Rajni Lallah et Virendra Ramdhun
Les politiciens sont souvent invités à Maurice à prendre la parole lors de cérémonies religieuses ou culturelles. Les derniers exemples de cette pratique ont été illustrés lors de la fête de Maha Shivaratree où Pravind Jugnauth, entre autres, a été invité à prendre la parole lors d’une fête culturelle à Grand-Bassin. Si Rajni Lallah de Lalit condamne cet état de choses “dans un état séculier”, Virendra Ramdhun, président de la ‘Hindu House’ estime, pour sa part, qu’il n’y aucun mal à cela.
Q : Les politiciens sont souvent invités à prendre la parole durant les cérémonies religieuses. Qu’en pensez-vous?
Rajni Lallah : À Lalit, nous ne sommes pas d’accord que la politique et la religion ou l’État et la religion soient mélangés. Donc, nous ne pouvons accepter qu’un représentant d’un parti politique, un ministre ou un député, prenne la parole au cours d’une fonction organisée par une association communalo-religieuse.
Virendra Ramdhun : Ce genre de pratique existe depuis longtemps dans toutes les communautés à Maurice et dans tous les pays du monde. Les politiciens sont invités à des cérémonies religieuses et ils sont invités à prendre la parole en signe du respect que nous leur portons. À Grand-Bassin, lors de la fête de Maha Shivaratree, des élus ont été invités en tant que politiciens mais aussi en tant qu’hindous. Quant aux discours que les politiciens font quand ils sont invités aux cérémonies religieuses, je ne trouve pas qu’ils sont communaux. Quelque-fois, ces politiciens en profitent pour réagir par rapport à un événement ou une provocation mais je ne crois pas que ce soit prémédité.
Q : Le mélange de politique et de religion a-t-il sa place dans un pays comme Maurice qui se dit laïque?
Rajni Lallah : Premièrement, je ne suis pas d’accord que Maurice soit divisée en communautés car nous vivons dans un état séculier - je préfère le terme séculier à celui de laïque car ce dernier terme désigne aussi les personnes qui sont engagées dans les activités de l’Église. Lors des élections, les candidats font appel à un vote politique, ils ne peuvent pas par la suite devenir les représentants d’une communauté. Toutefois, quand ils s’enregistrent pour participer aux élections, les candidats sont obligés de faire mention de leur religion sur leurs fiches. Après les élections, une fois que les 62 députés sont élus, huit ‘best losers’ sont désignés pour les communautés qui ne sont pas assez représentées et cette pratique vient communaliser le Parlement dans son ensemble. Cette perversion de la démocratie est l’un des éléments à la base du mélange communalo-religieux qui se voit dans l’éducation ou encore dans l’insistance de Paul Bérenger à introduire la ‘Muslim Personal Law’.
Virendra Ramdhun : À Maurice, la religion est présente partout car la majorité des Mauriciens pratiquent une religion. Les gens préfèrent se tourner vers les associations religieuses ou socioculturelles pour discuter de leurs problèmes. Maintenant, tous les habitants de notre île ont la chance de faire partie des associations socioculturelles qui retransmettent leurs préoccupations et leurs revendications au gouvernement. Parfois, les membres de ces associations descendent même dans la rue pour faire entendre leurs voix. Mais il ne faut pas qu’il y ait des dérapages. Il est vrai que Maurice est un état laïque où la religion et la politique devraient être séparées mais ce n’est pas possible à 100% car je pense que l’une ne va pas sans l’autre. Les politiciens et les religieux ne doivent pas s’asseoir autour d’une table et gouverner le pays mais ils peuvent collaborer afin de résoudre certains problèmes.
Q : Les associations socioculturelles sont de plus en plus perçues comme des groupes de pression. Est-ce votre avis?
Rajni Lallah : Il y a certaines associations communalo-religieuses qui bien souvent n’ont rien à voir avec la religion. Elles font du ‘lobbying’ pour avoir telle ou telle personne de leur communauté au gouvernement ou à d’autres postes bien placés afin que les personnes de ladite communauté puissent avoir plus facilement des contrats ou des avantages pécuniaires. Certaines des personnes qui contrôlent ces associations ou qui entourent les hiérarchies religieuses se servent aussi des plates-formes religieuses pour faire levier avec la communauté.
Virendra Ramdhun : Je ne crois pas que ce genre de pression existe. Nous sommes dans un pays démocratique et si un gouvernement est solide et fait son travail comme il faut, personne ne peut lui mettre la pression. Les associations socioculturelles doivent aussi avoir un système qui leur permet de se tenir debout toutes seules dans la société car elles doivent continuer à mener leur mission avec ou sans les politiciens. Un temple ne peut pas se permettre de fermer ses portes. Mais il est vrai que le soutien du gouvernement est parfois recherché pour obtenir quelque chose pour une bonne cause, quelque chose qui contribuera au bien-être de tous et du gouvernement comme, par exemple, un terrain pour la construction d’une école.
Q : Est-il, selon vous, essentiel de séparer la politique de la religion. Comment?
Rajni Lallah : Évidemment, sinon nous ne pouvons prétendre être un État séculier. Il faut commencer par enlever le système de ‘best loser’. Ensuite il faut arrêter de classifier les enfants selon leur religion à l’école. Il faut aussi revoir la loi civile sur le mariage qui est imprégnée d’un restant de fondamentalisme chrétien. Les subsides accordés par l’État aux religions doivent aussi être abolis. Pourquoi l’État doit-il financer ces religions alors que leurs fidèles sont là pour ça?
Virendra Ramdhun : Comme je l’ai dit plus haut, les politiciens et les religieux ne peuvent pas se mettre ensemble pour gouverner car chacun a son rôle à jouer mais s’ils ne collaborent pas sur certaines choses, il n’y aura pas de progrès et de développement.