De l’extérieur, la fondation Georges Charles ressemble à une enseigne scolaire comme les autres. Mais lorsqu’on s’y attarde un peu, qu’on découvre ceux qui font vivre ce lieu, elle prend une autre dimension. La bâtisse, une ancienne maison qui donne sur la mer, a une vocation particulière car elle accueille depuis 1982 des enfants et des adultes atteints de handicaps mentaux et de déficience intellectuelle afin de leur donner une éducation adaptée et, ensuite, mieux les intégrer dans la société.
Depuis que l’école a été la proie de voleurs et de vandales récemment, l’équipe, secouée par ces actes, est en mode rodage. Les ordinateurs, les télés, l’imprimante, la photocopieuse et de nombreux autres équipements ont été emportés, compromettant ainsi les séances de travail. Ce qui s’est produit leur laisse un goût d’amertume et d’injustice mais les éducateurs sont loin de se laisser faire.
En attendant de se remettre sur pied, tous les moyens sont bons pour maintenir le rythme de travail au quotidien. Ce matin, c’est séance de zumba pour une quinzaine d’élèves. Pour remplacer la sono qui a été emportée par les malfrats, la prof a déniché une petite radiocassette qui devrait faire l’affaire. Dos à la mer, les enfants s’élancent sans se faire prier au son de la musique qui se mêle au bruit des vagues. Au-devant de la scène, une jeune fille mène la danse et attire l’attention. Sourire aux lèvres, elle semble prendre énormément de plaisir à danser. Ses mouvements sont fluides, précis et libres. C’est Adriana, 14 ans bientôt et autiste.
Devant l’épanouissement de son élève, Kristel Mariapa-Bhugon, éducatrice spécialisée en apprentissage de lecture et d’écriture, ne peut cacher son admiration et sa fierté. «Lorsqu’elle est arrivée, Adriana était enfermée dans sa bulle. Comme beaucoup d’autistes, elle ne parlait pas. Puis, petit à petit, elle a commencé à s’ouvrir, à dire quelques mots, à s’intégrer. Elle adore la danse et elle a vraiment beaucoup de talent», confie l’enseignante. Selon cette dernière, Adriana est l’exemple parfait qu’on peut aller au-delà de son handicap. Kristel Mariapa-Bhugon est convaincue que la jeune fille, avec le potentiel qu’elle a, pourra aller loin si elle est soutenue par des sponsors et a accès à des cours de danse.
S’intégrer à la société active
Le dévouement de Kristel Mariapa-Bhugon envers ses élèves est sans faille. Enseignante depuis 11 ans au sein de la fondation Georges Charles, la jeune femme est heureuse de se réveiller chaque matin pour retrouver ses protégés : «Je m’occupe des enfants présentant un retard intellectuel. Ils ont déjà essayé l’école mais ne sont pas arrivés à s’y adapter, alors on travail sur un programme adapté à leurs besoins. Ils prennent plus de temps pour assimiler les choses mais ils ont tout autant de potentiel que les autres.»Lorsqu’un groupe de volontaires crée la fondation au début des années 80, ces derniers sont poussés par l’envie de donner les mêmes chances à ceux qui sont porteurs d’un handicap intellectuel afin qu’ils puissent se développer, s’autonomiser mais aussi et surtout mieux s’intégrer à la société active.
L’apprentissage y est académique et manuel car les enfants savent très bien faire travailler leurs mains. Toutes les facilités sont mises à la disposition des élèves, allant de la prise en charge paramédicale aux thérapies données par un ergothérapeute qui veille à leur bien-être. Les activités créatives, artistiques et sportives sont aussi placées au cœur de l’enseignement de l’école. Une salle de gym est mise à leur disposition et, avec leur prof de culture physique, les bénéficiaires sont heureux de pratiquer différents types de sport. «Ils sont très doués à ce niveau-là. Ils ont beaucoup d’énergie et ça leur permet de les évacuer positivement», souligne Collette de Chartier, la directrice de l’établissement.
