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La montagne du Morne ou l’Aapravasi Ghat?

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Sada Reddi et Jean-Yves Violette

L’Unesco a demandé au gouvernement mauricien de choisir un des deux sites identifiés, la montagne du Morne et l’Aapravasi Ghat, pour être inscrit en premier au patrimoine mondial car aucun pays ne peut soumettre deux demandes dans ce sens simultanément. Si Sada Reddi, historien, pense que “n’importe quel choix qui est fait en premier est valable”, Jean-Yves Violette, président du Centre culturel Nelson Mandela, estime pour sa part que c’est le Morne qui doit avoir la priorité.


Q: Maurice devra choisir un des deux sites identifiés - la montagne du Morne ou l’Aapravasi Ghat - pour être inscrit en premier au patrimoine mondial. Quels sont, selon vous, les atouts de ces sites et lequel doit avoir la priorité?
Sada Reddi :
Chacun de ces sites a une importance particulière pour l’histoire du pays mais, dans des contextes différents. Le Morne, à mon avis, symbolise toute la lutte de ceux qui ont été victimes de l’esclavage et leur courage pour vaincre le système. L’Aapravasi Ghat est un lieu de mémoire pour se rappeler l’arrivée des immigrants indiens sous contrat et leur rôle dans l’histoire. Comme historien et aussi à titre personnel, je n’ai aucune préférence pour l’un ou pour l’autre. N’importe quel choix qui est fait en premier est valable.


Jean-Yves Violette : Il ne saurait être question de priorité d’un site sur l’autre pour figurer au patrimoine mondial puisque les deux méritent amplement d’y figurer. Ce n’est  qu’une question de timing et de circonstances. Dans le cas présent, le timing et les circonstances sont tout à fait propices et éloquents pour que ce soit Le Morne qui soit proposé en premier. Faut-il rappeler que l’année 2004 a été proclamée par l’Unesco L’année de la commémoration de la lutte contre l’esclavage et son abolition dans le monde? Le choix de Maurice par l’Unesco comme lieu de lancement officiel de cette commémoration dans la région de la SADEC et de l’océan Indien  témoigne de l’importance qu’attache la société internationale au rôle que Maurice peut jouer par rapport à une nouvelle attitude concernant l’esclavage et face à l’histoire pour un dialogue interculturel.


Q: Quels sont les critères et les conditions imposés par l’Unesco pour qu’un site puisse figurer au patrimoine mondial?
Sada Reddi :
L’Unesco a toute une liste de critères dont les plus conséquents sont l’importance du site pour l’histoire du monde, la préservation de la démarcation du site, le cadre administratif pour le gérer et l’engagement du gouvernement à la protection du site pour les générations futures ainsi qu’à son financement.
Jean-Yves Violette : Les critères sont bien définis par l’Unesco : “Le site doit être l’oeuvre  de l’homme ou une oeuvre conjuguée de l’homme et de la nature, aussi bien que les zones - y compris les sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique”.  Pour être inscrit au patrimoine mondial, un site proposé doit soit  représenter un chef-d’oeuvre du génie humain, soit témoigner d’un échange d’influences considérables sur une période donnée, ou apporter un témoignage unique ou exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante, entre autres.


Q: Le directeur de l’Unesco a déclaré qu’il sait que ce sera “politiquement difficile” de faire un choix entre ces deux sites. Est-ce votre avis?
Sada Reddi :
Le choix entre les deux sites dépendra d’un unique facteur : lequel des deux sites en premier satisfera les critères qu’exige l’Unesco pour être classé patrimoine mondial.


Jean-Yves Violette : La question de choix ne doit aucunement être un problème, même politique, au vu des faits susmentionnés.


Q: Un choix entre la montagne du Morne et l’Aapravasi Ghat ne risque-t-il pas de contribuer à la montée du communalisme que connaît Maurice depuis quelque temps?
Sada Reddi :
Je ne vois aucune raison pour laquelle ce choix entre la montagne du Morne et l’Aapravasi Ghat va exacerber le communalisme. Mais ce qui est vrai c’est que les autorités risquent d’être vivement critiquées et condamnées si elles se rendent coupables de favoriser l’un ou l’autre site pour des motifs inavouables.


Jean-Yves Violette : Absolument pas. L’esclavage et l’engagisme font tous deux partie de notre histoire commune à tous. Rendre justice à l’histoire et à la mémoire ne doit en aucun cas créer la division.

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