Ex-Ivrogne, Antoine dit que sa
rencontre avec Baba a changé sa vie
Antoine Aurel Chiffone, un catholique, dit Dada, est devenu un serviteur de Shirdi et de Sathya Sai Baba. Celui-ci vit à l’ashram Prashanti Nilayam à Puttapathi, en Inde. Sathya Sai Baba dit qu’il est la réincarnation de Shirdi Sai Baba décédé en 1917.
“Om, Sri Ganesh Namaha”. Cette prière, dédiée au dieu hindou Ganesh, monte dans le mandir de Dada à Rivière des Anguilles. Il est à peine 7h45 en ce dimanche. Les dévots viennent de partout. À l’exemple de Veena du village d’Arsenal, de Chanegilee d’un village du Sud-Est, de Jean-Claude et sa femme Marie-Noëlle de St-Hubert, de Corinne des Plaines-Wilhems. Ils attendent dans le mandir où flotte un doux parfum d’encens. Il fait frisquet et il pleut.
Tout de blanc vêtu, avec sa coiffure afro, Dada arrive d’un pas nonchalant, un large sourire scotché aux lèvres. Il va présider la cérémonie et bénir le ‘prasad’, offrande de fruits et d’encens, apportée par les dévots à Sai Baba.
Mais, avant, Dada se remet entièrement à celui en qui il croit depuis 28 ans. Le moment est fort. Il est en transe devant ‘son’ Baba, s’incline alternativement d’un côté et de l’autre au son d’un chant à la gloire du Dieu Ganesh. D’une main tremblante, il saisit un paquet de bâtonnets d’encens, les allume avant de parfumer les lieux. Puis, alors que s’égrènent les dernières notes d’un autre chant religieux, l’officiant prend des plumes de paon avec lesquelles il effleure le visage du petit groupe de fidèles.
Dada transmet, par ce geste, la bénédiction de Baba. Les adeptes se prosternent alors devant l’immense photo de Baba. Puis, c’est au tour de celui qu’ils considèrent comme le “messager”. Dada leur fait une imposition des mains en leur disant ceci : “Si ou fine vine la, c’est Bon Dié qui fer sa. C’est Baba. Kirtan aide ou à servi ou l’esprit et si ou servi li bien, fleurs pou tom lor ou la tete”. Ensuite, Dada leur sert du ‘amrit’ (une préparation à base de lait caillé, de feuilles de tulsi, de sucre et de miel) pour «faire la bouche doux ». Puis, il leur demande de partir, c’est-à-dire de faire le tour des autres statues des divinités du ‘mandir’, bâtonnets d’encens allumés en main. Il y a là Luxmi, Mama Kali, le Dieu Ganesh, Doorga, toutes des divinités hindoues et plusieurs photos de Sai Baba et de Sridi Baba.
Les premiers dévots servis, Dada s’en va se changer. Il est, quelques minutes plus tard, le maître de cérémonie pour le ‘kirtan’, une prière en groupe dédiée à Baba. Il a troqué le long kurta blanc contre un autre orange. La prière durera, comme le veut la tradition, une heure pile. Dada est assisté de Behenji Devika, une célibataire endurcie qui est toute dévouée à la déesse Mama Kali et qui remplace sa fille Clara, immigrée en Italie.
Ce rituel dure 28 ans. Une vraie histoire d’amour entre ce catholique qu’est demeuré Antoine Aurel Chiffone et Sai Baba. Pour Baba, il a renié cigarette, alcool et plats non-végétariens, ses péchés mignons. Solide gars campé sur ses jambes, malgré ses 72 ans, Dada a été tour à tour tailleur de pierres, maçon, coupeur de bois et laboureur “dans Développement”.
Il ne cache pas qu’il chérissait la bouteille : «Dès que je me réveillais le matin, je ne pensais qu’à boire un coup. J’ai d’ailleurs perdu mon emploi en tant que laboureur dans l’industrie sucrière à cause de ce défaut». Marié à Monique, père de Tonio et de Clara, il n’accordait aucune importance à sa famille. Son adoré était le dieu Bacchus. Vin de mauvaise qualité, rhum, bière, tout y passait.
Entre rhum et Baba
Puis, un jour, alors qu’il mendie dans le village pour s’acheter une chopine de vin à 30 sous, Krishna, un habitant du coin, lui demande de l’accompagner chez ‘Cheval Blanc’ «pou ale pik pool». Marchant derrière lui, Dada pense déjà comment lui soutirer «ene ti casse». Arrivé chez Monsieur Marcel, le Sino-Mauricien qui tient la boutique, il jette un coup d’œil dans la vitrine. Et, là, il découvre une photo. Celle de Shirdi Baba. Et c’est un autre habitant du village, Mouda, qui l’approche en lui disant : «Si je te paie la photo de Shirdi Baba, cesseras-tu de boire ?». L’ivrogne répond oui. Et il part avec la photo de Shirdi Baba entre les mains. Il installe «bonhomme la» sous un bergamotier chez lui et commence à prier en créole. «Avant, mo la prière ti di vin, astère, merci Baba, mo ene zom heureux. Mone demane li fer moi arrete boire ek fimé, li fine écoute moi», dit Dada.
Dès lors, il veut «arrete manze bisagne (viande)».
Son premier miracle ? «Je ne fais pas de miracle, c’est Baba qui intercède pour apaiser la souffrance de ceux qui m’approchent», s’empresse-t-il de dire. C’était Gassen qui avait des verrues à la main. Il a pris une petite paille, l’a découpée en sept bouts qu’il a passés sur la petite excroissance. «Deux jours après, Gassen était guéri». Il se souvient aussi de Mme Basantee, habitant Surinam, qui faisait le va-et-vient chez les médecins et la tournée des hôpitaux : «Elle est venue chez moi un jour et on a prié Baba ensemble. Puis, je lui ai donné une infusion de petites fleurs que j’installe aux côtés de Baba. Alors qu’elle cambrait les reins en venant chez moi, elle est repartie dix minutes après, guérie. C’est Baba qui l’a fait».
Prend-t-il de l’argent pour services rendus ? «Je ne demande jamais un sou, mais les dévots quittent souvent un ‘daksina’ (don) avant de partir », dit-il. Pense-t-il à la mort ? « Je suis un homme qui a pris déjà une deuxième naissance. Je suis un analphabète, je ne sais pas lire le sanskrit, ni la Bible, mais j’ai une foi profonde en Baba. La mort est naturelle, c’est le corps physique qui disparaît, mais pas l’âme », soutient Dada.
Dada sait qu’il doit partir, comme tout mortel. En prévision de ce départ immanquable, il a donné des instructions pour que son corps soit exposé dans son ‘mandir’, devant son Baba. Après, il doit être incinéré dans le plus pur style hindou bien qu’il demeurera, dit-il, jusquà son dernier souffle, un fervent catholique. Il demeure, ainsi, un fidèle de Jésus, car Baba prêche que celui qui s’approche de lui ne doit pas changer de religion.