Le Caporal Nicolas est mort au service de sa patrie d’adoption. Son service militaire devait prendre fin à la fin du mois de juin
Lui qui aimait l’armée a sauté sur une mine à des milliers de kilomètres de son pays natal, l’île Maurice. Marine jusqu’au bout, Jean Bernard Dominique Nicolas, 30 ans, voulait être soldat. Il l’a été. Il est mort en Iraq pour sa patrie d’adoption.
C’est le 26 mai dernier, alors qu’il participe à l’opération ‘Iraqi Freedom’, une opération de combat, que tout prend fin pour lui. Il trouve la mort dans une explosion dans la province d’Al Anbar qui se trouve à l’ouest de Bagdad. Deux de ses amis perdent également la vie.
C’est le choc, la tristesse, la consternation pour tous ceux qui l’ont connu. La famille est plongée dans la désolation. Une famille meurtrie d’avoir perdu un des siens. Un fils qu’elle n’a pas revu depuis longtemps et qu’elle ne reverra jamais.
Ancien compagnon d’entraînement d’athlétisme de Dominique, Thierry Arekion a été surpris comme tant d’autres en lisant cette nouvelle dans les journaux : “La mort de Dominique m’a donné un grand choc. Quand je ferme les yeux, je le revois en train de persévérer au cours des entraînements. Quand on pense à la guerre en Iraq, on est loin de se douter que cela risque de nous concerner jusqu’au moment où un des nôtres est tué”.
Selon un communiqué de l’ambassade des États-Unis, le caporal Nicolas était assigné au ‘Head quarters and Service Co’, au second bataillon, 1ère division, 7ème des Marines. À l’occasion du ‘Memorial Day’ en hommage aux soldats décédés au combat, célébré le 31 mai au États-Unis, un hommage a aussi été rendu au Mauricien qui est mort “avec honneur en service pour les États-Unis et pour le monde” de même qu’à 79 autres marines du même batallion qui sont morts depuis le début de l’année dans la province d’Al Anbar.
Le communiqué décrit le caporal Nicolas comme un soldat courageux. Le défunt s’est vu décerner à titre posthume de nombreuses décorations, notamment le ‘Combat Action Ribbon’, la Armed Forces Expeditionary Medal’, le ‘Sea Service Development Ribbon’, la ‘National Defense Service Medal’ et la ‘Presidential Unit Citation’.
Dominique Nicolas, c’est l’histoire d’un jeune garçon qui, à l’école primaire, était discret. C’est aussi l’histoire d’un adolescent qui, au collège, se distinguait au 400m et au 800 m dans les compétitions sportives. Il était ambitieux. Il était persévérant
C’est à l’école primaire Philippe Rivalland, à Beau-Bassin, que le jeune Dominique commence à voler de ses propres ailes. Déjà très jeune, il s’éloigne de la maison familiale située à Pamplemousses pour venir loger chez sa grand-mère qui habite à proximité de l’école qu’il fréquente. Dominique veut à tout prix réussir. Il désire plus que tout poursuivre ses études secondaires au collège du Saint - Esprit à Quatre-Bornes.
Le sport a bercé son adolescence
Défi relevé. En 1980, il débute ses études dans l’institution quatre - bornaise. Lawrence Wong Tak Wan, qui a cheminé de la seconde en primaire jusqu’au collège avec Dominique, garde un bon souvenir de leurs années passées ensemble : “Spécial. C’est le mot qui convient le mieux à Dominique. C’était quelqu’un de gentil et de très doux. Il se faisait rarement entendre mais était souvent à l’écoute. Académiquement, il faisait tout ce qu’il fallait faire pour s’en sortir. Il alliait parfaitement les études et sa passion qui était le sport. Il était tellement doué que lorsqu’il était minime, il arrivait à rivaliser et même battre ceux qui étaient plus âgés que lui”.
