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La descente aux enfers de Krishnee Bunwaree

Elle ne pensait pas que les quelques lignes qu’elle avait postées sur le réseau social Facebook et visant une communauté particulière allaient soulever un véritable tollé dans l’île. Et surtout que l’affaire allait prendre une tournure judiciaire. En un rien de temps, elle a vu son univers basculer complètement.

Krishnee Bunwaree. Voilà un nom qui fait couler beaucoup d’encre depuis une semaine. Et qui est sur toutes les lèvres. Celle qui, il y a quelques jours, n’était qu’une simple anonyme et menait une vie plutôt paisible, a vu son petit monde basculer, tel un château de cartes, d’un seul coup. Cette habitante de Vallée-des-Prêtres, âgée de 22 ans, a été arrêtée par la Cybercrime Unit de la Central CID dans l’après-midi du mercredi 1er août. Il lui est reproché d’avoir posté un message à caractère sectaire sur le réseau social Facebook visant la communauté musulmane.

Dans le sillage de cette affaire, Kavish Bhoonah, un habitant de Verdun, a également été interpellé pour avoir commenté les propos de Krishnee Bunwaree. Après un long interrogatoire, il a pu rentrer chez lui. Toutefois son domicile a été perquisitionné et son ordinateur saisi pour les besoins de l’enquête policière.

Depuis que toute cette affaire a éclaté, Krishnee Bunwaree, elle, ne cesse de crier haut et fort qu’elle n’est pas «raciste». Lors de son interrogatoire aux Casernes centrales, la jeune femme a déclaré qu’elle ne pensait pas que les commentaires qu’elle avait postés le 22 juillet, peu après midi, prendraient de telles proportions. Mais depuis, elle assiste, impuissante, à sa descente aux enfers.

Vendeuse dans une grande chaîne de magasins de meubles, elle a été licenciée avec effet immédiat dès que son employeur a pris connaissance de ce «dérapage» anti-communal sur le célèbre réseau social. Krishnee Bunmaree n’était pas au bout de ses peines. Loin de là. S’en sont suivies son arrestation et une descente à son domicile où elle était accompagnée des membres de la Cybercrime Unit et où son ordinateur portable a été saisi.

Sur place, elle a été accueillie par une petite foule hostile constituée des gens de la localité et d’autres régions révoltés par les propos de la jeune femme. Depuis, pour des raisons de sécurité, le frère et la mère de Krishnee Bunwaree – elle est orpheline de père – ont déserté le toit familial pour se réfugier chez des proches.

Dépression

Après une première nuit en cellule policière, le mercredi 1er août, la facebookeuse a été présentée en cour le lendemain, où des charges provisoires d’«access to computer system with the intent to commit an offence» et de «stirring up racial hatred» ont été retenues contre elle. Reconduite en cellule policière, elle aurait cependant fait une dépression nerveuse et a été conduite à l’hôpital Jawaharlall Nehru où elle est admise dans le bloc réservé aux détenus.

Mais une question reste posée : pourquoi Krishnee Bunwaree a-t-elle tenu de tels propos sur Facebook ? Beaucoup s’accordent à dire que ce serait dû à ses problèmes de cœur. Alors qu’elle était encore mineure, Krishnee Bunwaree est tombée éperdument amoureuse d’un dénommé Amanoullah Emmamdee, habitant également Vallée-des-Prêtres. Les deux tourtereaux vivront cependant leur idylle contre l’accord de leurs proches respectifs et contracteront le nikkah (mariage religieux musulman). Krishnee adoptera alors le prénom de Fareena.

Selon le frère d’Amanoullah Emmamdee, les deux ont vécu sous le même toit pendant huit mois. «Ils vivaient chez ma mère. Ils étaient bien ensemble même si maintenant certaines personnes disent que mon frère la maltraitait, ce qui est faux. Après leur mariage, mon frère a été impliqué dans une affaire de meurtre. Krishnee est alors retournée vivre chez ses parents. Quant à mon frère, il est toujours en prison», dit-il.

Et depuis que l’affaire a éclaté, les réactions pleuvent, certaines la condamnant sévèrement et d’autres réclamant la clémence (voir hors-texte). Même le vice-Premier ministre Rashid Beebeejaun s’y est mis, en qualifiant les propos de la jeune femme d’«infâmes, dégoûtants et inacceptables». La Jamiat-Ul-Ulama regroupant des dignitaires religieux a également tenu une conférence de presse, le vendredi 3 août. Son porte-parole, le maulana Jamil Chooramun a fait appel à la communauté musulmane pour qu’elle ne prête pas foi à ce genre de commentaire tout en jugeant ceux de Krishnee Bunwaree «honteux, blasphématoires et incendiaires».

Pour l’heure, Krishnee Bunwaree reste en cellule. Elle doit de nouveau comparaître en cour ce lundi 6 août. Elle saura alors si elle obtiendra la liberté sous caution ou pas. Mais quoi qu’il en soit, sa vie ne sera plus jamais la même.

