«La Grande-Bretagne ne veut se soumettre à aucun arbitrage juridique», dit jayen Cuttaree
Tout n’est pas perdu pour Maurice. Malgré les tentatives de la Grande-Bretagne pour l’empêcher d ‘aller devant la Cour Internationale de Justice avec la ‘revised declaration’ émise mercredi à la Chambre des Communes, Maurice pourrait le faire.
Pas pour poursuivre la Grande-Bretagne, mais pour solliciter une opinion, soit, avoir un avis à titre consultatif. C’est ce que nous a déclaré le Premier ministre par intérim, Jayen Cuttaree, hier après-midi après qu’il a eu une conversation téléphonique avec Paul Bérenger qui, selon Jayen Cuttaree ,est dans un ‘fighting mood’.
Est-ce que Maurice sortira alors du Commonwealth ? Si Jayen Cuttaree préfère attendre l’arrivée du Premier ministre Paul Bérenger, dimanche, pour répondre à cette question, d’autres recoupements d’information proches de l’hôtel du gouvernement nous font accroire que Maurice n’aurait pas à ce moment-là besoin de sortir du Commonwealth. «Pour un avis consultatif, Maurice peut rester au sein du Commonwealth,» déclare un ministre à 5-Plus.
Pas de doute : cette semaine a été marquée par un rapport de force entre Maurice et la Grande -Bretagne. Si les Anglais ont remporté la première manche en faisant passer une ‘revised declaration’ à la Chambre des communes mercredi dernier visant à interdire à tout membre ou à tout ancien membre du Commonwealth de poursuivre le gouvernement britannique, depuis jeudi soir, Maurice revient en force et prend même de l’avance.
Mc Kinnon soutient Maurice
Une avance rendue possible avec le tête-à-tête qui a eu lieu à Londres jeudi soir entre le Premier ministre mauricien, Paul Bérenger, et le secrétaire général du Commonwealth, Don Mc Kinnon. Après cette rencontre, le secrétaire général du Commonwealth a, dans une conférence de presse, fait une sortie contre le gouvernement britannique tout en accordant son soutien au gouvernement mauricien, allant même jusqu’à mettre à sa disposition une aide légale du Commonwealth.
Une prise de position qui ne peut que ravir la communauté mauricienne et chagossienne dans la mesure où Don Mc Kinnon assure non seulement Maurice de son soutien mais critique également la manière de faire des autorités britanniques sur la polémique autour de la souveraineté des Chagos. Des propos musclés qui ne laisseront sûrement pas insensibles. «You do not hit someone over the head before they have come through your front gate,» devait déclarer un Don Mc Kinnon sévère aux journalistes. Ce dernier ne comprend pas non plus les raisons qui ont poussé Tony Blair, le Premier ministre britannique, à ne pas rencontrer le Premier ministre mauricien, Paul Bérenger, qui sollicitait une rencontre avec lui. Rencontre qui,paraît-il, était agréée au départ pour être annulée par la suite.
Car, a expliqué Mc Kinnon à la presse, certaines questions méritent d’être étudiées à haut niveau. Des commentaires bien accueillies à Maurice, à entendre Jayen Cuttaree, Premier ministre par intérim (en l’absence de Bérenger et de Pravind Jugnauth du pays). «Nous sommes heureux que le secrétaire général du Commonwealth, Don MC Kinnon, ait trouvé que les agissements de la Grande-Bretagne sont inacceptables.»
Jayen Cuttaree se dit aussi heureux parce que, selon lui, «la Grande-Bretagne se verra acculée sur le plan international.» Selon Jayen Cuttaree, n’importe quel observateur impartial ne pouvait qu’arriver à la même conclusion que le secrétaire général Mc Kinnon.
Commentant ces rebondissements autour de la souveraineté des Chagos, Jayen Cuttaree dit ne pas comprendre le comportement de la Grande-Bretagne. D’autant plus,ajoute -t-il, que «Maurice a affaire à un pays qui se targue d’être démocratique. » Mais, avance-t-il, lorsque la haute Cour de Londres donne un jugement en faveur des Chagossiens, les Britanniques prennent le couloir des ‘orders councils’. Lorsque le gouvernement mauricien veut aller devant la Cour Internationale de justice pour soumettre notre dossier à une étude, voilà qu’ils amendent des engagements et ce, avec effet rétroactif. » L’interprétation est donc claire pour Jayen Cuttaree : « La Grande-Bretagne ne veut se soumettre à aucun arbitrage juridique. La Grande-Bretagne sait que l’excision des Chagos est complètement illégale et elle sait qu’elle se verra acculée sur le plan international. »
Mais, souligne Jayen Cuttaree, « nous ne recherchons pas l’affrontement avec la Grande-Bretagne. Nous voulons trouver une solution dans le dialogue. » Première étape donc de cet imbroglio juridique : rechercher un avis consultatif auprès du Commonwealth.
