Du changement, de la transparence, de l’efficacité. Les nouveaux élus devront satisfaire les critères émis
par les habitants des villes.
Illusions, espoirs. Entre les deux façons de voir, la ligne de démarcation est souvent presqu’invisible. Si certains citadins estiment se faire des illusions quant à la réalisation de probables améliorations dans les villes après les élections municipales, qui ont lieu aujourd’hui, dimanche 9 décembre, d’autres pensent qu’avec le «changement», l’espoir est toujours permis. Malgré ces points de vue différents, ceux qui résident en ville entretiennent tous des attentes concernant les nouveaux élus. Quelles sont-elles ? Nous leur avons posé la question…
Après les quelques semaines, rythmées par la campagne électorale dans les cinq villes – avec les débats, les congrès, les réunions privées, les piques lancées entre adversaires, entre autres – , les citadins sont appelés à accomplir leur devoir civique. Anielle Jellin ne manquera pas ce rendez-vous. Maman de deux petites demoiselles, elle essaye, à travers son vote, de faire passer un message. Même si, elle l’avoue, elle reste un peu sceptique quant au pouvoir réel de ce geste : «Pour moi, les politiciens sont tous les mêmes. Ils veulent simplement être au pouvoir et faire ce qu’ils ont envie, sans se soucier de la misère qui existe autour d’eux.»
Néanmoins, comme on ne sait jamais, la jeune femme, qui bosse dans une ONG, tente quand même sa chance : «À la Résidence Kennedy, il y a un jardin d’enfants inachevé. Cela fait quatre ans que rien n’a changé. Même si je crois qu’après les élections, les choses resteront telles quelles, je souhaite que les élus fassent refaire ce petit coin afin que nos enfants puissent jouer en toute sécurité.» Elle n’oublie pas, non plus, les plus nécessiteux et la mise en place de drains appropriés : «Je pense que ça devrait être leur priorité.»
Alors que les candidats parlent de démolir le marché de Quatre-Bornes, de créer des points de vente dans tous les quartiers, entre autres, Anielle, elle, recentre le rôle des collectivités locales en souhaitant un retour à la prise en compte de l’humain. Son «voisin» – ils habitent tous les deux la Ville des fleurs –, Karan Banymandhub la rejoint dans ses propos. Même s’ils ne se connaissent pas, ils parlent plus ou moins le même langage : «Il est nécessaire que les élus s’occupent des personnes pauvres avant d’étaler leur savoir. On construit, en ce moment, de grandes autoroutes pour fluidifier le trafic. D’accord. Mais qu’est-ce qui est fait pour ceux qui n’arrivent pas à survivre ? Il faut retourner aux fondamentaux.»
Du développement, oui. Mais du vrai, celui qui inclurait tous les Mauriciens. Une utopie, selon Gino Geneviève. Cet habitant de Rose-Hill estime qu’avec le système politique actuel, rien n’est possible : «Mon rêve ? Qu’on en finisse avec les clans politiques, qu’il y ait du sang neuf et qu’à la place de nominés politiques et de proches des partis, on emploie des personnes méritantes qui ont à cœur le bien-être des Mauriciens et l’avenir du pays.» Du coup – vous vous en doutiez –, Gino n’a aucune «expectation» concernant les nouveaux élus (dont vous connaîtrez les noms demain) : «Ceux qui partent et ceux qui viennent sont les mêmes.»
Nawaaz est, également, un peu amer. Lui qui vit à Plaine-Verte depuis de nombreuses années ne s’attend pas à grand-chose, non plus. Mais, s’il pouvait demander une chose – une seule – ça serait : «Se débarrasser du fléau de la drogue. Ça pourrit le quartier depuis des décennies. On n’avance pas.» Néanmoins, l’homme dit être «réaliste» : «Je crois que c’est un problème que personne ne pourra résoudre.» Alors, il se contentera, dit-il, d’un peu «d’honnêteté» de la part des futurs conseillers et du prochain maire : «Qu’ils soient honnêtes avant tout. Il faut en finir avec les magouilles.» Amitrai Darbary de Beau-Bassin, lui, souhaiterait «qu’ils fassent leur travail tout simplement». Et c’est bien ce qu’il y a de plus compliqué !
Christian Yow Sangg, de Vacoas, le sait. Alors, il essaie d’attendre l’essentiel : une gestion des villes plus transparente et des choix plus réfléchis pour laisser la place à la concrétisation de projets plus importants : «Il faut absolument moins de gaspillages pour les fêtes et les réceptions. De plus, il est nécessaire de vérifier les coûts de travail des sous-traitants mais aussi des divers achats.»
Plus d’efficacité et de pouvoir décisionnaire, moins de lenteur administrative et de «mentalité de ti copains». C’est en mettant de côté les défauts, en apprenant des erreurs, tout en développant des qualités nécessaires pour le fonctionnement efficace d’une mairie, que la municipalité nouvelle version verra le jour, estime Shaheen, habitante de Phoenix : «C’est peut-être le moment du changement. Moi j’y crois !». Damien Edouard de Curepipe veut que cette vague – de changement, bien sûr – fasse souffler un vent nouveau : «Que les élus arrêtent de penser à leurs propres intérêts.»
Il aimerait que ces derniers pensent aux jeunes : «Qu’ils nous aident, nous les jeunes à nourrir et faire grandir nos talents. Qu’ils nous sponsorisent et qu’ils nous donnent des facilités.» Et Damien espère que son message sera entendu : «Je travaille sur de gros projets, notamment un festival de rue, et j’espère pouvoir compter sur eux pour m’aider à mener à bien ce projet.» Une bonne dose d’espoir… que ne partage cependant pas Priscilla Moothien de Grande-Rivière.
