C’est au beau milieu de ce champ qu’habite la famille Vert.
Shirley et sa famille n’ont parfois d’autres choix que de boire l’eau impure de cette rivière.
Si la plupart des Mauriciens arpentent les grandes surfaces pour remplir leurs caddies ou faire leurs achats de Noël, tel n’est pas le cas de la famille Vert qui vit dans une extrême pauvreté. Pas de nourriture, pas de jouets à offrir aux enfants… les festivités ne seront pas magiques pour ces oubliés du Père Noël.
Leur maison ne brille pas de mille feux en cette période festive. Et, leurs visages ne sont pas illuminés non plus à l’approche de Noël. Bien au contraire. C’est de la tristesse qui se lit dans leurs yeux, alors que le mois de décembre est synonyme de fêtes, de joie et de bonne humeur. Eux, ce sont les membres de la famille Vert que nous avons rencontrés le mercredi 19 décembre.
Il est à peine 9h15 lorsque nous découvrons, avec stupeur, le logement délabré de Shirley Julie, 41 ans, mère de Daria, 13 ans – et atteinte de trisomie 21 –, Darius, 11 ans, et Darwin, 9 ans, et de son compagnon Dario Vert, qui lui, est âgé de 43 ans. S’ils habitent bien à Quatre-Bornes, ce n’est toutefois pas en plein centre-ville, où l’on peut voir des infrastructures modernes, des magasins joliment décorés pour Noël. Mais c’est au beau milieu d’un champ, non loin du kovil (temple tamoul) de la montagne, à la fin d’un sentier au bout de Gopal Lane à Palma (il faut tourner à droite), qu’ils ont élu domicile depuis déjà deux ans. Un simple coup d’œil aux alentours et l’on constate vite qu’il n’y a aucune habitation, mise à part la bicoque en tôle de cette famille, sur laquelle plane le spectre de la pauvreté.
La maisonnette est complètement trouée, recouverte de plusieurs morceaux de bâches et de plastique en tout genre, alors que l’intérieur est dépourvu de tout signe de richesse. Le salon, habillé d’un set de sofas déchirés et de quelques fleurs qui ont perdu tout leur éclat, témoigne de l’atmosphère qui règne en ces lieux. Alors que normalement, il aurait dû y avoir des guirlandes et autres objets de déco annonçant l’arrivée de la Noël.
Une autre pièce, qui fait, elle, office de cuisine, fait également peine à voir. Dans un coin, toutes les marmites sont vides alors que traînent deux sachets de Mine Apollo sur le plan de travail. Ceux-ci serviront à préparer un repas deux en un, explique Shirley. «Les enfants n’ont rien mangé depuis ce matin. Nous n’avons pas de quoi les nourrir. On va faire bouillir ces Mine Apollo pour le déjeuner. Mon fils Darwin est allé à l’école le ventre vide ce matin. Il suit le Summer school programme. L’année prochaine, il sera admis en cinquième», confie cette mère de famille, les larmes aux yeux.
À ses côtés, la petite Daria, atteinte de trisomie 21 et muette, l’écoute attentivement, la tête baissée. Darius, lui, le visage fermé, a le regard fixé sur sa mère. Le garçonnet, qui fait la fierté de sa famille, vient de décrocher 14 unités aux derniers examens du CPE. Et ce, même si c’est accroupi sur le lit qu’il faisait ses devoirs, faute d’un bureau. S’il a pu décrocher une place au collège Eden de Rose-Hill, Darius n’est même pas sûr de faire son entrée en Form I. «Nous n’avons pas d’argent pour acheter son uniforme, ses livres et tout ce dont il aurait besoin. Je ne sais pas quoi faire. Je ne peux pas travailler car je dois m’occuper de ma fille. Le père de mes enfants travaille au jour le jour. Auparavant, il bossait comme maçon. Mais depuis quelque temps, il n’a pas de boulot. Il quitte la maison tôt le matin à la recherche de vieille ferraille qu’il vend par la suite. Il obtient entre Rs 100 et Rs 200. C’est avec cette seule rentrée d’argent que nous vivons», explique-t-elle, d’une voix remplie de chagrin. Cette situation n’empêche pas Darius de voir l’avenir en grand. «J’aime aller à l’école. Ma maman dit toujours qu’il faut apprendre pour cesser d’être pauvre. C’est ce que je fais», dit-il.
Plongée dans ses pensées, Shirley reste silencieuse pendant un moment, avant d’éclater en sanglots. Trop, c’est trop pour elle. «Il n’y aura pas de fête pour Noël, pas de cadeaux pour les enfants, pas de repas de famille, encore moins de vêtements neufs et pas de sapin non plus», avance-t-elle. Prenant son courage à deux mains, elle nous fait visiter la chambre à coucher de sa famille. Celle qui est partagée par les enfants et les parents. «Il y a deux lits posés l’un à côté de l’autre. Mes trois enfants dorment tous ensemble et mon compagnon et moi partageons l’autre lit», souligne Shirley.
Zéro intimité donc pour ce couple dont le quotidien relève d’un véritable parcours du combattant. Le seul luxe qu’ils peuvent se permettre est une télé, placée dans la chambre, sur un vieux buffet qui sert aussi d’armoire. Mais le pire cauchemar de cette famille demeure le manque d’eau. Car elle n’est pas connectée au réseau de distribution de la CWA. Pour s’approvisionner, les enfants doivent marcher des kilomètres pour aller chercher de l’eau chez un Bon Samaritain de la région. Quand ce dernier ne se trouve pas chez lui, Shirley et ses enfants n’ont d’autre choix que d’aller puiser de l’eau dans une rivière située derrière leur maison. «L’eau de la rivière sert à laver le linge, à nettoyer la maison et à se doucher. Mais il arrive qu’on boive cette eau et que je cuisine avec», raconte-t-elle. Une eau à l’aspect verdâtre, qui donne presque envie de vomir. Car des déchets en tout genre flottent à la surface.
Cette situation d’extrême pauvreté, Shirley l’associe en partie à la descente aux enfers du père de ses trois enfants. Ce dernier, qui était plongé dans l’univers de la drogue dans un lointain passé, a toutefois pu s’en sortir grâce à l’aide de plusieurs ONG qui militent contre ce fléau et pour la réinsertion sociale des ex-dépendants. Le seul hic : il peine aujourd’hui à trouver un emploi à long terme. «Il est maçon de don métier. Mais ce créneau souffre beaucoup actuellement et il ne trouve pas d’emploi, alors qu’il souhaite que nous mangions tous à notre faim et que nous ayons une vie meilleure», assure Shirley.
Un loyer qui s’élève à Rs 500 par mois et cinq bouches à nourrir… La vie des Vert est loin d’être facile. Un souhait pour Noël ? Ils semblent ne pas en avoir. Car comme le dit haut et fort le petit Darius, «le père Noël ne passera pas» chez eux…
Soyons solidaires
Pour que la magie de Noël opère, les Vert ont besoin de la solidarité des Mauriciens. Pour leur venir en aide, vous pouvez contacter Shirley sur le 931-2219. Si le cas du petit Darius, qui doit faire son entrée en Form I vous interpelle, n’hésitez pas à le sponsoriser afin qu’il puisse continuer ses études dans de meilleures conditions. Vous ferez ainsi un beau geste pour Noël. Après tout, Noël c’est le partage. À vous de jouer pour que la magie opère !