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Brinda Sadul : «La vie sera horrible sans mon enfant et mon époux»

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C’est à cet endroit que les deux hommes ont été emportés par les flots.

Ils partageaient la même passion pour la pêche. Mais leur dernière partie leur a été fatale. Père et fils ont péri en mer à Albion, laissant derrière eux des proches anéantis. Celle qui a perdu son enfant et son mari d’un seul coup, et un proche qui a assisté, impuissant, à la scène d’horreur, témoignent dans la douleur.

C’est une femme meurtrie au plus profond d’elle-même. Complètement écrasée par la double disparition de deux êtres chers. En un jour, Brinda Sadul a perdu son fils Eshan, 16 ans, et son époux Salim, 44 ans. Assise sur une natte à même le sol, drapée dans un churidhar blanc, symbolisant le deuil, Brinda essaie tant bien que mal d’apaiser sa souffrance dans les bras de sa fille Roubina, 18 ans. Essuyant tantôt les larmes qui coulent sur le visage de sa mère, prenant tantôt sa main pour la réconforter, Roubina s’efforce de se montrer courageuse en ces temps difficiles. Mais ses yeux larmoyants ne peuvent masquer son immense chagrin.

En une journée l’existence de ces deux femmes a basculé tragiquement. Elles ont perdu ceux qui veillaient sur elles, qui les protégeaient, les deux hommes de la maison. Le destin a voulu que le jeudi 19 juillet, Salim et Eshan soient engloutis par les eaux lors d’une partie de pêche qui a mal tourné. Père et fils partageaient la même passion pour la pêche. Et comme en de nombreuses autres occasions, ils avaient décidé, ce jour-là de se rendre au Phare de Belle-Vue, à Albion, d’où ils revenaient généralement satisfaits. Car selon Brinda, ils ramenaient souvent de gros poissons. Mais en cet après-midi funeste, la mort les attendait en ces lieux. Le père a été emporté par une grosse vague et le fils est tombé à l’eau en essayant de le sauver de la noyade. Si le corps sans vie de Salim a été repêché aux alentours de 17h50, celui de son fils a été retrouvé moins de 24 heures plus tard par les membres de la garde côte nationale (voir hors-texte).

Depuis que la terrible nouvelle est parvenue au domicile des Sadul à Montagne-Ory, les proches et amis y affluent pour témoigner de leur sympathie à Brinda et à sa fille. La mère et épouse dévastée raconte péniblement la dernière conversation qu’elle a eue avec son époux. «J’étais à mon travail. J’ai appelé Salim vers 11 heures pour savoir ce qu’il allait faire de sa journée. Il m’a dit qu’il comptait se rendre à Albion pour une partie de pêche avec notre fils Eshan ainsi que deux autres membres de la famille qui habitent à quelques pas de chez nous. Salim voulait manger du poisson frais. Craz masala lor ross pour faire cari poisson kan mo vini. Ce sont là les derniers mots que mon époux m’a dits», raconte avec émotion Brinda qui ne cesse de se demander pourquoi un tel sort s’acharne sur sa famille. Cela a été un cauchemar pour elle d’enterrer ces deux êtres chers le même jour, au cimetière de Circonstance. Mais désormais, c’est grâce aux souvenirs de son mari et de son fils, qu’elle gardera à jamais dans son coeur, qu’elle s’armera de courage pour faire face à la vie.

«Épouse et mère dévastée»

Élève en Form IV au collège Newton à Rose-Hill, Eshan était, aux yeux de sa mère, le fils presque parfait. «Il était toujours très respectueux envers les membres de la famille. Il était très proche de son père et les deux ne se quittaient pratiquement jamais. Eshan voulait se lancer dans la mécanique ou dans l’électrique. Il n’avait pas fait de choix de carrière définitif mais avait tout de même une petite idée en tête. Il aimait bricoler et faire des petits travaux. Le vendredi 20 juillet, il aurait dû se rendre à l’école en compagnie de son père pour récupérer son bulletin du deuxième trimestre. Je suis une épouse et une mère dévastée, ma vie ne sera plus la même. Elle sera insupportable sans mon époux et mon enfant», dit-elle douloureusement.

