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Explosion  : Grand-Baie veut retrouver sa sérénité

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«Nous voulons que Grand-Baie redevienne ce qu’il était avant l’explosion. C’est le cri du cœur de plusieurs habitants et commerçants de Grand-Baie. Après le choc d’il y a deux semaines, la station balnéaire se remet peu à peu de ses émotions et veut retrouver à tout prix sa sérénité, son aura d’antan.

Le spectacle qui s’offre à la vue là-bas est toujours aussi impressionnant. Dans les yeux des passants, touristes et Mauriciens confondus, qui s’arrêtent et fixent en silence ce qui reste de Grand Bay Store (GBS), on peut lire l’horreur, la tristesse et – paradoxalement - la fascination devant ce terrible spectacle. Des membres de la ‘Special Mobile Force’ (SMF), de la ‘Special Squad Unit’(SSU) armés de fusils assurent la sécurité autour de la zone sinistrée.

Personne ne s’en s’approche.

Le GBS, qui a explosé peu avant 2h le dimanche 25 juillet dernier, tarde, à jeudi, à livrer ses secrets. Les experts du FBI et ceux de la SOCO se sont activés durant plusieurs jours à trouver les causes de l’explosion dans laquelle les deux fiancés, Emmy Ng Yeung, 24 ans, et Jean-François Li Yu Tin, 26 ans, ont trouvé la mort. Ils étaient au Maï Taï Bar, au rez-de-chaussée du GBS, le soir du drame.

Les commerçants des alentours affichent, quant à eux, des mines déconfites. Il y a de quoi ! Depuis l’explosion, les clients se font rares. «Nous avons perdu quelque 80% de notre clientèle depuis ce drame», déclare Naden Seeneevassen, caissier au Café de la Plage situé en face du GBS.

Dans un magasin de maillots de bain, non loin, Diana Mootoo, vendeuse, se désole. «Les gens ont peur, la route est bloquée, les touristes préfèrent aller ailleurs», dit-elle tristement.

Noorani Peermamode, propriétaire du magasin U2 au Sunset Boulevard, est bouleversé : «C’est incroyable. La vente a diminué de 75 à 80%. L’année dernière, les travaux du tout- à- l’égout avaient ralenti les ventes ; cette année, ce sont les routes bloquées et cela, juste au début d’une saison touristique.»

Les routes bloquées. Voilà le principal grief des commerçants. «Il faut absolument déblayer la route aux alentours de Grand Bay Store. J’ai peur pour la survie de mon commerce si cette situation dure», soutient Sunil Bhowany. Il est le propriétaire du restaurant la Vieille Rouge situé à l’arrière du GBS.

La réouverture de la route demeure la priorité des priorités pour les commerçants. «Dès que la route sera à nouveau opérationnelle, la vie à Grand-Baie reprendra son cours normal. C’est ce que nous souhaitons tous ici», affirme Anoushka Fineau, barmaid au pub La Rhumerie situé à quelques mètres du GBS.

La serveuse souhaite également qu’on arrête de parler de l’explosion : «C’est dommage pour les gens qui sont morts mais j’en ai assez de n’entendre parler que de cela ».

La propriétaire d’un magasin à proximité est du même avis : «On en fait un peu trop autour de cette affaire. Pé fatigue dimoune».

«Spectacle cauchemardesque»

Il n’y a pas que les commerçants qui veulent que les choses redeviennent comme avant.

La famille Khodabux, dont la maison a été touchée par les débris provenant du GBS, s’active à réparer les dégâts. Le trou dans la cuisine a été bouché, un mur écroulé a été reconstruit.

«Nous avons fait les réparations assez vite à cause des clients auxquels nous louons des chambres», déclare Adam Khodabux, 81 ans.

La peur n’a pas quitté cette famille depuis deux semaines.

«Le soir, ce n’est pas facile de trouver le sommeil. Nous avons peur. Même le jour, nous ne voulons pas sortir pour ne pas voir ce spectacle cauchemardesque», soutient Nasreen Khodabux, belle-fille d’Adam.

