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Potage et Joson «regrettent» le viol de Sandra

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Pleurs, colère et déception. Les proches de Vikram Jagai ne peuvent retenir leurs larmes à l’annonce de la sentence de huit ans de prison infligée au jeune omme. «Ou ti bien conscient, ou pa ti sa naïf là pu pa conne les onséquences ou actes», lance le magistrat

«Mo papa ine dir mwa fer bon zenfan». Juanita, 7 ans, sait qu’elle ne reverra pas son père, Nicolas Potage, «libre» avant huit ans, peine maximale qui lui a été infligée par la Cour pour avoir violé Sandra O’Reilly le 17 juillet 2001. France Joson et Vikram Jagai écopent de la même peine. Le verdict est plus sévère pour Ravi Aubeeluck : treize ans de prison pour viol et sodomie sur sa victime. Si Sandra O’Reilly parle de « victoire », les condamnés Joson et Potage expriment leurs « regrets».

Agrippée aux barreaux de la grille d’entrée de la Cour intermédiaire, Rosina Vigoureux, 25 ans, la concubine de Nicolas, hurle pour se faire entendre de son bien-aimé. Ce dernier veut apercevoir, d’où il est, sa petite Juanita. « Mo demande mo papa ki manière, line dire mwa ki li bien. Mone dire li ki mone passe mo l’examen. Mo chagrin mo papa pé allé », les paroles d’une fillette brisée. Et sa mère de poursuivre : « Nicolas ine dire mwa pran courage. Vaut mié ki line condamné huit ans prison ki 15 ans ».

Nicolas Potage et France Joson, âgés de 27 ans et 34 ans respectivement, les auteurs du premier viol de Sandra O’Reilly dans son bungalow à Blue-Bay dans la nuit du 16 au 17 juillet 2002, mettent la faute de leurs actes sur le compte de l’alcool, de la tentation et de l’ «influence kamarad ». À la salle d’audience No 10 à la Cour intermédiaire, vendredi dernier, Nicolas Potage affiche un air relax. Il porte un polo noir et un jean kaki. À côté de lui, France Joson semble stressé. Il est vêtu d’une chemise bleue à carreaux.

Menottes aux poignets, une cigarette entre les doigts, entouré des membres de la SSU, Nicolas, révolté, vocifère au journaliste de 5-Plus dimanche : «Oui mo regretté ceki mone fer mais c’est ène la justice à deux vitesses. Mo ti espère cinq ans de prison mais ine condamne mwa à huit ans de prison parski mo noir».

Une sentence que Sandra conteste. Elle pensait que France Joson allait écoper de la même peine que Ravi Aubeeluck, c’est-à-dire huit ans pour viol et cinq ans pour l’avoir sodomisée (voir interview plus loin).

La colère des repentis

Bouillonnant, France Joson, père de quatre enfants dont deux en bas-âge avec Modeline, la sœur de la concubine de l’accusé Potage, espère revoir Sandra après ses huit années de servitude pénale : « Mo rekonet mo erreur. C’est l’alcool. Mo démanne excuse. Mo espéré mo capave guet madam là après en société ». Des paroles de désespoir d’un repenti arrachées par 5-Plus alors qu’il quittait la Cour intermédiaire. Sandra souhaite même « qu’en prison, il y ait un suivi psychologique pour ce genre de personne ».

Michelette, l’épouse du condamné Joson, reste ferme. Pas une larme. « Par tentation camarade ine arrive sa. Mo démane Sandra excuse mo mari. Mo mari reste mo mari car c’est moi so fam ». Et Francis Joson, le père de France, d’ajouter : « Sandra ti capave pardonne mo piti ».

Michelette occupera désormais le rôle du chef de la famille. Depuis deux ans, elle doit faire face aux dépenses de la maison. Avec la maigre allocation sociale qu’elle reçoit, elle doit nourrir ses trois filles – Brigitte, 15 ans, non-scolarisée depuis trois ans, Martine, 12 ans, recalée du CPE et Alicia, quatre ans et demi, en maternelle.

Rendez-vous dans treize ans

Femme de condamné, le même drame pour Ratee, l’épouse de Ravi Aubeeluck - accusé No 3, jugé coupable avec Vikram Jagai pour le deuxième viol collectif sur Sandra commis dans un champ de canne à bord d’une voiture rouge à Belle-Rive durant la même nuit-le 16 juillet 2002 après la première agression sexuelle de Sandra -.

