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Facteur essentiel du développement social

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Si Tim Taylor, Chief Executive Officer du groupe Rogers, accepte qu’il y ait une concentration des biens entre les mains d’un petit groupe de personnes, Amédée Darga, directeur de Straconsult, estime pour sa part qu’il y a contrainte à l’accès aux ressources économiques pour la plupart des Mauriciens. La démocratisation de l’économie était, mercredi dernier, le thème du Business Forum organisé par la Jeune Chambre Économique de Port-Louis.

Q : Que veut dire démocratisation de l’économie pour vous?
Tim Taylor :
Je pense que la démocratisation  de l’économie ne peut pas être appliquée à tous les niveaux. Si on regarde la structure de l’actionnariat, on constate que le tableau n’est pas différent de celui en vigueur dans les autres pays du monde. Il y a un choix à faire entre l’ingénierie sociale et le développement. Je ne pense que ce soit une bonne chose de compromettre le développement du pays par des actions d’ingénierie sociale. Il faut un maximum de développement et je crois que le secteur privé actuel, malgré les inégalités entre les détenteurs du capital, participe activement à ce développement. Je pense qu’il faudrait aussi élargir le secteur privé en encourageant les nouveaux entrepreneurs en leur offrant des facilités. Par ailleurs, le NPF devrait investir plus dans les compagnies mauriciennes pour relancer l’économie.


Amédée Darga : La démocratisation de l’économie est, en quelques mots, la véritable expression de la libre entreprise. C’est l’opportunité égale offerte à tous ceux qui veulent contribuer en apportant leurs compétences, soit leur volonté d’entrepreneurs au développement du pays et, évidemment, à leur enrichissement personnel.


Q : Quelle est la situation à Maurice en ce qui concerne le sujet?
Tim Taylor :
Si on regarde 35 ans en arrière, on peut constater qu’il y avait à l’époque la monoculture qui était le sucre et très peu d’opportunités pour les gens. Maintenant, il y a beaucoup plus d’opportunités dans des secteurs comme l’hôtellerie, le textile, l’offshore, le port franc. Dans les compagnies impliquées dans ces secteurs, il y a des Mauriciens de toutes les origines ethniques qui sont employés. Je crois que la réalité est parfois différente de l’image qu’on veut bien lui donner. Je pense aussi que le sujet est très politisé. Beaucoup d’opportunités ont été créées et il faut continuer dans cette voie.  L’autre question est de savoir s’il existe un «plafond de verre» qui empêcherait les employés d’accéder à des postes de responsabilité dans les compagnies mauriciennes. Si tel est le cas, il faut le briser. Je crois que ce plafond de verre a tendance à s’estomper même s’il est parfois présent dans certaines entreprises.  Quant aux détenteurs du capital, c’est vrai qu’ils appartiennent à un petit groupe de personnes, mais quand on regarde le management, on constate que la répartition est plus équilibrée qu’on ne le croirait.


Amédée Darga : C’est un ‘highly charged topic’ à Maurice où on ne dit pas tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, où on noie le poisson dans un bouillon de concept qui veut tout et rien dire. En tout cas, le Premier ministre a clairement entendu l’expression des frustrations puisqu’il a choisi, dès le début de son mandat, de plaider en faveur d’une démocratisation tous azimuts de l’économie et il a fait clairement comprendre qu’il s’attend à ce que la communauté des affaires réagisse en conséquence, car il ‘means business’! La sourde frustration qui s’amplifie de jour en jour - que certains peuvent ignorer à leurs risques et périls - porte sur la contrainte non avouée mais pratiquée quant à l’accès aux ressources économiques et aux ressources de l’État, l’accès aux marchés des grandes compagnies privées et des marchés publics, l’accès à l’emploi à des postes stratégiques de gestion. Si le potentiel d’accès est déterminé par le nom, la couleur, le phénotype et par une hiérarchie sociologique non-avouée mais pratiquée, il y a déni d’accès aux opportunités. C’est le cas à Maurice et c’est pourquoi la démocratisation de l’économie est à l’agenda du jour.


Q : La démocratisation de l’économie est-elle nécessaire à Maurice? Pourquoi?
Tim Taylor :
Évidemment, plus il y a de démocratisation dans une économie comme la nôtre, mieux c’est. Il faut que tous les Mauriciens se sentent partie prenante du secteur privé, car c’est leur île, leur pays. Il faut qu’ils le soutiennent économiquement et qu’ils aient plus d’opportunités pour qu’il y ait une vraie justice sociale. Et si on veut être compétitif dans le monde, il faut que nos meilleurs éléments puissent émerger. Pour Maurice, la démocratisation de l’économie va définitivement apporter plus de richesses.


Amédée Darga : Elle est d’autant plus nécessaire pour des raisons de stabilité sociale que pour le développement économique futur. Nous avons des manifestations du malaise qui sont des menaces. L’exode des jeunes cerveaux qui perçoivent qu’à terme, leurs horizons sont bloqués, la volonté de certains de favoriser les compagnies étrangères qui leur ouvrent des perspectives au détriment des compagnies locales qui les bloquent, la fureur des activités informelles et illégales qui, dans bien des cas, risquent de miner les secteurs du commerce et de la production formelle. Il est nécessaire que nous apprenions entre nous, à Maurice, à être plus compétitifs et que nous ouvrions de nouvelles perspectives pour soutenir la croissance pour les quinze prochaines années à travers l’explosion de l’entrepreneuriat.


Q : Comment donner la chance à plus de Mauriciens de participer activement au développement du pays?
Tim Taylor :
Il faut plus d’entreprises, plus de développement. Ensuite, il faut conscientiser les dirigeants du secteur privé pour qu’ils s’ouvrent davantage aux autres. Il faut que les gens fassent au mieux de leurs compétences. Je crois beaucoup dans l’égalité des chances. Nous devons absolument employer les meilleurs et amener la justice sociale. Ce n’est pas l’État qui va créer les emplois à l’avenir mais le secteur privé et il faut que chaque Mauricien y trouve sa place.


Amédée Darga : C’est une question à multiples facettes, mais dans le cadre présent, il faut rapidement assurer le ‘trust factor’, démolir les barrières, ouvrir toutes grandes toutes les opportunités. Il faut créer une ‘Inclusive Entreprise Economy’ où c’est une vraie compétition pour que les meilleurs, les plus innovants émergent, pas des rentiers.

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