Une direction dans laquelle regarde également Me Robin Mardaymootoo, avocat de la majorité des Chagossiens regroupés autour d’Olivier Bancoult, leader du Groupe Réfugiés Chagos’, qui estime que «pour avoir un avis de la Cour internationale on n’a pas besoin de sortir du Commonwealth. Poursuivre aurait été autre chose.»
«De quoi l’Angleterre a-t-elle peur ?»
Si plusieurs voix se sont élevées pour protester contre le retrait de Maurice du Commonwealth, Robin Mardaymootoo estime que «pendant 36 ans, Maurice a eu la sagesse de revendiquer ses droits de façon correcte et civilisée. Après ces longues années, il est normal de passer à l’étape supérieure. Et en plus, il faut dire qu’on n’agit pas illégalement. On est dans nos droits. Il faut se demander de quoi l’Angleterre a peur. Maurice, autant que je sache, n’a jamais demandé le départ des Américains. À étudier la façon de faire des Britannique, c’est à croire que Maurice est victime et que c’est l’Angleterre, la gérante des Chagos.» Alors que Robin Mardaymootoo prône le recours à la justice, Hervé Lassémillante, avocat ,lui, d’un autre groupe de Chagossiens menés par Fernand Mandarin, croit toujours – et ce depuis des années – qu’il n’y a que la pression diplomatique qui fera avancer cette question de souveraineté. «La Grande-Bretagne n’acceptera jamais de perdre.»
Interrogé sur la possibilité que Maurice a de se rendre à la Cour internationale de justice à titre consultatif, Hervé Lassémillante estime que effectivement Maurice pourrait le faire mais se demande si «dans le fond, cela changera quelque chose.»
Si Paul Bérenger a parlé longuement de la souveraineté de Maurice sur les Chagos, cette fois il n’a pas oublié d’évoquer également le drame humain des Chagossiens déportés illégalement depuis 1968 de leurs îles – qui après avoir obtenu un droit de retour dans leurs îles de la Haute Cour de Londres en 2000 a dû faire face à l’introduction des ‘orders in council’ depuis le 10 juin dernier et qui interdit et qui aux Chagossiens le droit d’aller dans leurs îles. Une prise de position appréciée des Chagossiens, selon Olivier Bancoult, (Groupe Réfugiés Chagos, GRC) : «Le gouvernement ne pense pas uniquement à la question de la souveraineté. Nous ne pouvons que saluer cette initiative. Depuis l’émission de ces orders in council, la communauté chagossienne a l’impression de faire face une nouvelle fois à une injustice inexplicable.» Mais comme d’habitude, l’infatigable Olivier Bancoult prépare déjà la riposte et est sur le pied de guerre.
Trop c’est trop, selon lui. Malgré une déclaration de Bill Rammel, ministre des Affaires étrangères, dans le Guardian vendredi, qui affirme que les Chagossiens pourraient se rendre dans les îles pour se recueillir sur les tombes, Olivier Bancoult ne veut pas se laisser duper. «Attention, ce n’est pas une faveur que nous fait le gouvernement britannique. Nous avons eu le droit de retourner dans les îles. Mais le gouvernement britannique est venu avec ces orders in council contre lesquels nous protestons vivement. C’est un viol de nos droits fondamentaux.» nous dit le leader du GRC.
Jeremy Corbyn parlera aux Chagossiens
Alors comme toujours, les membres du Groupe Réfugiés Chagos ne resteront pas les bras croisés. Ce dimanche est prévue une réunion au cours de laquelle sera préparée une manifestation devant la Haute Commission britannique pour bientôt. C’est pendant cette manifestation que Jeremy Corbyn, le député britannique Travailliste qui ne rate aucune occasion à la Chambre des communes pour défendre la cause chagossienne (sa dernière touchante intervention eut lieu mercredi dernier quand il déclara qu’il est temps que quelqu’un demande enfin pardon au nom du gouvernement britannique aux Chagossiens) s’adressera de Londres aux natifs des îles Diego, Perhos et Salomon. Ensuite, du 19 au 23 juillet prochains, Olivier Bancoult s’adressera à la tribune de l’ONU à Genève où encore une fois il plaidera la cause de son peuple.
Fernand Mandarin, qui dirige le ‘Comité Social des Chagossiens’, estime de son côté qu’il n’est pas nécessaire pour Maurice de sortir du Commonwealth estimant selon lui qu’à l’occasion de l’indépendance chaque année des Mauriciens obtiennent des médailles de la reine d’Angleterre. S’agissant de la question de la compensation, alors que la décision de l’appel devait être rendue au courant de cette semaine, finalement cet appel a été repoussé. Si le Groupe Réfugiés Chagos envisage d’aller jusqu’à la Cour européenne pour obtenir les compensations demandées, le Comité Social Chagossien, lui, ne change pas de position estimant qu’il n’y a que les négociations qui peuvent faire fléchir Londres. Gageons que les Chagos occuperont encore l’actualité pour quelques jours encore. Que disons-nous ? Pour quelques années encore peut-être…