Nasreen regrette l’époque pas si lointaine où les passants allaient et venaient dans les rues aux alentours de Grand-Bay Store : «Avant l’explosion, c’était un endroit très mouvementé ; maintenant il n’y a plus rien».

La station balnéaire ou du moins la partie longeant le Grand Bay Store affiche en effet une triste mine. Rares sont les personnes qui se promènent de ce côté, surtout le vendredi soir.

«D’habitude, à cette heure il y a plein de monde dans les rues. C’est étonnant et écœurant même de voir l’ambiance qui règne à Grand-Baie ce soir, c’est mort», s’exclame Rose Marie qui fait un tour dans le quartier en compagnie de son époux.

Reza Lallmohamed et Joseph Larose, des vigiles du GBS le soir, sont tristes.

«Deux jeunes ont perdu la vie et le cœur de Grand-Baie a été touché», soupire Reza. Joseph essaie tant bien que mal de se montrer optimiste : «Les choses vont certainement redevenir comme avant dans quelque temps mais pour l’instant, les gens sont toujours sous le choc, il y en a qui ont peur».

L’ambiance est plus animée aux alentours de GBS le jour. Toutefois, Shirley, qui vient souvent faire du shopping à Grand-Baie, ne s’y retrouve pas: «Je ne pense pas que je reviendrai à Grand-Baie d’aussi tôt car je ne retrouve plus l’ambiance que j’aimais».

Les touristes, eux, sont nombreux dans les rues. «En Europe, on est habitué à ce genre de situation. Il n’est pas question d’éviter Maurice à cause de cela .Ça peut arriver dans n’importe quel pays», soutient Muriel, une Française en vacances à Maurice.

Une Réunionnaise avoue, quant à elle, avoir la chair de poule rien qu’à l’évocation de l’explosion : «Cela a jeté un froid sur Grand-Baie mais tout le monde se remet petit à petit. Ce qui importe, c’est que les gens sachent ce qui est réellement arrivé».

Les causes de l’explosion, les habitants de Grand-Baie et d’ailleurs, ont hâte de les connaître.

«On entend parler d’explosion tantôt due au gaz, tantôt à des explosifs. Cela ouvre la voie à toutes sortes de spéculations et les gens ne sont pas rassurés. Heureusement, ça ne semble pas être un acte terroriste. Nous aimerions savoir ce qui s’est réellement passé», déclare un habitant de Grand-Baie.

Entre-temps, dans les quartiers de Grand-Baie éloignés du GBS, la vie semble reprendre son cours normal. Touristes et Mauriciens vaquent à leurs occupations, se prélassent sur la plage, s’accoudent aux bars, vont manger au restaurant. Le grand ‘boum’ qui a secoué Grand-Baie ne leur est pas indifférent et restera encore longtemps dans leur mémoire. Mais, comme dirait l’autre, la vie continue. Et, sous peu, Grand-Baie retrouvera sans doute sa sérénité quelque peu troublée pour le moment.

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Grand-Baie Watch «excédée»

Mala Chetty, présidente de Grand-Baie Watch, une association des forces-vives, perd patience : «Après deux semaines, nous sommes un peu excédés par la longueur de l’enquête. Nous sommes plus concernés par les intérêts commerciaux car c’est le commerce qui fait vivre Grand-Baie. Or, les routes bloquées handicapent les commerçants ainsi que les habitants et les touristes».

Selon Mala Chetty, l’explosion aurait pu avoir des conséquences plus sérieuses pour « la vitrine du tourisme » qu’est Grand-Baie si « la presse, les autorités, les associations », n’avaient pas fait correctement leur travail.

Pour la présidente de Grand-Baie Watch, l’explosion du GBS a été aussi une occasion d’attirer le regard sur ce village touristique qui se développe à deux vitesses : «D’un côté, il y a les hôtels, les touristes et le luxe, et de l’autre, des quartiers comme Cité Lumière ou Camp Carol où vivent des personnes très défavorisées. Ce genre de développement à deux vitesses engendre évidemment toutes sortes de fléaux sociaux.»