La police appelle à la responsabilité des internautes

Ceux qui utilisent les réseaux sociaux doivent faire gaffe, sinon… Suite aux messages à caractère sectaire sur Facebook, la police a émis un communiqué, appelant les internautes à faire preuve de responsabilité. La police avise les Mauriciens que tout dérapage sur des réseaux sociaux, comportant des messages à caractère raciste ou communal, est passible de sanctions.

Selon l’article 46 (h) de l’Information & Communication Technologies Act 2001, toute personne se servant d’un moyen de communication ou de télécommunication dans le but de transmettre, de réceptionner des messages à caractère grossier et offensant, indécent, obscène, comportant des menaces, pouvant causer du tort à une personne ou pouvant porter atteinte à l’harmonie sociale, est passible d’une peine d’emprisonnement ne dépassant pas cinq ans ou d’une amende ne dépassant pas Rs 1 million.

Par ailleurs, l’article 284 (1) (a) et (2) du Criminal Code 1838 : «Stirring up racial hatred», stipule que toute personne «with intent to stir up contempt or hatred against any section or part of any section of the public distinguished by race, caste, place of origin, political opinions, colour or creed, publishes or distributes any writing which is threatening abusive or insulting», est passible d’une amende ne dépassant pas Rs 100 000 et d’une servitude pénale ne dépassant pas 20 ans.

La VOH se dissocie

«Si elle est jugée coupable, qu’elle assume entièrement ses responsabilités.» C’est en ces termes que Navin Unnoop, vice-président de la Voice of Hindu commente l’affaire Krishnee Bunwaree. Se dissociant totalement des propos sectaires que la jeune femme a postés sur le réseau social Facebook, Navin Unnoop ne mâche pas ses mots : «Ki li pran so responsabilité si line fané.» Ce dernier affirme que l’état-major de la VOH s’est réuni de toute urgence, le vendredi 3 août, pour parler de cette affaire. «Nous avons mobilisé nos cellules. Nous condamnons les propos de la jeune femme. C’est un manque de respect pour la communauté en question d’autant qu’elle est en période de carême. J’ai observé que certaines personnes demandent à la communauté hindoue en général de s’excuser auprès des musulmans. C’est inadmissible. Que la personne concernée fasse des excuses. La population hindoue en général ne peut être tenue pour responsable», avance-t-il.

Navin Unnoop soutient que la VOH a envoyé une lettre à l’ICTA, au bureau du Premier ministre, au commissaire de police, au président de la République ainsi qu’au leader de l’opposition concernant cette affaire. Selon lui, le Front commun hindou se rassemblera le lundi 6 août à 13h30 au siège de l’Hindu Maha Sabha, à Port-Louis, pour discuter de cette affaire. «On décidera alors de la marche à suivre.»

Une affaire qui divise

Le message à caractère sectaire de Krishnee Bunwaree sur Facebook a mis le feu aux poudres. En effet, les réactions suite à cette affaire ne se sont pas fait attendre. Entre le ministre Rashid Beebeejaun qui qualifie ces propos de «dégueulasses» et «dégoûtants» et le maulana Jameel Chooramun de la Jammat-ul-Ulama qui désigne ce message de «honteux», «injuste» et «incendiaire», et d’autres qui prônent la tolérance, les Mauriciens montent au créneau. Sur Facebook, l’affaire continue à faire grand bruit. En quelques jours, deux groupes ont été formés : Tolerance towards Krishnee Bunwaree et Free Krishnee Bunwaree qui regroupent des internautes qui partagent leurs opinions sur le sujet. De nombreux internautes se sont joints aux deux groupes pour apporter leur soutien et lancer un appel au pardon et à la tolérance.

On peut y lire des messages comme : «L’envoyer en prison ne fera pas d’elle une meilleure personne», «On doit lui donner une chance. Elle a déjà tiré une leçon de son erreur», «L’unité et la tolérance sont indispensables si l’on veut une meilleure société» ou encore Pourquoi ne peut-on pas lui pardonner ? Ce n’est pas de notre rôle de la juger». Jameel Peerally de Azir Moris et fondateur du mouvement Wanted 15 000 Youngsters to save our future a lui aussi réagi sur sa page en déclarant : «Au lieu de mettre Krishnee Bunwaree derrière les barreaux pendant cinq ans, il faut interdire les groupes sociaux culturels à Maurice. Ce serait ça le vrai progrès.»

Si certains se veulent pacifistes, d’autres ne partagent pas le même avis et condamnent cet acte. «Il faut commencer par la punir. Certains disent qu’elle est jeune et qu’il faut lui donner une chance mais il faut qu’elle apprenne de ses erreurs», estime un facebookeur, «la justice doit être faite. Il n’y a pas de place pour le racisme dans notre pays», dit un autre. «Elle mérite une bonne punition de 5 ans», avance même un internaute.

Amy Kamanah

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