Dr Veyasen Pyneeandee et Dr Dev Anand Rajcoomar
Quatre cas de négligence alléguée depuis le début de l’année concernant des césariennes, cela fait beaucoup. Helena Harel et Nasseema Oozeeraw sont décédées à l’hôpital Victoria et l’hôpital du Nord respectivement après avoir accouché par césarienne. Joyce Constant et Mary-Joyce Botte sont en vie mais elles ont toutes deux perdu l’enfant qu’elles attendaient en accouchant, toujours par césarienne. Le Dr Dev Anand Rajcoomar, consultant en obstétrique et en gynécologie à l’hôpital de Flacq, et le Dr Veyasen Pyneeandee, spécialiste en gynécologie obstétrique dans le privé, nous donnent leur avis sur cette intervention qui peut virer au drame.
Q : Il y a eu quatre cas de négligence médicale alléguée concernant des césariennes pratiquées dans les hôpitaux. Qu’en pensez-vous ?
Dr Dev Anand Rajcoomar : Comme vous l’avez mentionné, il y a des cas allégués de négligence médicale. S’il y a eu négligence et qu’on peut en apporter des preuves, il faut référer le cas aux autorités concernées. À l’exception du cas survenu à l’hôpital de Flacq, je n’ai pas de détails sur les trois autres. Une ‘Eclampsia and Abruptio’ (détachement du placenta) avait été diagnostiquée chez la patiente et elle n’avait suivi aucun traitement durant sa grossesse. Elle était à 25 semaines de grossesse et il en résulte que le fœtus avait développé la complication attendue, c’est-à-dire une ‘intrauterine demise’ (mort du fœtus dans l’utérus). Une césarienne a été pratiquée en urgence pour sauver la maman. La patiente a subi une ventilation assistée post-opératoire, ce qui est la procédure dans les cas d’éclampsie. Elle n’est jamais tombée dans le coma et aucun de ses organes n’a été perforé. Tout a été fait dans l’intérêt de la patiente qui s’est, par la suite, bien rétablie.
Dr Veyasen Pyneeandee : Je ne connais pas les détails des quatre cas, mais comme vous le dites, il y a eu négligence alléguée et non confirmée. Dans le cas précis de l’hôpital Victoria, j’ai eu la chance de voir le dossier du ‘Regional Health Director’ au cours d’une émission sur la chaîne d’une radio. Je pense, d’après les faits, qu’il y a possibilité de négligence. Il faut bien comprendre le terme « négligence » qui veut dire qu’on n’a pas mis en oeuvre tous les moyens qui sont à la disposition de la médecine pour éviter ce désastre. Quant au ministre de la Santé, il semble qu’il a accepté, d’après un article d’un journal, qu’il y a des « Grey Areas » autour de certains cas. Dans le cas de l’hôpital de Flacq, il y a, d’après le mari de la patiente, un retard de diagnostic d’éclampsie - une crise convulsive due à une hypertension pendant la grossesse. C’est une pathologie grave et souvent mortelle.
Q : En quoi consiste une telle intervention chirurgicale ? Est-ce qu’elle comporte beaucoup de risques ?
Dr Dev Anand Rajcoomar : La césarienne (cesarian section) consiste à mettre au monde un bébé en faisant une incision dans la partie située au bas de l’abdomen et en faisant une incision dans la partie située au bas de l’utérus appelé le segment inférieur. Il y a des indications bien définies de cette opération, qui peut être fœtale ou maternelle et qui peut être faite de manière facultative ou en urgence. Des risques sont toujours présents lors de cette opération car elle nécessite également une anesthésie comme lors de toute autre opération. Tous les moyens possibles sont mis en œuvre pour traiter toute complication qui peut surgir durant la césarienne. L’opération est pratiquée par un obstétricien.
Dr Veyasen Pyneeandee : Cette intervention chirurgicale consiste à faire une incision sur l’utérus pour extraire un bébé vivant. Ceci peut être fait en urgence ou programmé avec une anesthésie loco-régionale ou générale. Normalement, le résultat d’une césarienne est un rétablissement de la maman et l’arrivée d’un bébé. Mais dans toute intervention il y a des risques. Dans le cas de césarienne il peut y avoir une infection, une perforation des organes, une phlébite (caillots dans les jambes) ou, plus grave, une hystérectomie (l’enlèvement de l’utérus) ou la mort due à un défaut de coagulation sanguine. La césarienne ne doit être faite que par une équipe bien formée et selon des indications précises. Le médecin anesthésiste doit jouer un rôle primordial car il y a deux vies en jeu. L’opération doit être pratiquée par un médecin gynécologue/obstétricien qualifié en chirurgie gynécologique et non par des gynécologues médicaux. Les cas difficiles doivent être pratiqués par des ‘senior obstetricians’.
Q : Qu’est-ce qui doit être fait pour éviter toute négligence lors des césariennes ?
Dr Dev Anand Rajcoomar : Le terme « négligence » est interprété de différentes manières par différentes personnes. Médicalement, toutes les précautions nécessaires sont prises avant et après l’opération pour éviter toute complication, maladie ou mortalité. Les femmes enceintes devraient suivre un traitement prénatal approprié pour que toute anormalité soit détectée. Cependant, malgré tous les paramètres normaux, certaines complications peuvent surgir lors d’un accouchement. Les membres des familles des patientes sont informés des indications avant l’opération. Dans des cas exceptionnels où la condition maternelle ou fœtale présente des risques, une césarienne est pratiquée en urgence. Les familles en sont informées une fois qu’elles sont disponibles.
Dr Veyasen Pyneeandee : Pour éviter les négligences, il faut diminuer le pourcentage de césariennes pratiquées à Maurice qui est au-dessus de 30%, alors que dans les pays européens il est de 14-17%. Par ailleurs, j’ai entendu dire que les médecins gynécologues habitent loin de leur lieu de travail et qu’il y a une augmentation des césariennes avant leur départ à 16h. Cela démontre qu’il faut un gynécologue de garde et un anesthésiste qui reste sur place chaque soir à l’hôpital. Il faut aussi l’encadrement du personnel soignant par des gynécologues seniors. La mise sur pied d’un « risk management committee » dans les hôpitaux aiderait à identifier les problèmes et les mesures à prendre pour éviter les erreurs. Une cellule de communication avec les parents des victimes peut promouvoir leur confiance en la médecine.