Le mari de Mayadevi et père de Kesha et de Bavish est un homme désespéré
Une semaine après la découverte de dix cadavres dans une maison à St-Paul - le 27 août dernier - le mystère plane toujours sur les circonstances de cette mort collective. Les proches des victimes s’interrogent toujours alors que la police poursuit son enquête et explore les thèses de suicide collectif par empoisonnement et de l’acte criminel. Portraits de Mayadevi et de ses enfants, Bavish et Kesha Jhowry, de Kountee, son fils Ravi et sa fille Chinta Mawooa, de son petit-fils Devesh Nundkumar et de Paul Hervé Janvier, clerc de notaire, huit des victimes.
Il a les yeux boursouflés, le regard hagard. Muneshwar Jhowry est un homme meurtri qui a «tout perdu». Sa femme Mayadevi et ses deux enfants Kesha, 17 ans, et Bavish, 14 ans, portés manquants depuis le 22 juillet dernier, étaient parmi les dix morts retrouvés dans une maison à la rue Béchard à St-Paul le 27 août dernier.
Muneshwar Jhowry est sous le choc : «Je ne comprends pas comment tout cela a pu se passer. Je ne m’attendais pas à une telle chose. C’est terrible, terrible !»
Dix-huit ans de mariage et deux enfants. «C’était un mariage arrangé mais nous étions heureux ensemble. Nous n’avons jamais eu de gros problèmes», confie Muneshwar. Il ne s’explique pas sur le fait que Mayadevi soit partie un beau jour en emmenant avec elle leurs enfants ainsi que les documents officiels les concernant tous les trois et leurs photos.
En allant signaler la disparition à la police, Muneshwar a une surprise : «J’ai appris que Mayadevi avait fait une déposition le jour de son départ pour dire ‘ki so latet fatigué et ki li pé ale reposé et pou retourné dans 15 jours’.»
Malgré cette déposition de Mayadevi, ses proches la recherchent ainsi que ses enfants. «Nous sommes allés à Montagne-Blanche chez la famille de Mayadevi, nous sommes même allés à St-Paul car je savais que Critika était une très bonne amie de ma femme. Voyant que les portes étaient cadenassées, nous sommes repartis», explique Muneshwar.
L’espoir, en vain
Les jours passent. Mais Muneshwar garde l’espoir que sa femme et ses enfants rentreront à la maison. Et puis, le 27 août, c’est le choc. «Quand j’ai appris qu’ils se trouvaient parmi les dix morts, je n’y ai pas cru jusqu’au moment où j’ai identifié leurs corps à la morgue.»
Les larmes aux yeux, il repense à sa femme et à ses enfants. «Mayadevi était femme au foyer au début de notre mariage. Puis, elle a voulu prendre des cours pour devenir masseuse et esthéticienne. Il y a un an, elle est allée travailler à l’hôtel Victoria où elle a fait la connaissance de Critika. Elle n’arrêtait pas de parler d’elle mais moi je n’aimais pas qu’elle la fréquente».Critika était esthéticienne, elle aussi.
Après avoir travaillé quelques mois à l’hôtel, Mayadevi veut ouvrir son propre salon. Un emplacement est trouvé à Trou aux Biches. «Elle voulait que Critika vienne travailler avec elle mais j’ai refusé. Je ne sais pas si Critika venait au salon pour voir ma femme.»
Quelque temps avant sa disparition, Mayadevi, selon son époux, avait changé : «Elle s’était éloignée de Hare Rama Hare Krishna dont elle était adepte et avait commencé à manger de la viande. Mayadevi était aussi devenue refermée, à part. Avant, elle aimait parler et s’amuser.»
Les enfants, Kesha et Bavish, n’avaient pas changé, selon leur père. «Kesha était une fille joviale qui aimait sortir avec ses cousins, aller à la mer. Elle prenait des cours pour devenir esthéticienne comme sa mère. Auparavant, elle avait fréquenté le collège Sundarma Munrakhan à Montagne Longue et avait suivi des cours de couture à l’IVTB de la Tour Koenig».
Quant à Bavish, il était en Form IV au SSS de Rivière-du- Rempart. «Il aimait étudier et jouer aux courses de voitures sur ordinateur», raconte son père en fondant en larmes.
Muneshwar veut connaître la vérité sur le décès de sa femme et de ses enfants. Pour l’instant, la police penche pour l’acte criminel ou le suicide collectif.
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Devesh Nunkumar, 11 ans, l’espoir de son père
«J’avais beaucoup d’espoir de voir Devesh réussir à ses examens de CPE à la fin de cette année », nous dit Ashok Nunkumar, son père. Cet homme d’affaires, qui travaille dans le secteur de l’import-export à Madagascar, est rentré au pays dimanche dernier. Il a enterré son fils, Devesh, 11 ans, mercredi dernier.
Devesh était le fils unique de Critika, née Mawooa, et d’Ashok Nunkumar. Le couple s’était séparé, il y a de cela quatre ans, et depuis, Devesh vivait chez sa mère à St-Paul. Il fréquentait l’école du gouvernement de Mesnil. Selon son père, c’était un très bon enfant et très obéissant. Il avait le potentiel de bien faire aux examens du CPE et il adorait aussi montrer à vélo. «Je voyais que c’était un enfant qui manquait d’affection, mais je ne voulais pas m’ingérer dans la façon dont ma sœur élevait son enfant», nous dit, pour sa part, Rumila, l’une des deux sœurs Mawooa encore en vie.