Femme courage, Ratee, elle, s’est résignée au verdict de la Cour. Elle s’est fait également à l’idée d’élever toute seule ses deux fils âgés d’un an et demi et de onze mois respectivement. Le second enfant n’a jamais connu l’amour de son père. Ravi s’en va pour treize ans. Treize ans, loin de sa famille, loin de ses enfants.

Avant que Ravi ne soit appelé dans le box des accusés, c’est d’un air déconfit, portant une chemise jaune-orange, qu’il fait parvenir une lettre à Ratee, débout derrière lui, sourire aux lèvres illuminant son visage légèrement maquillé. « Une lettre d’amour », nous confie-t-elle. Ravi semble nerveux. Il serre un mouchoir dans sa main.

La veille, quand nous l’avions rencontrée dans sa modeste demeure dans l’Est du pays, elle était sereine et acceptait la fatalité et croyait que son mari, jugé coupable, écoperait d’une peine « pas trop sévère ». « Pu narien mo pu révolté, mo pu attan mo mari sorti dans prison. Vo mié mo pran courage », déclare une femme amoureuse.

Avant que la voiture de police ne s’éloigne, Ravi, envoie un baiser de la main à son épouse sous le regard en larmes de sa mère. « Mama, occupe li (son épouse, ndlr) bien », demande-t-il.

« Warning »

Sandra O’Reilly est libérée d’un lourd poids car le magistrat Benjamin Marie-Joseph a condamné ses quatre violeurs à la peine maximale. Sandra a mené un combat pendant deux ans et a organisé deux marches pour faire entendre sa voix tout en réclamant une loi plus sévère à l’égard des violeurs.

Le 23 juillet, avec la peine maximale infligée à ses quatre agresseurs, Sandra est « heureuse ».

Un vendredi peu ordinaire pour Sandra. Devant la salle d’audience No 10 à la Cour intermédiaire, elle est présente, habillée en noir et blanc, aux côtés de son frère Alain et de sa sœur Pearl. L’atmosphère est tendue durant l’attente de 10h00 à 13h25. Elle demeure debout, échange quelques coups de fil entre deux discussions avec ses proches et les journalistes. Elle est calme et affiche un léger sourire. « Vous êtes une femme courageuse », lui lance Chantal Denis, une femme de Le Hochet, venue expressément pour « soutenir Sandra. Je l’admire pour son courage », nous dit-elle.

À 13h25, la salle d’audience ouvre ses portes et dix minutes plus tard le magistrat prononce sa sentence.

Un exemple. Le magistrat Benjamin Marie-Joseph plaide pour les futurs victimes de viols : « Zot fine pran avantage ène fam san défense pu satisfaire zot. C’est un crime plis ki horrible. C’est ène punition lor zot pu montré ki kalité sérieux sa offense là. C’est un warning pu cé ki éna dans l’esprit fer viols, pu protèze bane fam dans Moris. La cour pensé tenant en compte leffet sa viol la lor victime, la cour pensé zot mérit maximun sentans sous la loi lépok ».

Les quatre hommes sont alors fixés sur leurs sorts.

Le condamné Potage proteste. Sous le regard de Joson, éberlué, Nicolas Potage, main droite levée, tente de prendre la parole : « Votre honneur ». Il est alors 13h45 à la Cour No 10. La salle bondée de proches et de badauds soupirent en entendant le couperet tomber sur la tête des accusés.

Le magistrat l’interrompt. Comme un animal en cage, il ne tient pas en place. Il tente de garder son calme. Il marmonne quelques mots. Quand enfin, le magistrat Marie-Joseph l’autorise à prendre la parole : « Votre honneur. Mo tia voudré dire ki mone passe dézà deux ans dans prison ». Et le magistrat de répondre : « Nou finne fini ranne jugemen pa pu capav sanzé ».

Emboîtant le pas à Nicolas, Ravi lance à l’égard du magistrat Marie-Joseph : « Mo remercié ou pou ou jugement. Donne ène conseil pu ène offense ki mo fine fer ».

Une mère anéantie

Désespoir, colère et regrets. Menottés, les coupables du double viol de Sandra quittent la salle d’audience sous les pleurs de certains de leur proches. Ils sont impassibles devant les flashs des photographes. Si Vikram, 18 ans, – celui-ci qui a été le plus chanceux en obtenant la liberté conditionnelle après son arrestation en juillet 2003 – s’est montré agressif envers deux photographes de presse en   lançant « prison ine fer pou zom ça mo capav alé » plus tôt avant que la sentence ne soit connue, son père Ashok, lui, avait pris sa défense en déclarant : « Ene banané zot ine tire so photo. Pa premié dimoune ki fer éne viol ). C’est un tout autre Vikram, déboussolé, bracelet aux poignets, qui est sorti de la Cour après la sentence.

