La jeune maman est soutenue par sa mère Bindu Matty et son père Lorenzo
Le couple au temps du bonheur.
Il y a trois mois, elle pleurait la disparition de son fiancé qui a péri noyé lors d’une séance d’entraînement du Groupe d’intervention de la police mauricienne à Sept-Cascades. Alors enceinte de sept mois, la jeune femme a donné naissance à leur fils il y a quelques jours. Entre joie et tristesse, Laëticia Mazone parle de sa nouvelle vie.
Il s’appelle Havish, il a quelques jours à peine et a redonné le sourire à sa mère depuis sa venue au monde. Laëticia Mazone regarde avec tendresse son fils nouveau-né, profondément endormi tel un petit ange. Ce fils qui est maintenant sa raison de vivre, qui représente un bonheur immense dans un océan de détresse. Ce fils qui ressemble trait pour trait à son père qu’il ne connaîtra, hélas, jamais. Mais qui restera à jamais vivant dans le cœur de Laëticia.
«Même s’il n’est pas là physiquement, Nitish vit dans mon cœur ainsi que dans celui de mes parents et de ses parents. Il ne se passe pas un jour sans qu’on ne pense à lui. Son absence se fait terriblement sentir. Il m’arrive parfois de prendre mon téléphone portable et de l’appeler car j’oublie qu’il n’est plus là. Puis je me ressaisis et je réalise la triste réalité. À ce moment-là, les larmes me viennent aux yeux. On avait tellement de projets et toute la vie devant nous», pleure Laëticia, en serrant son bébé dans ses bras. Quand elle contemple ce petit être qui lui rappelle tant son défunt amour – dont les photos tapissent les murs de la chambre du bébé –, son chagrin se transforme subitement en joie. Mais la tristesse, la solitude sont toujours là à rôder.
Quand elle repense au 29 septembre 2012, son cœur se serre, les larmes perlent dans ses yeux. Car ce jour-là, elle a perdu l’homme de sa vie, le père de son enfant dans de tragiques circonstances : celui-ci, Nitish Binda, 22 ans, est mort noyé lors d’une séance d’entraînement du Groupe d’intervention de la police mauricienne (GIPM) ainsi qu’un autre de ses jeunes collègues, Sylvestre Nanon.
Depuis ce drame, l’univers de Laëticia s’est écroulé. Tel un château de cartes. Et dire que juste avant, la jeune femme souriait à la vie… et la vie lui souriait en retour. Elle avait tout pour être heureuse. Elle avait à ses côtés l’homme de sa vie, des parents et des beaux-parents dont tout le monde rêve. Mais, surtout, elle attendait un heureux événement. Enceinte de sept mois, Laëticia portait en elle le fruit de l’amour qui l’unissait à Nitish Binda. Jeunes et amoureux, les tourtereaux avaient des projets plein la tête.
Le couple avait hâte que son bébé vienne au monde et avait déjà commencé les préparatifs en vue de l’accueillir. Après la naissance, Laëticia et Nitish avaient prévu de convoler en justes noces afin d’officialiser leur union. Mais tous leurs rêves se sont brisés en mille morceaux en l’espace d’un instant. Car quelques heures après que Nitish Binda eut quitté son domicile, en ce fameux 29 septembre, ses proches apprenaient une bien triste nouvelle : celle de la disparition brutale du jeune policier.
Aux oubliettes
Nitish Binda, qui avait rejoint la force policière en 2010, avait été choisi pour intégrer l’équipe du GIPM deux semaines plus tôt, ainsi que sept autres de ses camarades. Hélas, lors de cette session d’entraînement à Sept-Cascades, le pire est arrivé (voir les circonstances du drame en hors-texte). Depuis, les semaines ont passé et cette affaire tragique semble avoir été reléguée aux oubliettes par les autorités.
Mais pas pour Laëticia et ses proches qui ne cessent de penser à Nitish et de le pleurer, surtout quand ils songent qu’il ne connaîtra jamais son fils tant attendu, venu au monde le 2 décembre, soit deux jours après son anniversaire. Et bien qu’entourée de sa mère Bindu Matty et de son père Lorenzo, un Italien, la jeune mère avoue se sentir très seule. Car accueillir et élever un enfant seule, sans son père, est terriblement difficile à accepter. Tout comme la mort de ce dernier.
«Je n’accepterai jamais la mort de Nitish. Sa vie lui a été volée. J’aime toujours Nitish. Il me sera impossible de l’oublier. Même si je suis triste, je dois faire preuve de courage car j’ai un fils à élever», confie Laëticia qui a du mal à cacher ses émotions. Avec son fiancé, ils avaient prévu des fêtes de fin d’année hors du commun avec leur bout de chou. Mais celles-ci ne seront au final pas très joyeuses.