Dominique se distingue alors très vite dans les disciplines sportives. Il excelle en athlétisme et consacre même ses heures libres à s’entraîner dans la cour de l’école. “Il ne s’asseyait pas avec ses amis. Durant les pauses déjeuner, il préférait courir”, se souvient Billy, un de ses amis. Josian Bérard, un ancien camarade de classe, aujourd’hui enseignant au St-Esprit, se rappelle : “Dominique était quelqu’un de très ouvert, il aimait bien rigoler”.
Pour Jacques Malié, l’actuel recteur du collège St-Esprit, “il est toujours triste de perdre un des nôtres”.
Paul Randabel, son enseignant, se souvient de lui comme un fonceur dans la vie : “Il était souvent sur le terrain pour se perfectionner; c’est en tant que tel que je me souviens de lui”. Les efforts de Nicolas ne sont pas vains car, en sus de collectionner des médailles au nom de son institution scolaire, il représente Maurice sur le plan régional à l’île de la Réunion et aux Seychelles.
Un jeune homme dans le vent. Son aisance, ses grandes foulées, son sourire et la joie de la victoire faisaient de Dominique un maître de la piste. Il récolte de nombreuses médailles d’or. Ce qui fait la fierté de son entourage.
Tout bascule, ses espoirs tombent à l’eau quand il n’est pas choisi pour intégrer l’Institut du sport et de l’éducation physique. Déçu, il délaisse sa passion.
Dominique n’était pas un indécis. Il savait ce qu’il voulait. Parmi ses autres passions, les États-Unis, son rêve américain qui figurait en bonne position dans ses projets à réaliser. Il rêvait du pays de Christophe Colomb et ne le cachait pas. Cette attirance pour ce pays qui lui était alors inconnu, il l’avait sans doute à cause de ses origines. Son arrière-grand-père était Américain.
Dominique s’éloigne de ses parents
L’année de ses 19 ans, en 1993, il quitte l’école avec en main son ‘School Certificate’. Une nouvelle passion naît alors. Il découvre le goût de la navigation en se faisant embaucher comme ‘Navigating Cadet’ sur le “Souillac”, un bateau appartenant à la compagnie ‘Rogers’. Dominique est affecté sur le pont. Il découvre le large, la liberté et s’éloigne à nouveau de ses parents.
L’homme sportif se sent dans son élément, il communique avec l’océan. Sa première traversée, il la fait de Port-Louis à Singapour. Dominique en sort transformé. “Il aimait son emploi de ‘marine’”, nous dit un de ses proches.
1995: il embarque sur le “Bel Azur” pour une autre traversée. Direction: Bombay, l’Inde. Au cours d’une escale d’un mois à Hô Chi Minh City, Vietnam, Dominique se fait surprendre par l’amour en la personne d’une belle Américaine. Une partie de son rêve américain prend forme et il l’épouse une année plus tard en Malaisie. Ses parents sont informés de ce changement dans sa vie.
Le couple décide d’installer leur cocon d’amour aux États-Unis, précisément en Arizona. “Il a quitté la compagnie en 1996, après la rencontre avec celle qui allait devenir son épouse”, dit Edley Elliah, cadre à Rogers au département ‘Shipping’. Vincent Ollivier, ‘Technical Manager’ au même département, se souvient toujours de Dominique Nicolas: “C’’était quelqu’un de jovial et d’appliqué. S’il avait persévéré, il serait devenu commandant..
Dans sa nouvelle vie aux États-Unis, Dominique est cadre dans une compagnie téléphonique. Le jeune époux délaisse pour quelque temps la mer. Entre-temps, il obtient la nationalité américaine.
Et il devint caporal
Son esprit d’aventure est plus fort que tout. L’appel du large est tenace. Le besoin de se retrouver en mer se fait sentir. En 2000, il s’engage comme ‘marine’ dans l’armée américaine. Parallèlement, il poursuit ses études, obtient son diplôme d’ingénieur et se met à apprendre plusieurs langues étrangères, notamment l’espagnol et l’arabe. Il devient très vite caporal. Quelques années plus tard, le couple bat de l’aile. C’est le divorce.
