Sandrine Duval, enceinte de deux mois et demi, a assisté à l’agression de son concubin.
C’est une mère anéantie par la douleur.
Un an et demi après avoir perdu son fils Richard dont le corps avait été retrouvé au dépotoir de Roche-Bois, Christiane Bégué pleure la disparition tragique d’un second enfant. Téphen, 18 ans, a été assassiné quelques heures après le réveillon de la Saint-Sylvestre. Celui-ci laisse aussi derrière lui une petite amie, enceinte de deux mois et demi, qui nous livre un bouleversant témoignage.
Les larmes lui viennent aux yeux à la seule évocation de son fils. À la seule prononciation de son prénom. Christian Bégué, 18 ans, plus connu comme Téphen, était devenu la raison de vivre de sa mère Christiane depuis qu’elle avait perdu son fils Richard Bégué, âgé de 22 ans, le 12 mai 2011. «Téphen était tout pour moi. On me l’a arraché. Je suis anéantie», pleure-t-elle, écrasée par la douleur. Celui-ci a été tué quelques heures après le réveillon du Nouvel an.
Il a reçu plusieurs coups de cutter en pleine rue lors d’une bagarre. Il a été transporté d’urgence à l’hôpital SSRN aux alentours de quatre heures du matin le 1er janvier, où les médecins n’ont pu que constater son décès. Quatre personnes ont été arrêtées suite à ce meurtre : Thierry Victoire, 27 ans, Marie Oriana Moorghen, 24 ans, enceinte de quelques mois, et Ronan David Victoire, 29 ans, qui ont été placés en détention, ainsi que Louis Patrice Kervin Victoire, 30 ans, qui a, lui, été libéré sur parole (voir les circonstances du drame en hors-texte).
Assise dans sa modeste case en tôle, à Cité Bois-Marchand, cette mère de famille, écrasée par le chagrin, a encore du mal à comprendre les circonstances dans lesquelles son fils Téphen a trouvé la mort. «Je me suis rendue à l’hôpital quelques minutes après avoir appris la terrible nouvelle. Une fois là-bas, j’ai appris qu’il était mort», soupire Christiane, pleine de tristesse.
Pourtant, quelques heures plus tôt, l’ambiance était à la fête chez les Bégué pour accueillir 2013. «On a pris un repas en famille. À minuit, on s’est souhaité une bonne année. Puis Téphen s’est approché de moi avec deux verres de bière en main et m’a dit de trinquer à sa santé car il se pourrait que je ne le revoie plus jamais. Puis, vers minuit et demi, il s’est rendu chez sa belle-mère qui habite la même localité. Après cela, je n’ai pas revu mon fils vivant», confie Christiane en sanglots. Ce drame est d’autant plus difficile à accepter pour elle qui, en 2011, avait enterré son fils Richard, alors âgé de 22 ans. Il ne lui reste plus que ses deux filles âgées de 24 et 10 ans.
Son fils Richard avait été retrouvé mort au dépotoir de Roche-Bois le 12 mai 2011. Il se rendait de temps à autre en ces lieux pour récupérer quelques affaires qu’il revendait ensuite. Selon les enquêteurs chargés de cette affaire, le jeune homme aurait fait une chute fatale. Il serait tombé d’une passerelle haute de 20 pieds. Mais Christiane ainsi que ses proches n’ont jamais accepté cette thèse.
Pour elle, son fils, qui avait été libéré quelques jours avant sa mort, après avoir passé neuf mois en prison pour une affaire de drogue, a été victime d’un acte malveillant. Pour elle, c’est la seule explication qui tienne la route, même si le rapport d’autopsie a conclu à une fracture du crâne et qu’aucune trace de blessures n’a été relevée sur le corps de Richard.
«Il n’a pas fait une chute, comme l’ont expliqué les policiers. Je suis convaincue qu’il a été battu. Mon cœur de mère le sent. Si justice n’a pas été rendue pour Richard, il faut que ça soit le cas pour Téphen. Je me battrai jusqu’au bout pour cela. C’est trop de perdre deux fils tragiquement», martèle Christiane déterminée. «Ceux qui ont tué Téphen de sang-froid doivent payer pour leur crime. Que justice soit faite. C’est tout ce que je veux», avance cette mère, entre révolte et chagrin.
«On allait se marier»
Des sentiments qui accablent également Sandrine Duval, la petite amie de la victime. L’adolescente de 17 ans, enceinte de deux mois et demi, n’arrête pas de pleurer depuis qu’elle a perdu celui dont elle partageait la vie depuis un an. Elle ne sait pas de quoi son futur et celui de son enfant à venir seront faits. «C’est très dur de me dire que mon enfant ne connaîtra pas son père. Téphen voulait avoir une fille. Il avait tout plein de projets pour nous trois. Il travaillait comme maçon pour Gamma Civic et gagnait sa vie assez bien. Il voulait commencer la construction de notre maison cette année. Après la naissance de notre enfant, on allait de se marier. Mais tous nos rêves se sont effondrés. Je ne sais pas comment je dois envisager l’avenir. Je ne travaille pas. Je suis toujours sous le choc», se lamente la future maman.