Pourtant, des souhaits pour sa ville, elle en a plein : «J’attends que l’on cesse de sacrifier des pans de notre patrimoine comme le bâtiment de la CWA pour y caser des marchands ambulants. J’attends que l’on ne laisse pas rouiller un lampadaire jusqu’à ce qu’il tombe sur les pieds d’un gosse. J’attends que l’on n’attende pas les inondations pour constater que les drains sont bouchés.» Néanmoins, elle a décidé de ne pas vraiment se faire d’illusion : «Et puis je me dis que c’est bête d’attendre, car il n’y a pas que les drains qui sont bouchés, au fait.»
Pourrait-elle être surprise ? Réponse dans quelques mois…
MMM-MSM : «Une vague déferle sur les cinq villes»
Ils prévoient une «victoire écrasante». Pour Paul Bérenger et Anerood Jugnauth, c’est l’alliance MMM-MSM qui l’emportera haut la main à l’issue des élections municipales qui se dérouleront aujourd’hui dans les villes du pays. Pour SAJ, une véritable «vague déferle sur les cinq villes» et démontre que le Remake 2000 va vers une grande victoire.
Selon lui, les résultats des élections villageoises vont se répéter pour ces municipales : «C’était un avertissement pour le PTr-PMSD. Maintenant, ce sera au tour de l’électorat urbain de sanctionner le gouvernement parce qu’il bâillonne la voix du peuple sur les radios, et agit en dictateur, punit, intimide, et menace les citoyens à travers l’appareil d’État», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse hier.
Anerood Jugnauth a également critiqué la visite de Navin Ramgoolam à Cité Atlee et Roche-Bois lors de la campagne électorale. «Il ne s’y est pas rendu pendant ces sept dernières années et les habitants de Cité Atlee et de Roche-Bois ont dit à Ramgoolam, qu’ils ont leur dignité.» De plus, il affirme avoir en sa possession un document qui prouve qu’il y a eu des échanges entre le bureau du Premier ministre et l’Independent Broadcasting Authority (IBA) juste avant la directive de l’IBA aux radios privées. Faisant part de sa grande expérience sur le terrain, l’ancien président de la République a également affirmé que les élections générales se tiendront juste aprèsles municipales.
Paul Bérenger s’est également dit «très confiant» quant à l’issue de ces municipales. Il a déclaré être «totalement satisfait» de l’affluence lors du dernier meeting du Remake 2000 à La Louise, vendredi. Le leader du MMM a, une fois de plus, appelé à la mobilisation générale pour aller voter «jusqu’à la dernière minute».
PTr-PMSD : «Que les gens aillent voter pour garantir le développement»
Ils sont confiants. Les membres de l’état-major de l’alliance PTr-PMSD ont réuni la presse hier au Centre Swami Vivekananda, à Pailles, pour une dernière conférence de presse avant les élections municipales qui ont lieu aujourd’hui. Il y avait le Premier ministre Navin Ramgoolam, le vice-Premier ministre et ministre des Utilités publiques, Rashid Beebeejaun, le vice-Premier ministre et ministre des Finances, Xavier Duval, et Ashock Jugnauth, leader de l’Union nationale.
Avant que le Premier ministre et leader du PTr ne prenne la parole, les autres membres de l’alliance diront, en gros, que la campagne est positive et que leur adversaire direct, le Remake 2000, s’affaiblit. Navin Ramgoolam n’a évidemment pas épargné ses rivaux : «Vous connaissez le docteur Goebels ? C’était le directeur de propagande d’Hitler. Il ne faisait que répéter et répéter des mensonges. Bérenger se sert toujours de cette méthode fasciste et Jugnauth lui emboîte le pas, c’est vous dire combien ils sont désespérés.»
Tout en qualifiant de «victoire écrasante» les résultats des élections villageoises, en dénonçant le «langage vulgaire» utilisé lors des meetings du Remake 2000 et en fustigeant la discrétion de Pravind Jugnauth, le chef du gouvernement a lancé un appel aux citadins : «Que les gens aillent voter pour garantir le développement(…) Les habitants des villes reconnaissent le travail accompli (…) La campagne a été positive, et les Mauriciens ne sont pas bêtes. Nous ne pouvons reculer.» Il a aussi invité les gens à ne pas s’abstenir de voter tout en précisant qu’il ne craint pas l’abstention.
Le Premier ministre est également revenu sur les allégations de Cehl Meeah autour du transfert de Rs 25 millions après l’arrestation de Gro Derek, qu’il a qualifiées de «fausses allégations».
La fin du suspense…
La victoire, elle est pour eux ! Les candidats de l’alliance gouvernementale – épaulés par les élus des différentes régions et des personnalités telles que le Premier ministre himself –, ainsi que ceux du Remake 2000, qui bénéficient du soutien des ténors de l’alliance mauve-orange, croient que l’issue des élections municipales leur sera favorable. Idem pour les dirigeants des deux blocs politiques. Une confiance affichée, mais pas forcément ressentie.
Eh oui ! D’une part, si du côté du PTr-PMSD, on affirme ouvertement que les municipales, c’est dans la poche, la présence du chef du gouvernement sur le terrain, cette semaine, a fait jaser les membres de l’alliance MMM-MSM : «C’est un signe de crainte et de faiblesse», confie un député mauve. D’autre part, ce sont les activistes rouges et bleus qui critiquent les attaques de leurs concurrents. «Ils n’ont aucune chance, alors ils essaient de se débrouiller comme ils peuvent» est le discours formaté des membres de l’alliance gouvernementale.
Qui remportera cette joute politique ? Le Remake 2000 y laissera-t-il des plumes ? Serait-ce la fin de cette alliance, si c’est le cas ? Navin Ramgoolam devra-t-il se remettre en question ? Patience, vous aurez bientôt les réponses à vos questions. Quel suspense !