Les emmener vers une intégration sociale et vers des opportunités de travail, c’est le but ultime de l’association, précise notre interlocutrice qui ne tarit pas d’éloges lorsqu’elle parle d’eux : «Malheureusement, aujourd’hui encore, il y a de nombreux préjugés mais il suffit d’être là avec eux pour comprendre la beauté de leur être et voir à quel point ils sont généreux, affectueux et intelligents. Nous avons ici des modèles qui démontrent tous les jours que l’on peut faire de belles choses, qu’on soit porteur d’un handicap ou pas. Au final, le handicap n’est plus une différence. Nous avons tous du potentiel et on peut tous aller au-delà de nos capacités.»
Les capacités, justement, les bénéficiaires de la fondation n’en manquent pas. Travailler avec ses mains et créer de magnifiques petits objets, c’est ce que s’évertue à enseigner celui que l’on surnomme affectueusement Ti Jacques dans sa classe de reliure.
Capacités diverses et variées
Aujourd’hui, c’est fabrication de petits carnets en papier au programme. Dans la petite salle de classe de Ti Jacques, une dizaine de garçons, tous des adultes, se mettent au travail, assis au milieu des nombreux objets qu’ils ont confectionnés. Leurs réalisations sont une source de motivation et de fierté pour les élèves qui sont fiers de montrer ce qu’ils savent faire à chaque visiteur qui viennent les voir. Leur éducateur est le premier à être fan de leurs créations : «Ils sont très doués. Ils ont créé des petites décorations avec des pinces à linge en bois, font des tableaux. Pour la St-Valentin, ils ont fait des cartes qu’ils ont ensuite offertes à leurs parents. Tout se passe en équipe. Ce travail est important car ça contribue à leur développement.»
Car oui ! Bien qu’ils soient atteints d’un handicap mental, cela n’empêche pas ces jeunes d’avoir du potentiel et des capacités diverses et variées. Et il faut dire que toutes les chances sont mises de leur côté. Outre le côté académique de leur apprentissage, la fondation Georges Charles se focalise aussi beaucoup sur l’aspect technique et manuel de l’éducation.
Ainsi, dans la menuiserie de l’établissement, plusieurs jeunes hommes s’adonnent à l’art du bois. Petits meubles, poignets ou encore ustensiles de cuisine, l’équipe de la menuiserie, dirigée par l’éducateur Sunil Juhora, a de quoi faire. Entre les scies, les rabots et les ciseaux de sculpteur, Stefano, qui fréquente l’école depuis une quinzaine d’années, est dans son élément. «Ici, on travaille le bois. J’aime beaucoup ce que je fais»,confie-t-il. De temps en temps, la menuiserie reçoit même des commandes de particuliers qui apprécient le travail et le talent de ces jeunes. Un bel accomplissement pour Stefano et ses amis qui sont tout heureux que leur savoir-faire remporte du succès.
Donner à l’enfant assez de confiance en lui et d’outils pour qu’il puisse apprendre et développer ses propres capacités et ses talents… Voilà la mission de l’équipe de la fondation qui voit son dévouement être couronné par de belles réussites. L’une d’elles se prénomme Gawtam. À 16 ans, l’adolescent a été médaillé d’or en natation aux derniers Jeux des îles. Atteint de déficience intellectuelle, il vient prouver que le handicap n’a jamais été un frein à la réussite et à la réalisation de ses rêves. Lui qui avait pour habitude de nager dans la rivière de sa localité, joue aujourd’hui dans la cour des grands.
Depuis son incroyable performance, Gawtam fait partie de l’équipe officielle handisportive. Tous les jours, il prend plaisir à se rendre aux entraînements. Gawtam ambitionne de devenir un grand nageur et rien ne pourra l’empêcher d’aller au bout de ses rêves.