Le 2 janvier 2013, Sandrine et Téphen devaient célébrer leur premier anniversaire de vie de couple. Mais c’est à l’enterrement de son bien-aimé que la jeune femme a assisté ce jour-là. «Je n’arrive toujours pas à croire ce qui m’arrive. On aurait passé une journée en amoureux le 2 janvier. Hélas, le destin en a voulu autrement», confie tristement Sandrine, perdue dans ses pensées.
Et dire, dit-elle, que quelques minutes après les pétarades, les présumés agresseurs de Téphen lui auraient souhaité une bonne année. «Toute la bande nous a souhaité une bonne année, à moi et Téphen. Ils habitent la maison en face de chez ma mère. D’ailleurs, Oriana Moorghen est une amie de la famille. J’arrive difficilement à croire qu’elle ait pu faire quelque chose d’aussi horrible.»
L’avenir de cette jeune femme sans emploi, qui sera maman dans quelques mois, s’annonce des plus sombres. Elle n’oubliera jamais ce matin du 1er janvier 2013 où sa vie a été bouleversée à jamais, où elle a vu cet être qui lui est si cher s’effondrer dans une mare de sang pour ne plus se relever. Encore moins les derniers mots prononcés par celui-ci : «Mo pé al mort bébé.»
Les raisons du drame…
C’est une tragédie qui a pour toile de fond une banale histoire entre deux gamins. Tout remonte à 15 jours plus tôt. Le fils de Marie Oriana Moorghen, plus connue comme Tifi, est tabassé par un ado de la région. L’enfant, âgé de 10 ans, relate sa mésaventure à sa mère et affirme que son agresseur est un adolescent de 15 ans, qui est ami avec Téphen Bégué. Cette histoire aurait, semble-t-il, révolté Thierry Victoire, le concubin de Tifi. Il aurait, à son tour, donné une raclée à l’un des amis de l’adolescent de 15 ans, faute de n’avoir pu mettre la main sur celui-ci.
«Depuis cette affaire, Thierry et Tifi ne quittaient plus leur maison. Les gens de la cité les recherchaient pour leur mettre une raclée car Thierry avait roué de coups un innocent. Ce n’est que le 31 décembre qu’ils ont été vus dans la cité. Tifi, que j’avais rencontrée plus tôt, me disait qu’il allait y avoir de gros dégâts si jamais une personne s’en prenait à Thierry ou à elle et qu’ils avaient déjà affûté leurs armes pour parer à toute éventualité», témoigne Sandrine Duval, la concubine de Téphen.
Et aux alentours de 4 heures, alors que Sandrine, Téphen et les autres dansaient au son d’un séga, ils auraient été alertés par des cris venant de l’extérieur. «Un groupe de personnes s’était massé dans la rue, en face de la maison de ma mère où on s’amusait en famille. En voyant Téphen, un de ses amis lui a dit que mon frère se faisait tabasser. Il a foncé pour le défendre et c’est là que ses agresseurs l’ont immobilisé pour l’agresser à coups de cutter. Plus tard, j’ai réalisé que ce n’était même pas mon frère qui se faisait passer à tabac. C’était une autre personne qui portait des vêtements de la même couleur que ceux de mon frère», soutient la jeune femme.
«Tout s’est passé tellement vite. J’ai essayé de me frayer un chemin dans cette foule de personnes pour porter secours à Téphen. Il nageait dans une mare de sang. J’ai essayé de le soulever, avec l’aide de quelques proches avant qu’on ne le transporte à l’hôpital où il a rendu l’âme», pleure Sandrine.
Les trois suspects en détention dans cette affaire : Thierry Victoire, Marie Oriana Moorghen (Tifi) et Ronan David Victoire, ont avoué leur participation à ce crime barbare. Arrêté sous une charge provisoire d’homicide, Thierry Victoire a confié aux enquêteurs que le jour du drame, il était assis en compagnie de sa concubine, mère de trois enfants, devant la maison de cette dernière, quand un groupe d’individus, dont Téphen Bégué, se serait approché d’eux en proférant des menaces.
Toujours selon ses dires, la bande à Téphen aurait par la suite lancé des bouteilles de bière et des pierres dans leur direction. Furieux, Thierry Victoire serait rentré chez lui pour prendre une arme tranchante avec laquelle sa compagne et lui auraient mortellement agressé Téphen. Ronan David Victoire a, pour sa part, reconnu avoir tabassé Téphen Bégué avec un sabre. Ils demeurent tous en détention policière.