Alors que le jeune violeur - il n’avait que 16 ans quand il avait abusé sexuellement de Sandra dans un champ de canne à Belle-Rive - est conduit sous forte escorte policière vers la voiture de police, il s’arrête brusquement. Il se retourne vers son père : « Pa, pa, mone blié mo savates ». Ashok, le vieil homme aux cheveux grisonnants accourt, lui tend la paire de savates soigneusement enveloppée dans un sac en plastique. Ce sera le seul objet de valeur que transportera le détenu Jagai dans sa nouvelle demeure, une cellule à la prison de Beau-Bassin. Sa mère, Sheila, fond en larmes lorsqu’il traverse le corridor toujours encadré des flics de la SSU. Assi sur un banc, la mère de Vikram pleure, le visage enfoui dans les mains. « Mo la tête fatigué », sanglote-t-elle à une question de 5-Plus dimanche.

Mère et fils s’enlacent une dernière fois et Vikram disparaît dans une salle d’audience conduisant au sous-sol de la Cour intermédiaire où sont garés les véhicules qui transportent les détenus. « Mo sagrin », déclare le jeune Vikram à 5-Plus. Quant à Ashok, le père, il nous déclare : « Jugement pa bon, li pa mérite sa. La loi ziste pou ti dimoune ».

La ‘Sandra’ de Camp Thorel

Si les quatre violeurs ont été fixés sur leur sort, trois autres suspects - Jairaz Suttun, Vikash Mankoo et Nurrutun jankee - dans cette affaire sont toujours dans le doute. Jairaz Suttun, alias ‘le bon Samaritain’, prétend avoir appris le viol quand les portraits robots avaient commencé à circuler dans la presse.

Selon la version du ‘bon Samaritain’, c’est lui qui aurait demandé à Ravi et à Vikram de conduire la jeune femme au poste de police de Curepipe après que Sandra leur avait raconté qu’elle avait été victime d’un « vol ». Vikash Mankoo, Nurutun Jankee et lui même qui se trouvaient dans la voiture sont alors descendus pour permettre à Vikram et Ravi de conduire Sandra, enveloppée dans un peignoir gris, au poste de police de Curepipe. Ravi et Vikram n’iront pas au poste de police mais agresseront sexuellement Sandra O’Reilly. Ils sont restés sur le bord de l’autoroute à La Vigie. Le ‘bon Samaratain’ raconte qu’une heure plus tard, Ravi est retourné les prendre là où il les avaient laissés sans Vikram. Ce dernier se trouvait dans un champ de canne avec Sandra. – C’est pendant ce laps de temps que le deuxième viol collectif s’est produit. « Mo pa conné ki pu arrive mwa astère là », s’interroge ‘le bon Samaritain’.

Devant la condamnation de ses amis, Vikash Mankoo se dit attristé : « Mo chagrin ».

Un autre des trois suspects dans cette affaire, Nurruttun, pleure sur son sort. Depuis le mois de novembre dernier, il ne travaille plus après qu’un ‘crane loader’ lui est passé sur les pieds : « Mo bisin vivre lor pension mo mama. Mo pa pu kapav retravay encor, mo lipied pa bon. Mo ène innocent là-dans. Mo ti pé dormi lor simé sa zour-là telma mo ti soul ». Il avoue également qu’en plus de ses problèmes, il doit faire face aux moqueries des habitants de sa localité : « Zot tou crié mwa Sandra. Mo préfère pa sorti cot mwa pu zot pa manze mo la vie ». Ils comparaîtront en Cour le 12 et le 18 septembre.

Par Nadine Bernard/Christophe Karghoo

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Alain, frère de Sandra O’Reilly: « C’est un signal fort »

« Je souhaite que la loi soit plus sévère à l’avenir à l’encontre des violeurs. » Celui qui s’exprime est Alain, le frère de Sandra O’Reilly, toujours aux cotés de sa sœur pendant tout le long du procès. Alain O’Reilly comme Sandra retrouve aujourd’hui le sourire et estime que « c’est un signal et un message fort que le magistrat a envoyé. »

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