des agresseurs de Nadine Dantier, j’étais présente à quelques mètres du lieu du drame ce jour-là », confie-t-elle aux enquêteurs de la MCIT. Ces derniers réalisent qu’elle ne peut plus être considérée comme une informatrice mais comme un témoin « principal ». Dans la foulée, Nadine Chaton balance : « J’ai vu Jean-Yvon Dantier donner un coup de poing au visage de Nadine Dantier. Marcelin Azie et un autre homme étaient présents. Elle lui a dit « mo pu dir » et Jean-Yvon aurait répondu « To pa pu gagne létemp ».
Aux yeux de la police, la version de Nadine Chaton corrobore parfaitement le déroulement de l’assassinat de Nadine Dantier.
L’affaire se corse quand Nadine Chaton est interrogée sur sa présence à Albion ce jour-là. «Je prenais du bon temps quelques mètres plus loin que la victime, avec un dénommé Gino Riacca, un ébéniste qui habite à St-Pierre », dit-elle aux enquêteurs. Toutefois, elle leur confiera qu’elle n’est pas intervenue et qu’elle s’est retirée alors que les agresseurs frappaient Nadine Dantier.
Le 6 septembre dernier, elle participe à une reconstitution des faits à Albion.
Toute l’histoire semble tenir la route. Le doute s’installe quand la police se met, en vain, à la recherche du dénommé Gino Riacca. Il n’existe pas.
Et si Nadine Chaton mentait? Pour dissiper ce doute, les enquêteurs la questionnent sur son silence qui a duré plus d’un an : «J’avais peur de tout révéler car mon mari allait être mis au courant de ma présence à Albion avec Gino. Depuis ce meurtre, je ne cessais de faire des cauchemars. Un jour, j’ai tout déballé au sergent Mardi, un officier de l’ADSU de Vacoas, et aussi à mon cousin par alliance qui m’a conseillé de tout dire à la police. »
L’évocation du nom de l’officier Mardi et les vaines tentatives pour retracer le dénommé Gino Riacca suscitent le doute dans la tête des enquêteurs quant à la véracité des dires de Nadine Chaton. « Nous nous disions qu’il avait trop de coïncidence dans cette affaire. C’est l’ADSU qui procède à l’arrestation de Marcelin Azie et c’est elle aussi qui fournit un témoin oculaire sur le meurtre de Nadine Dantier », déclare un des enquêteurs.
La liaison éclate au jour
Une enquête discrète est instituée sur le sergent Mardi.
La police découvre qu’il a été l’amant de Nadine Chaton. Le couple avait l’habitude de se rendre dans des pensions de famille et le gérant de l’une d’elles avait gardé leurs numéros de carte d’identité.
Le sergent Mardi, qui compte 15 ans dans la force policière, est convoqué aux Casernes centrale pour donner des éclaircissements. Il avouera avoir eu une liaison extraconjugale (il est marié et père de deux enfants) avec Nadine Chaton. « En tant que ‘Field Intelligence Officer’ (policier chargé de repérer les trafiquants sur le terrain), j’ai fait mon devoir», dit-il aux enquêteurs chargés de l’interroger.
Confronté à l’information sur sa relation extraconjugale, le sergent James Mardi ne nie pas et avoue « tou ine fini en septembre 2003.»
Toujours de source policière, nous avons appris que James a délaissé Nadine Chaton pour entretenir une aventure avec l’épouse d’un trafiquant de drogue des hautes Plaines Wilhems qu’il a aidé à coffrer et qui croupit actuellement en taule.
La police tente d’établir si Nadine Chaton n’était pas accompagnée de James le jour du drame. Bousculée de questions, elle capitule et lâche : « J’ai rêvé de tout. Je n’ai jamais assisté au meurtre de Nadine Dantier. C’est James qui m’a dit de tout dire ». Face à ce revirement de situation, James Mardi déclare aux enquêteurs : « Elle ne m’a jamais dit qu’elle avait rêvé de cette agression mortelle ».
Après que Nadine Chaton se fut rétractée, l’enquête concernant celle-ci et son ex-amant a été confiée à une équipe de la CCID. La MCIT a refilé l’enquête à celle-ci car elle doit retrouver le deuxième meurtrier de Nadine Dantier, comme l’indique le rapport préliminaire des tests d’ADN. Pour l’instant, un seul suspect est derrière les barreaux : Marcelin Azie. Celui-ci a tout avoué avant de revenir sur ses aveux et clamer son innocence (voir la réaction de Rama Valayden, son avocat, plus loin)
La deuxième version de Nadine Chaton est-elle définitive ? Et si elle nous en balance une troisième ? Après le rêve de Nadine Chaton, le cauchemar des enquêteurs n’est pas prêt de se terminer.