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Koontee Mawooa, 67 ans, la maîtresse de maison
C’était elle qui s’occupait de la maison de St-Paul où vivent son fils Ravi, ses filles Chinta et Critika et de son petit-fils Devesh. Âgée de 67 ans, Koontee Mawooa, née Bumma, était connue comme une femme très protectrice. «Elle était bien ‘caring’, surtout quand il y a quelqu’un de malade », nous dit Madvi, une des sœurs de Ravi.
Elle était veuve de Deoduth, ancien maçon du ministère des Travaux. Ce dernier est mort à l’âge de 72 ans de diabète. Végétarienne depuis l’enfance parce qu’elle a grandi dans une famille de végétariens, elle menait une vie très stricte, selon Rumila Buchan, l’autre sœur Mawooa encore en vie.
Elle était également membre de l’Arya Samaj de St-Paul, selon Rumila, et s’adonnait souvent à la méditation. Elle a pendant longtemps élevé des vaches pour le lait et elle faisait aussi un peu de couture comme passe-temps mais elle n’a jamais travaillé hors de chez elle.
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Chinta Mawooa, la réservée
Chinta Mawooa, 30 ans, était une personne très réservée, selon ses sœurs Madvi et Rumila. Célibataire, elle ne s’est jamais mariée. Selon Rumila, elle a déjà refusé une demande en mariage d’un enseignant.
«Elle était très tranquille et à chaque fois qu’on lui demandait si elle n’allait pas se marier, elle répondait qu’elle devait travailler », nous raconte Madvi. Selon ses deux sœurs, elle aimait dessiner depuis très jeune. ‘Graphic designer’ freelance, elle travaillait sur commande à domicile. Elle a fréquenté l’école primaire de Phoenix et a étudié jusqu’à la Form V au collège Trinity.
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Ravi Mawooa, «fou de joie d’être papa»
Depuis quatre mois, Ravi, 36 ans, était papa d’un petit Yohans. «Ravi était fou de joie d’être papa», nous raconte Sarita Mawooa, la deuxième épouse de Ravi. Il avait été marié une première fois mais son mariage s’était soldé par un échec au bout de sept mois. « C’est triste, il ne va pas voir grandir son fils », ajoute Sarita. Les deux s’étaient rencontrés dans un mariage. Ravi assurait alors le transport d’un groupe de musiciens. Selon Richoy, la sœur de Sarita, Ravi était complexé à cause de ses problèmes cutanés. Il avait dit à sa femme qu’il devait se rendre à Rodrigues pour se faire traiter. Il était le fils unique de la famille Mawooa et a été à tour de rôle machiniste, employé de magasin avant de se mettre à son propre compte quand son père lui a offert un bus. Il transportait les travailleurs d’usine. « C’était un bon sportif », nous dit Rumila Buchan, une des sœurs de Ravi. « Il faisait aussi du karaté », renchérit Madvi, l’autre sœur. Il devait dernièrement vendre l’autobus en question et laissait entendre à ses proches qu’il allait partir pour Rodrigues. Il était un ancien élève du Curepipe Collège qu’il a fréquenté jusqu’à la Form V.
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Paul Hervé Janvier, le mystère
Deux ans après sa disparition, il refait surface. Dans un état de décomposition avancée. Mais comment se fait-il donc que le cadavre de Paul Hervé Janvier se soit retrouvé parmi les dix retrouvés dans la maison de l’horreur à la rue Béchard à St- Paul? Selon la police, le lien entre ce clerc de notaire de l’étude de Vinay Deelchand – notaire arrêté et soupçonné d’être impliqué dans des ventes frauduleuses de terrain et autres délits –et les autres morts serait la vente d’un terrain. En effet, Hervé Janvier a été approché par Critika Nundkumar, née Mawooa, pour s’occuper de la vente d’un terrain, situé à Riche-Terre, lui appartenant. Selon un courtier prénommé Ishwar que nous avons eu au téléphone, un groupe de personnes l’avait approché pour l’acquisition du terrain en question : « Finalement, Critika ine dir mwa ki li pé gagne ménace are sa groupe dimoune là parski li pa pé lé vanne lors zot prix. Ki li préfère vanne li Rs 100 000 are Rajesh Dhayam. So vrai valère sa terrain là c’est Rs 1,2 million ».
Depuis novembre 2002, Hervé Janvier était recherché par la police pour des délits d’extorsion et d’usage de faux. De sources policières, nous avons appris qu’un acte de vente notarié portant sur la vente d’un terrain de l’ex-cadre du MGI, Rajesh Dhayam, qui était également parmi les dix morts, a été retrouvé dans le sac du clerc de notaire. Son acte de naissance, une fausse carte d’identité portant le patronyme de Labonté (Paul Janvier était marié en premières noces à une demoiselle Labonté), des vêtements ainsi que des disquettes concernant la vente de terrains ont également été découverts dans le même sac. Des documents qu’il avait emportés avec lui en quittant son bureau le jour du signalement de sa disparition.
Textes : Michaëlla Coosnapen, Nadine bernard,
et christophe karghoo