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Pascal Tsin, propriétaire du GBS : «Le bâtiment renaîtra de ses cendres»

Après la peur, le désespoir, le doute, c’est maintenant un homme qui pense à l’avenir. Pascal Tsin, propriétaire et gérant du Grand Bay Store, après avoir été grandement secoué par l’explosion de l’immeuble où il a grandi dit « garder espoir que le bâtiment renaîtra de ses cendres. »

Il est confiant et serein. « Par la grâce de dieu, je garde mon calme. Il le faut bien », dit-il. «Aussitôt que l’enquête sera bouclée et qu’on aura des éclaircissements sur l’explosion, les travaux pour la reconstruction de GBS vont commencer. Tout ne peut pas s’arrêter là. Le bâtiment ne peut pas rester ainsi. Le nom Grand Bay Store doit rester et continuer à vivre », ajoute-t-il.

D’une part, il pense à la reconstruction de GBS pour perpétuer une tradition qui dure depuis presque un demi-siècle et d’autre part, il y a l’attente pour savoir les conclusions de l’enquête.

Pour San Soogendra, le gérant du resto-bar Mai Tai, - qui se trouvait au rez-de-chaussée du GBS-également ravagé dans l’explosion, c’est aussi l’attente. « Il y a plusieurs employés qui attendent d’être fixés sur leur sort. On n’attend qu’à reprendre le travail. Le recommencement sera difficile », dit-il. Ajay Beegoo, le propriétaire du magasin Ralph Lauren également au rez-de-chaussée, est aussi impatient : « Nous avons hâte d’avoir accès à l’intérieur du bâtiment pour pouvoir évaluer les dégâts. »

Le magasin de la fleuriste Sophora, qui se trouvait au rez-de-chaussée du GBS, a trouvé un emplacement temporaire au Super U. « Nous avons acheté de nouveaux matériaux pour continuer à opérer. Nous ne voulons pas perdre nos clients » déclare Virginie la vendeuse.

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Plan de réaménagement reporté

Restriction financière oblige, les travaux pour le réaménagement de Grand-Baie qui auraient déjà dû débuter ont été reportés. L’annonce avait été faite dans le discours budgétaire 2004/2005. Le gouvernement préfère se consacrer à la promotion touristique et à la construction de routes à Bel Ombre et St-Félix où des hôtels sont en construction.

«Nous ne savons pas exactement quand cela va se faire, peut-être d’ici la fin de l’année. Entre-temps, nous sommes en train de voir comment diminuer les coûts des travaux de réaménagement de Grand-Baie », souligne-t-on du côté du ministère du Tourisme.

Le réaménagement consistera, entre autres, à agrandir la plage en comblant un peu la baie, à bouger la route «seawards» et à construire un amphithéâtre et un débarcadère.

Ce projet de réaménagement suscite quelques remous parmi les habitants qui ne veulent pas que la baie soit comblée, même partiellement. Ils réclament que ce développement se fasse de manière intégrée afin que tous les habitants du village en profitent.

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Village touristique «par excellence» 

Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier Grand-Baie. De ce village qui tient son nom de sa grande baie turquoise, on dit que c’est «la capitale» ou «la vitrine» du tourisme mauricien, «le village touristique par excellence».

«Un touriste ne peut pas venir à Maurice sans se rendre à Grand-Baie; ce ne serait pas logique», déclare un habitant.

«À Grand-Baie, les touristes peuvent trouver tout ce qu’ils veulent: la plage, le soleil, les hôtels, les commerces, la night life; c’est pour cela qu’ils aiment y venir », soutient une serveuse. Une guide touristique avoue que «Grand-Baie est l’un des premiers endroits » qu’elle conseille aux touristes de visiter.

Par Michaëlla Coosnapen et Christophe Karghoo

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