«Dereck a un grand coeur et est très sensible», affirme celle qui partage sa vie depuis cinq ans.
La police reproche à Danilo François d’avoir blanchi de l’argent appartenant à son beau-frère.
C’est une jeune femme «tourmentée» qui raconte comment sa vie a basculé. Après l’arrestation de son concubin Rudolf Dereck Jean Jacques et tout ce qui s’en est suivi, voilà que son frère Danilo François a également été appréhendé dans la même affaire. Pour cette maman de 19 ans, le «cauchemar» qui a commencé il y a trois mois ne fait qu’empirer.
Le visage défait, le regard inquiet, Mélanie François ne semble plus savoir à quel saint se vouer. Entourée de sa mère Linda et de son père Sylvain, la jeune femme de 19 ans essaie de trouver les mots pour parler de son «calvaire». Non loin, son fils Mathéo, 2 ans, joue avec l’insouciance de son jeune âge. C’est lui sa «force» dans ces moments «difficiles».
Car elle l’assure, les temps sont très durs pour elle en ce moment. Elle vit un «véritable cauchemar» depuis l’arrestation de son compagnon Rudolf Dereck Jean Jacques, dit Gro Derek, il y a trois mois. Mais les choses ont encore empiré depuis jeudi dernier. Cette fois, c’est son frère Danilo François, 21 ans, qui a été appréhendé par les limiers de l’Anti-Drug & Smuggling Unit (ADSU) de Plaine-Verte à son domicile à cité Richelieu.
Tout comme pour la plupart des autres suspects arrêtés dans le cadre du démantèlement du réseau de l’Ouest, le nom du jeune homme a été balancé par Ashish Dayal qui aurait été le bras droit de Gro Derek, présumé parrain de ce réseau de drogue. Selon lui, Danilo François aurait agi comme trésorier pour le compte de son beau-frère. L’ADSU l’accuse d’avoir blanchi de l’argent provenant du trafic de drogue (voir hors-texte).
Cette arrestation est un véritable coup dur pour la famille François, surtout pour Mélanie qui voit un deuxième être cher aller derrière les barreaux dans le cadre de cette affaire. «Je vis un enfer, je ne dors plus. Mo latet fatigue. Je suis très attaché à mon frère. Nos liens se sont encore resserrés depuis l’arrestation de Dereck. Il était mon confident. On se voyait tous les jours. C’est lui qui me donnait du courage et des conseils. Je me retrouve désormais seule avec mon fils Mathéo.»
La jeune femme semble persuadée de l’innocence de son compagnon et de son frère. Comme on pouvait s’y attendre. «Dereck n’a jamais fait tout ce dont on l’accuse. Mon frère Danilo est également innocent dans cette affaire. Il n’y a que des allégations contre eux. Ashish est un menteur», s’exclame Mélanie, très remontée.
Selon elle, tout comme son compagnon, son frère ne serait pas du genre à tremper dans des affaires louches. D’autant qu’il a toujours voulu, dit-elle, travailler dans les forces de l’ordre. «Il rêvait de devenir policier. L’année dernière, il a terminé son Higher School Certificate, où il a obtenu des résultats moyens, et attendait que les formulaires d’application pour intégrer la force policière soient disponibles pour postuler. En attendant, il allait bientôt entamer des cours pour devenir ingénieur en climatisation et travaillait comme maçon pour financer cette formation. Il devait commencer en juillet mais n’a pu le faire car il n’avait pas la somme de Rs 14 000 pour payer ses cours. Comment ose-t-on maintenant venir l’accuser d’avoir blanchi de l’argent ? C’est totalement faux !»
Une idée sur la question
Les parents de Danilo sont tout aussi remontés par la tournure des événements. Ils veulent, tout naturellement, croire en l’innocence de leur enfant. «Je suis révolté car je sais très bien que mon fils n’a rien fait de compromettant», lance Sylvain François. Son épouse Linda est catégorique : «Les allégations d’Ashish ne tiennent pas la route. Notre maison est actuellement en rénovation et Danilo nous aide financièrement dans la réalisation de ce projet. Je me demande comment quelqu’un qui serait trésorier d’un caïd de la drogue accepterait de dormir sur un petit lit dans un couloir !»