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Marcelin Azie demeure en détention
D’un commun accord entre Mes Rashid Ahmine, du Parquet, et Rama Valayden, qui défend Marcelin Azie, celui-ci est reconduit en cellule policière jusqu’au 30 septembre. La raison : avec l’arrestation du sergent de police Mardi et de Nadine Chaton, la police a besoin de deux semaines pour boucler l’enquête.
« Ma défense est basée sur les nouveaux développements qui peuvent disculper mon client; je ne peux objecter que la motion de remise en liberté conditionnelle de Marcelin Azie est renvoyée », nous a déclaré Me Valayden.
Dans l’enceinte de la Cour de Bambous, les proches de Nadine Dantier s’échangeaient quelques mots d’encouragement mutuels. Jean- Yvon Dantier s’est même permis de donner l’accolade à Joyce Perrine, tante d’Azie : «Ne vous laissez pas influencer, croyez en la justice ».
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Le sergent Mardi : «C’est ma parole de policier contre celle de Chaton»
Lors de son interrogatoire, hier, le sergent de police Mardi - «meurtri et amer» que ses supérieurs croient qu’il a tout fabulé, alors qu’il a fait son «métier de policier» - a déclaré que dans ce qui lui arrive, «c’est ma parole de policier contre celle de Chaton.»
On laisse entendre, dans les milieux proches de Mardi, que le policier n’a pas tout dit et qu’il attend la suite de l’enquête pour démontrer aux enquêteurs qu’il n’est pas de mèche avec Nadine Chaton et qu’il n’a fait que consigner la déposition de son ex-maîtresse. Quant au fait que Nadine Chaton est revenue sur ses déclarations, il a dit que ce n’était pas son problème.
Pour leur part, Mes Yusuf Mohamed et Jim Seetaram, avocats de Mardi, n’ont pas déposé de motion de remise en liberté de leur client. «On préfère attendre que la police ait bouclé son enquête, après les contre-vérifications avec les témoins, avant de présenter une motion de remise en liberté. La police ne pourra pas alors avoir d’objection», dit Me Seetaram.
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Le cas Chaton expliqué par une psychiatre
Selon la psychiatre Maryam Timol, le mensonge chez l’adulte est un acte répréhensible : «La personne peut souffrir de mythomanie, c’est-à-dire être poussée aux mensonges par des motivations inconscientes Elle peut aussi souffrir d’une imagination débordante.. Une fabulatrice peut avoir aussi été influencée par une autre personne pour mentir». Elle explique que certaines personnes utilisent le mensonge pour attirer l’attention sur elles : « Par exemple, en faisant un faux témoignage. »
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Gino Trouba, père biologique de Nadine Dantier : «Je ne suis pas impliqué dans ce complot»
Après la rumeur persistante qui circulait la semaine dernière à l’effet que Jean-Yvon Dantier, le beau-père de Nadine Dantier, allait être arrêté suite aux « dénonciations » de Nadine Chaton, un témoin oculaire qui s’est rétractée, une autre rumeur faisait cette fois accroire que Gino Trouba, le père biologique de la victime qui est divorcé de Caroline, la mère, depuis plusieurs années, serait impliqué dans cette affaire. Certaines sources aux Casernes centrales s’interrogent sur ses liens avec l’ADSU de Vacoas. Il semble qu’un proche de Gino Trouba y serait affecté mais le principal concerné dément : « Non, je n’ai pas de proche à l’ADSU de Vacoas. Je connais le sergent Mardi depuis que je l’ai rencontré après l’arrestation de Marcelin Azie l’année dernière. Je ne suis nullement impliqué dans ce complot et je n’ai aucune autre déclaration à faire». À hier soir, nous avons appris que Gino Trouba serait prochainement interrogé par la police sur sa possible implication dans le complot du faux témoignage de Nadine Chaton.
Bruno Tadebois, ex-petit ami de la victime : « Tout le monde est suspect dans l’assassinat de Nadine, y compris moi-même. »
Écœuré. Bruno Tadebois, l’ex-petit ami de Nadine Dantier, 20 ans, morte dans des circonstances tragiques à quelques mètres de chez elle, considère que tout le monde est suspect dans l’affaire Dantier : « Tout le monde est suspect dans l’assassinat de Nadine, y compris moi-même ». Concernant l’affaire de complot pour faux témoignage de Nadine Chaton, il se dit révolté: « Il n’y a pas de mot pour qualifier ce qu’elle a fait ».