Sa famille et ses proches amis se souviendront toujours de sa dernière visite à Maurice en 2002 où Dominique leur disait sa fierté d’avoir intégré le corps des marines. “Ce qui m’avait marqué, c’était son accent très américain”, confie Josian Bérard.
La carrière de Dominique prend une nouvelle dimension en 2003. Les États-Unis envahissent l’Irak en mars et la guerre éclate. Dominique se retrouve au front. Le caporal Nicolas demeure en Irak jusqu’en septembre de l’année dernière. Le voilà de retour aux Etats-Unis. Mais son désir d’être au service de son pays d’adoption est tellement fort qu’il change de bataillon (le sien n’étant plus au front) au début de cette année, et retourne en Irak.
Il est loin de se douter que ce sera son dernier voyage. Selon des recoupements d’informations, le service militaire de Dominique devait prendre fin vers la fin de juin et il avait déjà fait part autour de lui de son intention de renouveler son engagement.
“Je me rappelle avoir rencontré le père de Dominique, il y a quelque temps de cela; il me faisait part de ses inquiétudes car Dominique ne donnait pas de ses nouvelles”, nous dit un ami proche de la famille.
Le pire s’était, hélas ! déjà produit. Le 26 mai, Dominique au coeur de l’action a rendez-vous avec son destin. Il saute sur une mine et meurt sur le coup.
Il laisse derrière lui sa maman Rosalyne, son père Ghyslain, son frère Christian et sa soeur Brigitte. Sollicités pour une déclaration, les parents affirment qu’ils n’ont pas beaucoup d’informations sur les circonstances dans lesquelles Dominique a perdu la vie.
À hier, la date exacte du rapatriement du corps de Dominique Nicolas n’était pas encore connue. Son corps se trouve actuellement sur la base militaire de New-Jersey. La pratique veut que l’armée américaine restitue le corps du soldat à la famille pour les funérailles. “Nous n’avons pas plus de détails”, nous dit le père de Dominique, Ghyslain Nicolas.
Par Nadine Bernard et Christophe Karghoo
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Jayen Cuttaree: “Je suis bouleversé par la mort de ce garçon”
Sollicité pour une déclaration sur la mort de Dominique Nicolas en Iraq, le ministre des Affaires étrangères, Jayen Cuttaree, nous a fait la déclaration suivante: “ C’est un choix personnel que Nicolas a fait en s’engageant dans l’armée américaine. Je suis bouleversé par la mort de ce garçon”
Le collège St-Esprit de “tout coeur” avec la famille endeuillée
Le recteur du collège du St Esprit, où étudiait Dominique Nicolas, a tenu à montrer sa solidarité à la famille de ce dernier. “Nous sommes de tout coeur avec la famille de Dominique Nicolas et avons une pensée pour elle dans ces moments difficiles”, a-t-il dit. C’était vendredi dernier lors d’un dîner regroupant des athlètes du collège. Il a, lors de sa brève intervention, aussi souligné “la personnalité sympathique et affable” de Dominique. Jacques Malié nous confie aussi que des prières seront dites notamment, lors de la messe de fin d’année du collège pour le Mauricien décédé en Iraq. Toutefois, aucune célébation spéciale n’est, pour l’instant, prévue en mémoire de Dominique Nicolas au collège.
Une guerre d’une année
En 2003, l’Amérique décide de “libérer l’Iraq d’armes de destructions massives”. Cette intervention en Iraq “vise à rendre le monde plus pacifique et pour la sécurité des États-Unis”, selon George W. Bush. Le 20 mars 2003, les forces terrestres américano-britanniques font leur entrée dans le Sud de l’Iraq.La guerre débute. L’enlisement s’ensuit. Fallouja devient un bastion de la résistance contre l’armée d’occupation. Mais contre vents et marées, le président américain Georges W. Bush maintiendra la date butoir pour la passation des pouvoirs en Iraq: le 30 juin prochain.