«Mon médecin nous avait dit que l’enfant allait naître au début de décembre. Nitish et moi étions très excités car il est né le 4 décembre et aurait fêté ses 23 ans ce jour-là. Que son enfant naisse au tout début de ce mois était, pour lui, un peu comme la cerise sur le gâteau. Il voulait absolument fêter tous ces événements comme il se doit. Malheureusement, le destin en a voulu autrement. S’il était toujours de ce monde, il aurait été tout fier de son fils qui est né deux jours seulement avant son anniversaire», murmure la jeune maman qui a accouché d’un bébé de 3,2 kg à 1 heure du matin, le 2 décembre, à la Clinique Mauricienne, à Réduit. Sans l’homme de sa vie à ses côtés.
«Nitish n’a jamais voulu savoir si on attendait un fils ou une fille même si au moment des échographies, les médecins nous avaient demandé si on souhaitait connaître le sexe du bébé. Il a toujours voulu garder la surprise même s’il préférait un fils à une fille. Son rêve est devenu réalité», avance-t-elle avec un petit sourire triste.
Si depuis le drame Laëticia a préféré retourner chez ses parents, à Providence, Quartier-Militaire, ce n’est pas pour autant qu’elle a coupé contact avec les parents de Nitish. Bien au contraire. Leurs liens sont plus forts que jamais. «Ma belle-mère vient me voir tous les jours. Elle adore son petit-fils. Elle aussi ne peut pas effacer cette tragédie de sa mémoire. Elle s’accroche beaucoup à Havish pour surmonter sa douleur. Nous sommes toujours en quête de la vérité concernant la mort de Nitish. Car après ses funérailles, personne de la SMF n’est venu nous voir, même pas un coup de fil. Où est la solidarité au sein de cette unité ? Il semblerait qu’elle n’existe pas», lâche Laëticia, quelque peu énervée.
«Sweet memories»
Mais ce qui la préoccupe par-dessus tout aujourd’hui, c’est l’avenir. Bien que déterminée à offrir une belle vie à son fils, Laëticia ne sait pas de quoi le futur sera fait pour eux, même si ses proches la soutiennent financièrement pour le moment. «J’ai étudié jusqu’à la Form IV. Je n’ai jamais travaillé. Quand l’enfant grandira, il me faudra trouver un emploi car je ne pourrai pas toujours dépendre de mes parents qui vieillissent aussi», dit-elle. Sa mère Bindu Matty fait tout son possible pour lui garantir un avenir stable et serein. C’est ainsi qu’elle a sollicité l’aide d’un entrepreneur pour la construction d’une maison destinée à Laëticia et son fils. Mais à l’en croire, elle aurait eu affaire à une personne «malhonnête» à qui elle aurait déjà versé la somme de Rs 1,4 million, mais qui n’a pas complété le travail.
«J’ai fait construire à l’étage de ma maison. Les travaux sont presque terminés. Il reste les fenêtres, la peinture, l’électricité et la plomberie, entres autres, à faire. Mais l’entrepreneur que j’ai employé ne répond plus au téléphone. Il nous est impossible de mettre la main sur lui depuis quelques mois alors que la maison aurait dû être déjà terminée, comme le stipule le contrat signé par lui et moi-même», explique Bindu Matty. Laëticia, elle, écœurée par le comportement de l’entrepreneur, préfère se consacrer à son enfant bien que le sujet la concerne directement. «Cette personne profite de notre situation», soutient-elle seulement, préoccupée toujours par l’avenir de son fils. Un avenir où son fils lui demandera un jour pourquoi il n’a pas de père. Pourra-t-elle alors trouver les bons mots pour le lui dire ? Pas si sûr.
«J’ai conservé toutes les coupures de journaux relatives à ce drame que j’ai classées dans un fichier. Un jour, il pourra les lire car je n’aurai jamais le courage de lui parler de cet épisode qui a marqué ma vie à jamais.» Et pour se souvenir des instants magiques passés en compagnie de l’élu de son cœur, Laëticia a depuis quelque temps fait un album photo qu’elle garde précieusement et qu’elle a baptisé «Sweet memories of Nitish». À part l’enfant que celui-ci lui a laissé, c’est tout ce qui lui reste de l’homme qu’elle a tant aimé : des «sweet memories».
Les dessous du drame…
Ils étaient sept nouveaux aspirants membres du GIPM à se rendre à Sept-Cascades, le samedi 29 septembre 2012. Accompagnés du lieutenant Atmanand Sookur, chargé de leur entraînement, ils avaient pour mission de faire une marche d’un peu plus d’une heure à cet endroit.
Mais une fois cet exercice terminé, le lieutenant leur aurait demandé de se jeter à l’eau dans l’un des bassins de Sept-Cascades, d’une profondeur d’environ 55 mètres, alors qu’aucun parcours aquatique n’était inclus dans le programme de cette journée. Mais cet exercice s’est avéré fatal pour deux aspirants membres du GIPM : Nitish Binda et son ami Sylvestre Nanon.
Cette affaire qui avait fait grand bruit, avait été suivie de la suspension du lieutenant Sookur, tenu pour responsable de ce double drame par ses supérieurs de la Special Mobile Force. Arrêté pour homicide involontaire, il avait par la suite été libéré contre une caution de Rs 10 000 et après avoir signé une reconnaissance de dette de Rs 50 000. L’enquête se poursuit.