Nos politiciens réagissent enfin en adultes. Sur un dossier aussi sensible que le sucre, ils ont compris que l’intérêt du pays passait avant tout autre considération. Politicienne s’entend.
Si la démarche de l’Opposition peut étonner, il faut se réjouir de l’attitude conciliante du gouvernement. Car, les deux camps ne nous ont jusqu’ici pas habitués à tant de civilités, tellement ils adorent se rentrer dedans sans ménagement.
Mardi dernier, à l’Assemblée nationale, Navin Ramgoolam a opté pour la sobriété dans le ton. Il est même allé jusqu’à remercier le ministre Nando Bodha de lui avoir fourni autant de détails sur le danger qui guette tous les pays regroupés au sein de l’Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP), dont Maurice. L’Opposition privilégiant une attitude responsable.
Pourquoi ce soudain changement d’attitude de la part du leader de l’Opposition, alors qu’il est très remonté contre le régime en place dans des réunions publiques? Navin Ramgoolam est conscient que ce marché protégé, garanti et à durée indéterminée, qui a agi comme un filet protecteur pour notre sucre, porte la griffe de feu son père et de ses lieutenants d’alors. Il sait aussi - même s’il dit ne pas porter dans son coeur les barons sucriers - que notre économie repose encore sur une industrie sucrière en pleine restructuration. Cette épine dorsale est attaquée. Il faut donc réagir et parler à l’unisson.
Ces attaques sur le Protocole sucre ne sont pas des moindres et le leader de l’Opposition en a pris pleinement la mesure. En sus d’être remis en question par la Commission européenne, ce régime sucrier protecteur dont ont bénéficié les pays ACP est remis en cause par le trio constitué du Brésil, de la Thaïlande et de l’Australie.
Maurice, comme à son habitude, a saisi toute l’importance d’un tel danger et a commencé à faire un intense lobbying auprès des pays frères lors du dernier sommet des ACP, tenu à Maputo, Mozambique. Notre voix s’est fait entendre d’une manière sans équivoque. Une importante réunion est prévue cette semaine à Athènes entre Pravind Jugnauth, Nando Bodha et le Commissaire européen Fichler.
L’Opposition semble satisfaite du ‘move’ du gouvernement. À tel point que, par la voix de son leader, elle a proposé son aide au pays en danger. Le geste a été à juste titre apprécié par Paul Bérenger. C’est le début d’un dégel. “People like you are ok, mais pas ces deux-là”, a-t-il dit.
Le Premier ministre désignait du doigt Madan Dulloo et, plus particulièrement, Arvin Boolell qui était la voix discordante au sein de l’Opposition. Pourquoi ce ton persifleur de la part d’un ex-ministre de l’Agriculture ? Pourquoi une position aussi tranchée que celle adoptée par Navin Ramgoolam sur la question ?
Si le bouillant député rouge a de bonnes raisons de prétendre qu’il maîtrise mieux le dossier sucre que son leader, il était plus à même d’appréhender le danger qui nous guette. En conséquence, il aurait dû s’aligner tout logiquement sur la posture responsable de Navin Ramgoolam. Non, M. Boolell a préféré se démarquer. Pour des raisons qui sont les siennes mais qui ne servent pas le pays.
À un moment où gouvernement et Opposition doivent éviter de se retrouver en ordre dispersé afin d’assurer la perennité du secteur sucrier, jouer les trouble-fétes relève de l’irresponsabilité. Pour ne pas dire de l’infantilisme.