La jeune fille dans les bras de sa tante paternelle. À gauche, Stacey Henrisson.
C’est l’histoire d’une adolescente complètement fragilisée par le drame qui a coûté la vie à sa demi-sœur et envoyé son père derrière les barreaux. «Harcelée» et traitée de «fille de criminel», elle a déposé une plainte à la police et à la Child Development Unit. Elle nous livre un bouleversant témoignage.
C’est une jeune fille qui semble avoir perdu ses repères. Qui semble vivre au jour le jour sans savoir de quoi son avenir sera fait. Marissa Sookur, 14 ans, vit un véritable «calvaire» depuis quelques mois. Pour cause. Elle a perdu sa demi-sœur Stacey Henrisson dans des circonstances horribles en mai dernier et, depuis, son père, Jayraj Sookur, est derrière les barreaux pour le meurtre de la jeune fille de 16 ans. Le corps sans vie de cette dernière avait été retrouvé dans un ravin à Plaine-Champagne.
Depuis le drame, le quotidien de Marissa a viré au cauchemar. «Après le décès de Stacey, je suis allée habiter avec Béatrice, la mère de Stacey, et mon petit frère chez une sœur de Béatrice à Floréal. Mais ma relation avec ma belle-mère n’était pas au beau fixe. D’ailleurs, elle ne l’a jamais été», confie Marissa Sookur.
Ses problèmes relationnels avec sa belle-mère accentuaient davantage,
dit-elle, l’immense souffrance qui la minait : celle d’avoir perdu sa demi-sœur Stacey Henrisson – née du premier mariage de Béatrice Rouillon avec Wills Henrisson, décédé il y a quelque temps d’une grave maladie – dont elle était très proche. «Je la considérais comme ma soeur.Elle me manque terriblement. On se disait tout», soutient l’adolescente, les larmes aux yeux. Et l’absence de son père n’arrange en rien les choses pour Marissa. Abandonnée par sa mère – une Japonaise – à l’âge de 2 ans, elle a toujours vécu aux côtés de son père Jayraj Sookur jusqu’à ce que ce dernier soit placé derrière les barreaux. «Il me protégeait. Il m’aimait. Il avait planifié un bel avenir pour moi. Maintenant qu’il n’est pas avec moi, je me sens seule. Je ne peux pas vivre sans lui. J’ai besoin de mon père car il est le seul à pouvoir me protéger», murmure la jeune fille, l’air traumatisée.
Car en ce moment, dit-elle, elle ne se sent ni protégée ni aimée. La raison : elle serait victime de harcèlement de la part de Margaret Rouillon, la mère de Béatrice. Une plainte a même été déposée dans ce sens au poste de police de Flacq, le jeudi 18 octobre, et une autre à la Child Development Unit (CDU) le 17 octobre. Les deux instances ont ouvert des enquêtes.
Prise de colère
«J’étais chez Margaret Rouillon il y a environ deux mois, en compagnie de Béatrice. Elle a commencé à parler de l’affaire Stacey Henrisson. Prise de colère, elle m’a traitée de tous les noms pendant trois heures. Elle m’a qualifiée de fille de criminel. Cette phrase est restée dans ma tête. Cela me fatigue», explique la jeune fille qui affirme avoir enregistré les propos de Margaret Rouillon.
Contactée au téléphone, Margaret Rouillon nous a donné sa version des faits. «Ce jour-là, je ne faisais que dire la vérité. J’expliquais à Marissa que son père était bien l’auteur du crime de Stacey. Mais elle n’a rien voulu entendre. C’était cela le point de la discorde. Elle doit accepter ce que son père a fait au lieu de continuer à le défendre. Alors que je lui parlais, elle s’est mise à pleurer et à crier avant de s’enfuir. Mais je ne l’ai jamais traitée de fille de criminel», lâche-t-elle.
Depuis cet incident, Marissa a trouvé refuge chez sa tante Anita Sookur, la sœur de son père, à Pointe-aux-Piments. «Le jour où Margaret m’a accablée de reproches, Béatrice était également présente. Elle a assisté à toute la scène sans intervenir. À un moment, je ne pouvais plus supporter toute cette pression. Je suis sortie en courant et je me suis évanouie un bref instant. Aussitôt que j’ai repris mes sens, j’ai couru jusqu’à l’arrêt d’autobus où j’ai pris le bus pour aller chez ma tante», lâche Marissa.
Elle affirme, par ailleurs, que Béatrice Rouillon l’aurait également traitée de fille de criminel. «Elle m’avait accompagnée à l’école pour un rendez-vous avec le recteur. Elle m’a traitée de fille de criminel devant ce dernier.» Chose que Béatrice Rouillon dément avec force. «J’ai déjà assez de problèmes. J’ai des complications de santé. Ma vie est complètement chamboulée. J’ai perdu une fille. J’arrive à peine à me relever. Les accusations de Marissa sont fausses», fait-elle ressortir.
De son côté, Anita Sookur assure faire de son mieux pour apporter tout son soutien à sa nièce : «Marissa est très secouée par toute cette histoire. Nous avons alerté la CDU qui suit cette affaire de près. Elle est traumatisée. Elle ne se rend plus à l’école. Elle ne dort plus le soir. Elle fait des cauchemars. Elle est aussi suivie par un psychologue du ministère et un psychiatre. La semaine prochaine, elle a rendez-vous avec son psychiatre et le 31 octobre, elle doit revoir son psychologue.»
Le plus dur pour Marissa Sookur, c’est de voir son père derrière les barreaux. Mais elle se fait un devoir de lui rendre visite chaque semaine à la prison de Beau-Bassin. «Mon père fait peine à voir. Il a beaucoup maigri. Il est souffrant aussi. Il a eu une sorte d’attaque et a des difficultés à se servir d’une de ses mains. Je le reconnais à peine. Pour moi, ce n’est plus le père que j’ai connu pendant toutes ces années.»
La jeune fille insiste sur un point : pour elle, son père n’est pas responsable de la mort de Stacey Henrisson. «Il n’a pas pu faire une chose pareille. Je crois en son innocence et je ne changerai jamais d’avis là-dessus», martèle Marissa. Pour l’heure, les enquêteurs semblent avoir toutes les raisons de croire que Jayraj Sookur est coupable de ce meurtre. Ce sera à la justice de trancher.