Ils regrettent tous deux d’avoir tenu de tels propos sur le réseau social.
Ils regrettent tous deux d’avoir tenu de tels propos sur le réseau social.
Les réseaux sociaux ont leurs limites. On ne peut s’en servir pour dénigrer un individu ou une communauté ou leur porter atteinte. Krishnee Bunwaree et Kushal Kundhaising l’ont compris. Après avoir publié des propos sectaires visant une communauté sur Facebook, ils ont présenté des excuses publiques cette semaine.
La liberté d’expression a ses limites. Krishnee Bunwaree et Kushal Kundhaising l’ont appris à leurs dépens. Ils avaient publié des propos sectaires visant une communauté sur Facebook. La première, une habitante de Vallée-des-Prêtres, âgée de 22 ans, a passé plusieurs jours en détention après son arrestation le 1er août, et le second,
19 ans et habitant Baie-du-Cap, a été interpellé le 5 août.
Libérée le lundi 6 août après avoir fourni une caution de Rs 25 000 et signé une reconnaissance de dette de Rs 75 000, Krishnee Bunwaree a présenté des excuses à la population en présence de son homme de loi, Me Jaysing Chummun. «Je présente mes excuses à la population et à tous ceux qui ont été blessés par mes propos. Je regrette ce qui s’est passé.» Questionnée par les journalistes, elle n’a pas fait d’autres commentaires. Toutefois, après son arrestation, elle avait avoué aux enquêteurs qu’elle ne s’attendait pas à ce que ses propos prennent une telle ampleur.
Suite à sa libération, la jeune femme a dû quitter son domicile pour trouver refuge ailleurs, et ce, pour sa propre sécurité. De plus, elle est soumise à un couvre-feu entre 18 heures et 6 heures du matin et doit aussi se présenter au poste de police le plus proche de sa localité chaque jour.
En état d’ébriété
Quant à Kushal Kundhaising, il a aussi reconnu avoir posté des commentaires sectaires, mais il affirme qu’il l’a fait alors qu’il était en état d’ébriété. Lors d’une conférence de presse tenue le mercredi 8 août à Phoenix, en présence de Jameel Peerally du mouvement Azirmoris, Kushal Kundhaising a présenté ses excuses en ces termes : «Je demande pardon à la population et à tous ceux que j’ai blessés à travers mes propos.» Allant plus loin dans son discours, il a appelé les jeunes à ne pas adopter une attitude communale. «Nous devons tous être soudés. Le racisme ne mène nulle part. Les groupes sociaux culturels incitent à la division. Il ne faut pas entrer dans leur jeu.»
Jameel Peerally, pour sa part, devait affirmer que la jeunesse mérite d’être pardonnée pour ses dérapages. Selon lui, les Mauriciens ont hérité d’un système communal qui est encouragé par les politiciens. «Si les politiciens ne tenaient pas des discours sectaires, la population n’aurait pas pensé en tant que communauté mais en tant que citoyen mauricien. Ce que Krishnee Bunwaree a écrit n’est rien comparé à ce que disent certains politiciens lors de leurs rassemblements. Il y a une justice à deux vitesses à Maurice. Les politiciens ne sont jamais inquiétés quand ils tiennent des discours incendiaires alors que les petits citoyens sont traités comme des criminels. Il faut parler en tant que Mauricien et non en tant que membre de telle ou telle communauté», a-t-il déclaré.
Amer, il souhaiterait voir les groupes socioculturels disparaître du paysage mauricien afin que l’unité règne vraiment.
Les autorités en alerte
L’Information & Communication Technologies Authority (ICTA) est plus que jamais en alerte. En effet, depuis le début de la semaine, cet organisme qui régit le secteur de l’information et de la communication à Maurice, a enregistré plusieurs plaintes venant des jeunes filles qui se sont retrouvées sur la page «Jeunes Mauriciennes en chaleur» sur Facebook. Dans un communiqué, l’ICTA met en garde quiconque se servant d’un outil informatique dans le but de nuire à la réputation d’une personne car ces délits sont passibles d’amendes et de peines d’emprisonnement. Selon un haut cadre de cette institution, les cybercrimes seraient en hausse et très courants à Maurice. «Il faut faire preuve de responsabilité. Les gens ont tendance à croire que tout leur est permis quand ils se trouvent devant l’écran de leur ordinateur. Mais tout peut être retracé. Nous sommes en alerte. Chaque cas rapporté à l’ICTA est référé à la police pour des enquêtes», souligne notre interlocuteur. Pour l’heure l’ICTA appelle à la prudence de tout un chacun pour éviter des dérapages.
Ce que dit la loi
Me Ashok Radhakissoon, ancien président de l’Independent Broadcasting Authority (IBA) et de l’Information & Communication Technologies Authority (ICTA), explique que celui qui est responsable de la page Jeunes Mauriciennes en chaleur est passible d’une amende ne dépassant pas Rs 1 million et d’une peine d’emprisonnement ne dépassant pas cinq ans. «Cette personne a commis un délit selon l’ICT Act. Elle a volé les photos et les a publiées sans le consentement de ces jeunes filles. Elle a violé leur intimité et a nui à leur réputation », explique Me Radhakisson. Il poursuit : «Les victimes peuvent poursuivre le suspect au civil et réclamer des dommages. Par exemple, si une photo est publiée dans la presse sans le consentement de la personne, le journal est passible d’une amende. C’est la même chose qui s’est produite, sauf que cela se passe sur le site Facebook. Mais la loi appliquée est la même.»
Véronique Wan Hok Chee, psychologue :
«Les jeunes ont tendance à croire que tout est permis»
Selon la psychologue Véronique Wan Hok Chee, Facebook est, pour les jeunes, le nouveau confessionnal des temps modernes. «Ils se servent du réseau pour exprimer leurs états d’âme. De ce fait, les dérapages ne sont pas à écarter. Ils naviguent avec aisance sur ce site et ont tendance à croire que tout est permis. Il n’y a aucune limite. Ils ne pensent pas aux conséquences quand ils postent des commentaires. Des fois, ce sont des propos racistes ou destructeurs visant une personne.
Ce qui importe pour eux, c’est d’exprimer leurs états d’âme, point», explique la psychologue.
Selon elle, ces dérapages sont signes de profondes frustrations enfouies depuis trop longtemps. «Pour certaines personnes, il est plus facile de s’exprimer sur un réseau social que de voir un psy ou d’entamer une conversation en face à face avec une autre personne. Lorsque le mal-être se manifeste, la personne en question ne contrôle plus ses pulsions et commencent à déblatérer», poursuit-elle.
Commentant l’affaire de la page Jeunes Mauriciennes en chaleur, elle avance que son créateur est sans doute en plein éveil sexuel. «C’est peut-être un jeune qui est en train de découvrir sa sexualité et qui a du mal à gérer son éveil sexuel. Il veut aller jusqu’au bout de sa curiosité et est sans doute attiré par des photos pornographiques. Il est fort probable qu’il mette le tout sur le compte d’une plaisanterie lorsque les autorités sauront qui il est», soutient Véronique Wan Hok Chee. Selon elle, tout cela démontre qu’il y a un manque d’éducation sexuelle à Maurice.