C’est avec beaucoup d’affection que Brinda parle de Salim. Époux attentionné, veillant au bien-être de sa famille, Salim, jardinier de profession, était, selon son épouse, un bosseur dans l’âme. «Nous sommes une famille aux revenus modestes. Je suis bonne à tout faire et mon mari jardinier. Depuis peu, ma fille a trouvé un emploi à Bagatelle. Mon mari faisait aussi des petits travaux quand il en trouvait, afin de joindre les deux bouts. Il veillait toujours à ce qu’on ne manque de rien. C’est pour cela que chaque samedi, il allait pêcher à Albion pour ramener du poisson. Il avait décidé de le faire jeudi, avant le début du carême du ramadan, car il ne comptait pas y aller durant le temps de jeûne», confie-t-elle.

C’est accompagné d’un de ses frères, d’un de ses beaux-frères, d’un neveu et de son fils, que Salim s’est donc rendu à Albion ce jour-là pour pêcher. Shakeel Sadul, 17 ans, faisait partie de la petite bande. Cousin d’Eshan et neveu de Salim, il a assisté impuissant à cette double disparition. Prenant son courage à deux mains, il revient sur les circonstances de ce drame qui le hante depuis jeudi. «Mon cousin Eshan, son père Salim et moi-même avions choisi de pêcher au même endroit tandis que les deux autres membres de la famille pêchaient quelques mètres plus loin. À un moment, Eshan, qui se tenait debout sur un rocher, a lancé sa canne à pêche à l’eau. Au même instant, une grosse vague l’a jeté à la mer. Son père et moi l’avons aidé à s’en sortir en lui lançant ma canne. Nous l’avons ensuite tiré jusqu’à ce qu’il soit enfin sain et sauf», explique Shakeel complètement traumatisé par les événements.

Pire scénario de sa vie

Il a assisté au pire scénario de sa vie. Celui de voir emportés à jamais par les flots son cousin, qui était aussi son meilleur ami, ainsi que le père de ce dernier. Il poursuit son récit douloureux : «Une fois que mon cousin a été tiré d’affaire, son père a paniqué et a voulu qu’on rentre tout de suite à la maison. C’est alors qu’un deuxième drame s’est joué. Une autre vague est venue et a emporté mon oncle. Eshan s’est précipité à l’eau pour sauver son père même si j’ai tenté de le retenir. En vain. Finalement, ils se sont tous deux retrouvés en difficulté. À un moment, je ne les ai plus vus. J’appelais à l’aide mais mes deux proches qui étaient à quelques mètres ne m’entendaient pas, à cause des vagues», murmure l’adolescent.

Aussitôt que les deux hommes sont mis au courant de la situation, la National Coast Guard est alertée et les recherches commencent. Les gardes-côtes retrouveront assez vite le corps sans vie de Salim qui est remonté à la surface quelques minutes plus tard. Mais ce n’est que le lendemain matin que celui d’Eshan sera retrouvé. Cette double disparition a jeté un froid glacial dans la petite localité de Montagne-Ory. Perdre deux des leurs si brutalement est un choc dont les nombreux proches et amis ne se remettront pas de sitôt. Brinda et sa fille Roubina devront désormais affronter l’avenir sans leurs protecteurs, un avenir qui s’annonce des plus sombres pour elles.

La NCG met les bouchées doubles

C’est aux alentours de 16h50, le jeudi 19 juillet, que l’alerte a été donnée à la National Coast Guard d’Albion concernant la disparition de Salim et d’Eshan Sadul. Vers 17h50, le corps sans vie de Salim a été repêché par les gardes-côtes alors que celui de son fils était toujours introuvable. Si les recherches se sont arrêtées à la tombée de la nuit, elles ont repris très tôt le vendredi matin. C’est Shakeel Sadul, un proche des victimes, qui a permis aux plongeurs de retrouver l’adolescent. En effet, le jeune homme, qui avait accompagné les membres de la NCG sur les lieux de l’accident, a indiqué l’endroit exact où Eshan avait coulé pour ne plus refaire surface. Quelques minutes plus tard, les plongeurs ont pu retrouver le corps sans vie d’Eshan, coincé entre des coraux à plus de sept mètres de profondeur. La dépouille a par la suite été transportée à l’hôpital. Les rapports d’autopsie ont attribué le décès des deux hommes à une asphyxie due à la noyade.

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