Il a été victime d’un complot ourdi par la bande à Deelchand dans lequel aurait participé
l’ex-CP.
Sans pitié. C’est l’attitude qu’aurait Satish Nundlall à l’égard de Raj Dayal s’il s’avérait que l’ex-Comissaire de police était partie prenante, avec la bande à Deelchand, d’un complot ourdi contre lui en 1994.
Satish Nundlall est révolté, estomaqué, le sentiment de dégoût est palpable dans son ‘body language’: “J’ai lu avec attention les accusations d’Antoine Chetty. Elles confirment tout ce que je savais sur Moonsamy Mooraghen. Ce qui me choque, par contre, ce sont les allégations contre l’ex-Commissaire de police. Si la police arrivait à avoir des preuves concordantes contre lui, je ne pardonnerais jamais à Raj Dayal. Je serais sans pitié avec lui et il devrait répondre devant la justice ”.
Satish Nundlall est un homme d’affaires qui avait été accusé par Siven Benaya de lui avoir vendu de la drogue. Après trois jours passés en prison, il avait été relâché sans qu’aucune accusation ne soit retenue contre lui par le Parquet.
Satish Nundlall est un homme ahuri. Le flot d’informations qui noircissent les colonnes des journaux le surprennent de jour en jour depuis qu’a éclaté l’affaire Deelchand, notaire qu’Antoine Chetty a balancé comme étant le pourvoyeur des 825 grammes d’héroïne, trouvés chez lui, et qui se retrouve au centre de plusieurs affaires louches.
Satish Nundlall comprend peu à peu qu’il n’avait pas eu affaire à des saints. Non seulement Moonsamy Mooraghen - son partenaire en affaires d’alors et arrêté dans la tentative d’assassinat contre Philippe Calou à Le Bouchon dans une affaire de tentative d’acquisition frauduleuse de terrains - est derrière le complot visant à faire de lui un trafiquant de drogue, il réalise que d’autres hommes puissants tiraient la ficelle.
Parmi, peut-être l’ex-CP Dayal: “Sait-il ce que j’ai vécu ? Sait-il ce qu’a vécu ma femme et mes deux filles, alors âgées de huit et six ans ? Et tous ceux qui m’entouraient ? Si l’ADSU avait alors mal fait son travail, je me serais retrouvé derrière les barreaux et que se serait-il passé ? Au cas où l’ex-CP devrait être incriminé, il devrait répondre de ses actes de même tous ceux qui sont dans ce cercle mafieux ”.
Dix ans après, le revoilà poussé au-devant de la scène. Cette fois, du bon côté. Comment vit-il ces moments vis-à-vis de son épouse et de ses deux filles ? Homme posé, il réfléchit, on sent la plaie rouverte. Puis, il répond de sa voix forte : “J’étais bien dans mon petit coin, puis je me suis retrouvé au coeur de ce gros scandale en tant que victime. Je suis déterminé à aider la police à démanteler ce réseau pour qu’il n’y ait plus d’autres victimes comme moi ou comme le vieux Calou”.
À mesure qu’il parle, Satish Nundlall évite d’y entraîner sa petite famille. Mais, il est bavard sur ce fâcheux épisode de sa vie lors de sa rencontre avec Moonsamy Mooraghen. L’intermédiaire n’est autre que Dharmanand Mungroo, un cousin. C’était lors de l’inauguration d’un ‘fried chicken corner’ en janvier 1994. À l’époque, Satish Nundlall était propriétaire d’un autobus immatriculé DA 510 desservant la ligne Mahébourg-Curepipe et en même temps secrétaire de la Bus Owners’ Cooperative Union.
Un demi-million investi
“Moonsamy Mooraghen m’avait approché par l’intermédiaire de mon cousin. Il voulait que je me mette en affaires avec lui dans l’achat de terrains. Je me suis dit, pourquoi pas ?”, raconte notre interlocuteur. C’est ainsi que Moonsamy Mooraghen lui montre un bordereau sur lequel il est stipulé que Moonsamy Mooraghen est propriétaire d’un lopin de terre à Palma et qu’il lui fallait du liquide. C’est ainsi que la décision de créer une compagnie, la Best Land Investment Co. Ltd est prise. Les actions sont ainsi départagées : 200 pour Satish Nundlall et 300 pour Mooraghen. Satish Nundlal injecte un demi-million de roupies.
Ô, surprise ! Quelque temps après, le terrain qui depuis appartient légalement à Best Land Investment est en passe d’être morcellé, sans l’aval du partenaire Satish Nundlall: “J’ai appris que Mooraghen voulait morceller le terrain de Palma et qu’il avait déjà pris de l’argent avec quelques acheteurs. J’ai approché mon partenaire pour lui réclamer 40 % de l’argent encaissé. Il m’a dit qu’il a utilisé l’argent pour s’acheter un 4x4 hors taxe”.
Pour calmer Satish Nundall, Moonsamy Mooraghen lui fait un chèque de Rs 150 000. Sans provision naturellement. Ce même chèque avait été rapporté comme ‘lost’ par la banque, nous dit Satish Nundlall. Ce dernier tente de retracer son partenaire qui fréquente déjà les bureaux du notaire Deelchand : “J’ai été voir Mooraghen aux bureaux de Deelchand et lui ai demandé mes Rs 150 000, sinon je demande une injonction en Cour contre Best Land Investment ”.
Étape qu’il franchit et il apprend que Moonsamy Mooraghen a plusieurs fois été poursuivi en Cour de Rose-Hill pour faux et usage de faux et d’émission de chèques sans provision. La Cour émet l’injonction en sa faveur. Fort de cela, Satish Nundlall donne un ultimatum de 48 heures pour lui retourner son dû, sinon il alerte l’Unified Revenue Board (URB). “Ale guette ki to oulé, Commissaire dans nou la main”, aurait rétorqué Mooraghen à Nundlall. L’URB réagira un peu tardivement, mais le 4x4 de Mooraghen est finalement saisi et dort toujours aux Casernes centrales.
Début des ennuis
C’est de là que commencent les ennuis sérieux pour Satish Nundlall. Sa maison a été l’objet de pas moins de quatre fouilles, toutes infructueuses, de la part de l’ADSU, en présence des siens. La première avait trait à l’allégation de Siven Benaya qui avait dit avoir acheté sa dose de drogue de Satish Nundlall. C’est Antoine Chetty qui a allégué que ce complot pour planquer de la drogue chez lui a été ourdi avec la complicité de l’ex-CP Dayal au ‘Warriors Retreat’ de la SMF.
Satish Nundlall n’est pas prêt d’oublier la quatrième et dernière fouille. Celle-là brutale. “On était dans un ‘chowtari’ (la fête suivant le jour le mariage). Mon vieux père était seul à la maison. Des hommes ont enfoncé la porte d’entrée, ont tout démoli dans la maison, ont saccagé des meubles, brisé des vitres. Bref, ils étaient venus, non pas pour une fouille, mais pour m’impressionner et peut-être me faire peur”, dit-il.
Traumatisé, le vieux père n’a pas vécu longtemps. Il est décédé quelques mois plus tard. Satish Nundlal : n’a qu’un seul profond regret : l’absence de son papa. “J’aurais voulu que mon père voie ces arrestations, mais il est parti trop tôt”, dit-il. Sans doute, mais le plus important c’est que lui, Satish Nundlall, victime de la bande à Deelchand, assiste au démantèlement d’un réseau qui a longtemps bénéficié d’une impunité, tant au niveau de la police qu’ailleurs. Bien sûr, il suit de près le dossier Dayal.