Les François ne s’expliquent pas pourquoi Ashish Dayal a fait de telles «allégations» contre deux de leurs proches. Toutefois, Mélanie, qui avoue que Dereck et Danilo connaissaient bien Ashish car celui-ci avait pour habitude de faire des courses de taxi pour eux, semble avoir sa petite idée sur la question : «Il doit agir par orgueil ; je ne vois pas d’autres raisons. C’est révoltant de constater qu’il n’y a que ses paroles qui comptent aux yeux des policiers qui ne font qu’arrêter des innocents sans preuve.» Elle précise que l’ADSU a perquisitionné la maison de Dereck Jean Jacques à trois reprises et celle de son père à deux reprises sans rien trouver de compromettant.
Selon Mélanie, avec tout ça, sa vie ainsi que celle de sa famille sont complètement sens dessus dessous. «Je ne sais plus quoi faire. Nous souffrons tous, mes parents, mes beaux-parents et moi. Mathéo ne cesse de réclamer son père qui lui manque. Mon fils et moi lui rendons visite à la prison tous les mardis mais ce n’est pas assez. Et le moral de Dereck est au plus bas. Il est stressé, il a maigri. Il est détenu dans une cellule isolée sous haute sécurité. Il n’a qu’une radio et la télévision pour compagnie. Il a également droit à des journaux. À chaque fois, il répète qu’Ashish est un menteur et qu’il ne sait pas ce qu’il dit. Je m’efforce de lui remonter le moral en lui disant qu’il va bientôt sortir de là.»
Mélanie essaie tant bien que mal, dit-elle, de ne pas se décourager, de garder la tête hors de l’eau, mais c’est «très dur». Selon elle, outre tous ses soucis, sa situation ne serait guère réjouissante sur le plan financier. «Je vis aux crochets de mon père Sylvain, qui collectionne les petits boulots, principalement dans le domaine de la maintenance. De plus, ma mère Linda, est malade. Elle a eu une attaque l’année dernière et a perdu partiellement l’usage de son bras et de sa jambe gauches. Ce n’est pas évident pour eux.»
Depuis que son compagnon est en prison, elle n’aurait aucun moyen de subsistance, d’autant, affirme-t-elle, que lui-même subvenait aux besoins de sa famille grâce à son atelier de réparation de deux-roues. Et qu’en est-il de la belle maison de cité Richelieu et autres signes de richesse apparents qu’affichait Gro Derek, selon les enquêteurs et le voisinage. Si Mélanie dit n’en rien savoir, le père de Dereck Jean Jacques nous avait confié dans un précédent entretien que c’était lui qui avait fait construire la maison à la sueur de son front pendant plus de dix ans. Pour le reste, nous n’en saurons pas plus.
Quoi qu’il en soit, tout ce que souhaite Mélanie aujourd’hui, c’est que son frère et son compagnon puissent se sortir de là et qu’elle retrouve une vie normale avec sa petite famille : son fils Mathéo et son compagnon qu’elle connaît depuis maintenant cinq ans. Un compagnon qu’elle décrit comme quelqu’un de charmant. «Dereck n’a rien d’une brute, d’un homme hautain ou gran noir, comme le décrivent certains. Il a un grand cœur et est très sensible au malheur des autres», nous confiait-elle un mois après son arrestation.
Pour lui, elle mettrait sa main à couper, affirme-t-elle, haut et fort. Pour son frère Danilo aussi. Pour le moment, son vœu de les voir libérés semble loin de devenir réalité. Mais elle garde espoir, pour elle, pour son fils et pour toute sa famille. «La vérité finira par éclater», lance-t-elle, comme un cri du cœur.
Et de huit pour Ashish Dayal
Depuis son arrestation, Ashish Dayal, le présumé bras droit de Gro Derek, a permis à la brigade anti-drogue de procéder à l’arrestation de huit personnes, à savoir Gro Derek lui-même, Hayesan Madarbacus, l’imam Moosa Beeharry, Bruno Casimir, Antoine Azie, Roukesh Hemraj, Sujeet Balkissur et Daniello François. Les deux autres suspects arrêtés dans cette affaire, Jimmy Alexis, alias Jimmy Rodriguais, et Jimmy Marthe, alias Jimmy Colosso, ont eux été balancés par Hayeshan Madarbacus plus connu comme Long Lascar. Dans sa dernière déposition, Ashish Dayal a allégué que Danilo François serait le trésorier de Gro Derek et aurait remis à deux reprises, la somme de Rs 2,5 millions à Roukesh Hemraj plus connu comme Ronny, sur les instructions de son beau-frère. L’argent devait servir à la réalisation du projet de discothèque White House par la compagnie Weather Spoon dont Ronny possède 25 % des parts et Sujeet Balkissur 75 %.